INTERBIBLE
À la découverte du monde biblique

comprendre la biblearchéologiegroupes bibliquesinsolite

off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Comprendre la Bible
  image
Imprimer

chronique du 16 mai 2008

 

Pierre, Paul et Luc : martyres?

crucifixion de Pierre

Crucifixion de Pierre et décapitation de Paul
Chronique de Nuremberg © Beloit College

QuestionLes Actes des apôtres se terminent sans qu'on sache ce qu'il advient de Paul et de Luc. J'ai appris que Paul a été décapité, mais sans savoir la source, est-ce que Luc aurait eu le même sort ce qui expliquerait la fin des Actes?  Et Pierre où trouvons-nous qu'il a été crucifié la tête en bas? (Marthe)

RéponseC’est vrai que la finale du livre des Actes est déconcertante. Pourtant, en Ac 25,11-12, on nous annonçait que Paul devait comparaître devant l’empereur, mais son procès ne nous est pas raconté et nous ne connaissons pas non plus les motifs de sa condamnation à mort. Si nous voulons connaître la suite, nous devons nous référer à d’autres écrits. Cependant, peu de gens savent que nos traductions bibliques ne nous donnent que la version des grands onciaux du texte des Actes. Or, il en existe une version plus longue contenue dans le Codex de Bèze datant du Ve siècle. Cette version ajoute en Ac 28,19 :

Mais comme les Juifs disaient le connaître et allaient jusqu’à hurler « Supprimez notre ennemi », je fus contraint d’en appeler à César, pas comme si j’avais à accuser ma nation en quelque chose, mais afin que d’une mort je rachète ma vie.

     Ce texte occidental fait allusion à la mort de Paul et nous la présente comme similaire à celle de Jésus. Pourquoi Luc n’est-il pas plus explicite? Parce que Luc n’avait pas pour but d’écrire la biographie de Paul, mais de rendre compte de l’expansion du christianisme au-delà de la Judée, jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1,8-9). Il voulait montrer que le salut avait rejoint le monde païen (Ac 28,28), et avait touché le cœur de l’empire romain qu’était la ville de Rome. Rendu à Rome, son but était atteint.

     Le texte le plus ancien qui parle de la mort de Paul est celui de Clément de Rome, Épître aux Corinthiens 5,7 mais sa description reste encore vague et imprécise. Certains croient qu’il se serait peut-être rendu en Espagne et une tradition du Ve siècle affirme que Paul aurait connu une deuxième captivité à la prison de Tullianum, appelée aussi « Mamertine ». Le Deuxième livre de Timothée y ferait peut-être allusion (2 Tm 1,16-17). Il aurait été flagellé et décapité. Certains situent sa mort en 64 après l’incendie de Rome. D’autres, comme Eusèbe de Césarée (Chronique II, olympiade, 211) la situent entre juillet 67 et juin 68. Une autre tradition, datant du IIe siècle dit encore qu’il aurait été exécuté ad Aquas Salvias, à 30 milles de Rome. Il aurait été enterré à l’actuel emplacement de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs.

     Luc, médecin (Col 4,14), a peut-être soigné Paul (qui fut souvent roué de coup). On le situe avec lui à Rome, au moment de sa deuxième captivité (2 Tm 4,11). Le Prologue Anti-Marcionite raconte que Luc n’était pas marié et qu’il serait mort en Boeotia (peut-être la Bithynie) à l’âge de 84 ans. Deux traditions circulent concernant sa mort : une première qui dit qu’il aurait connu une mort naturelle et une deuxième qui raconte qu’il aurait été crucifié avec André à Patras (Péloponnèse). En 356-357, l’empereur Constantin II a transporté ses reliques de Thèbes à Constantinople. Aujourd’hui, elles sont à la basilique Saint-Pierre de Rome. 

     En ce qui concerne le martyre de Pierre, l’Évangile de Jean y fait clairement allusion (Jn 21,18-19). Les mots grecs utilisés pour dire « de quelle mort il devait glorifié Dieu » ne retrouvent que deux autres fois dans l’Évangile, en rapport avec la crucifixion de Jésus (Jn 12,33 ; 18,32). La Lettre de Pierre écrite à Rome en parle également (l P 5,13). Même si cette épître a été écrite un an après la mort de Pierre, celle-ci est décrite en termes glorieux  (1 P 5,1). Clément de Rome, en 95, y fait aussi allusions dans son Épître aux Corinthiens (5,4-5). On la retrouve aussi dans les apocryphes chrétiens du IIe siècle comme l’Ascension d’Isaïe (IV, 1-3) ou les Actes de Pierre (XXXII). Ce sont ces  Actes qui contiennent ce fameux récit du Quo vadis où Pierre désirant quitter Rome, rencontre le Christ s’en allant en sens inverse à « pour y être crucifié ». Pierre décide alors de rebrousser chemin. C’est aussi dans ce livre des Actes de Pierre que nous retrouvons la demande et Pierre d’être crucifié la tête en bas.

     Historiquement parlant, on ne sait pas exactement quand Pierre se serait rendu à Rome. On pense que la date doit être assez tardive parce que Paul dans son Épître aux Romains (hiver 57-58) n’y fait pas allusion. On en arrive donc à la conclusion que Pierre serait arrivé à Rome juste avant la persécution de Néron à l’été 64. Selon le témoignage de Tacite (Annales XV,41), il serait mort à l’automne 64. Saint Jérôme en parle également, mais il la situe à la fin du règne de l’empereur, entre juillet 67 et juin 68 en se basant sur le livre des Chroniques d’Eusèbe de Césarée (op. cit.). Cela correspond aux indications faites par Clément de Rome (I Clem. V, 7).

Yolande Girard

Chronique précédente :
Jésus, source de violence?