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chronique du 12 octobre 2007

 

L’évangile apocryphe de Judas

fragment

C'est sur ce fragment du manuscrit qu'on peut lire : « évangile selon Judas. »

QuestionDans la revue Science et Avenir (janvier 2006), j’ai lu un dossier intitulé : « Découverte d’un manuscrit dérangeant : l’évangile de Judas ». Il serait apparu en 1983, égaré ensuite et restauré finalement en Suisse. Il donne une nouvelle version de la trahison du Christ. Judas aurait simplement obéi à un ordre divin. Au moment où l’article était écrit, seuls quelques fragments avait pu être déchiffrés. À la dernière page il apparaît que Judas obéissait à Dieu en trahissant Jésus. C’est une nouvelle vision qui ne nous dit pas qui il était en réalité, mais comment le voyaient ceux qui ont écrit cet évangile et qui le considéraient, en fin de compte, comme un héros. Cet article est fort intéressant. J’aimerais bien avoir votre opinion. (Monique)

RéponseD’abord, quelques précisions. Chacun son domaine. Les molécules et les années lumières, c’est le domaine de Science et avenir, pas la théologie et l’Écriture sainte. Je ne me permettrais pas d’écrire ou d’affirmer quoi que ce soit sur les changements climatiques ou l’évolution des espèces, que ces gens-là nous laissent tranquilles dans les domaines où ils ne sont pas compétents! En effet, il s’agit ici de bien placer l’évangile de Judas dans un ensemble vaste et complexe de textes anciens et de bien apprécier son contenu. Il faut donc connaître tout le cadre, pas uniquement un de ses détails.

     Cela dit, et il fallait le dire, essayons de distinguer. L’évangile de Judas n’est pas un manuscrit dérangeant sinon pour les adversaires de la foi. C’est que les anciens nous ont laissé plusieurs textes. Certains d’entre eux ont été reconnus par les communautés croyantes comme « normatif » pour leur foi : ce sont les livres « canoniques », c’est-à-dire les livres qui se trouvent dans nos Bibles. Mais il y a un nombre encore plus grand d’écrits anciens qui n’ont pas été reçus dans le canon des Écritures pour diverses raisons. Il y en a toutes les sortes. Beaucoup sont édités aujourd’hui et appelés « apocryphes » de l’Ancien ou du Nouveau Testament. C’est ainsi que l’on connaît depuis toujours d’autres « évangiles », « vie des apôtres ou de la Vierge Marie », « apocalypse », « martyre d’un apôtre », etc. Ces livres n’ont jamais dérangé personne. Ils sont parfois drôle, fantastique et tendancieux et une simple lecture fait vite comprendre pourquoi les communautés croyantes n’y ont pas reconnu leur foi. Ainsi, dans le protévangile de Jacques (d’où viennent l’âne et le bœuf de la crèche), Jésus enfant s’amuse à modeler des oiseaux avec de la glaise et leur donne l’existence, comme ça, juste pour s’amuser avec ses pouvoirs divins. Il y a beaucoup d’autres exemples semblables. C’est que le christianisme, comme toute doctrine, a donné naissance à des courants et des interprétations diverses, voire divergentes. Un courant ou une série a été reconnu comme authentique, les autres non. C’est normal et il ne peut pas en être autrement sinon on ne sait plus qui on est.

     C’est dans ce contexte des écrits apocryphes qu’il faut situer l’évangile de Judas. Les exégètes sont habitués d’avoir un tas de livres anciens qui ne disent pas la même chose que le courant authentiquement chrétien. Avec l’évangile de Judas, ça n’en fait qu’un de plus! Mais pour qui ne connaît pas tout le contexte, l’évangile de Judas, parce que ancien, paraît dérangeant, voire déstabilisant. Il faut que le croyant soir capable d’entendre une opinion différente de la sienne, une croyance autre que la sienne, tout en étant capable de maintenir sa foi (quitte à l’affiner un peu au besoin). Judas est présenté de façon assez négative dans les livres canoniques du Nouveau Testament. Un autre écrit ancien le présente de façon plus positive. Et puis après? Afin de bien apprécier l’évangile de Judas, il faut lire et connaître les apocryphes et bien les placer dans leur rapport avec les écrits canoniques du Nouveau Testament.

Hervé Tremblay

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Parénèse et noms théophores