|
Loi naturelle
et connaissance de Dieu
Comment
les personnes qui n'ont pas reçu la révélation de
Yahvé par la Loi de Moïse peuvent-elles connaître le
Tout-Autre? Comment peuvent-elles être sauvées? En d'autres
mots, qu'est-ce la Loi naturelle inscrite au fond de leur coeur? D'où
vient-elle? Où puis-je trouver des références pour
ensuite l'expliquer?
Il
y a deux questions majeures ici, qui touchent des problèmes difficiles.
Premièrement, la connaissance de Dieu, ensuite la relation entre
l'observance de la loi et le salut. La connaissance de Dieu ou la révélation
est une branche de la théologie (la théologie fondamentale).
Je m'en tiens ici au seul domaine biblique qui est le mien. La Bible dit
assez peu de chose sur une connaissance « naturelle »
de Dieu, et ce sont des textes tardifs (cf. Ps 19; Sg 13,1-9; Si
42,15&endash;43,33; Rm 1,19-21). Aussi, l'existence d'une « loi
naturelle » est-elle un enseignement plutôt catholique,
appuyé surtout sur Rm 1&endash;3, mais rejeté par les communautés
protestantes qui se sont toujours méfiées de l'humain. De
l'autre côté, la Bible parle à chaque page de la révélation
de Dieu. Dieu crée, il noue des alliances, il donne des lois, il
promet, il châtie, il récompense, etc. Mais on ne dit pas
comment les hagiographes ont reçu cette révélation.
Il ne suffit pas qu'un auteur biblique écrive : « Dieu
commanda à Moïse, fais ceci ou fais cela » pour
qu'on imagine le Seigneur parlant directement à cet auteur. Aussi,
les moyens de la révélation demeurent assez mystérieux.
De toute façon, c'est là plus l'objet de la théologie
fondamentale ou du traité de l'inspiration scripturaire. Il est
évident que les explications ont beaucoup varié au long
des siècles, certains insistant plus sur l'élément
divin de révélation, alors qu'aujourd'hui on insiste davantage
sur l'élément humain d'expérience de Dieu. Ici, on
n'entend certainement pas affirmer que la révélation se
comprend parfaitement par l'intelligence humaine ou qu'elle en viendrait,
mais uniquement que l'élément humain de réflexion,
de méditation, d'accumulations d'expériences de la divinité,
joue un grand rôle dans la révélation que Dieu a faite
de lui-même.
La relation entre l'observance d'une loi
et le salut est plutôt chrétienne. Le judaïsme, à
l'origine du moins, considérait la loi comme un moyen pratique
pour être heureux sur terre (on sait que l'eschatologie est une
doctrine tardive qui n'apparaît que dans des livres comme les Maccabées
par exemple). Le judaïsme ne parle donc pas de la révélation
ou de la loi en termes de « salut », du moins pas
à l'époque biblique. Maintenant, qu'un chrétien parle
de salut, rien de plus normal, mais pourquoi la question parle-t-elle
d'un salut « par la révélation de la loi de Moïse »?
Ne devrait-on pas plutôt parler du salut par Jésus Christ
ou par l'évangile? Le fait est que le chrétien n'est certainement
pas sauvé par la loi de Moïse, mais par Jésus Christ.
Saint Paul a réglé la question de la loi de Moïse pour
les chrétiens dans ses lettres aux Galates et aux Romains. Ceux
qui connaissent Jésus Christ et accueille l'évangile reçoivent
de lui le salut.
On revient donc à la question du
salut de ceux qui n'ont pas connu la révélation. La Bible
n'en dit rien. Il faut souligner combien les écrits vétérotestamentaires
sont marqués par la doctrine de l'élection. La religion
juive a toujours été liée à un peuple et n'a
donc jamais été missionnaire. On naissait juif, donc on
en suivait la religion. Les autres n'entraient tout simplement pas dans
cette religion; ils étaient même une menace de contamination.
Le christianisme, évidemment, a dû considérer les
choses autrement à cause de son caractère international
et missionnaire du début. Le Nouveau Testament n'en dit rien. Au
long des siècles, deux écoles théologiques se sont
affrontées. L'une, rigoriste, n'admettait de salut qu'en Jésus
Christ et par l'Église, strictement. En ce sens, seuls les chrétiens
explicites et fidèles seraient sauvés. L'autre s'appuyait
sur la bonne foi des hommes, sur la loi naturelle, pour admettre un salut,
mais toujours en Jésus Christ et par l'Église. Le dernier
concile de Vatican II s'est exprimé à ce sujet dans
Lumen
Gentium.
Hervé Tremblay, OP
Collège dominicain de philosophie et de théologie, Ottawa
Article précédent
:
Lazare
et son séjour au tombeau
|