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Comprendre la Bible
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chronique du 15 mai 2009

 

La lapidation dans la Bible

Lapidation pour viol du sabbat

Lapidation pour viol du sabbat
Guiard des Moulins, Bible historiale, Paris, XIVe siècle
Bibliothèque nationale de France

QuestionLa lapidation était monnaie courante dans la Bible. On retrouve souvent que ce châtiment était ordonné par l’Éternel. Comment est-ce possible puisque Dieu est amour? (Serge)

RéponseDieu n’est-il qu’« amour »? N’est-il pas beaucoup plus que cela? N’est-il pas le préalable constitutif de chaque être humain sans exception? Quel lien établir alors entre ce préalable, entre Dieu qui donne la vie et cette sanction de mort qu’est la lapidation?

     Pour répondre à cette question, il faut faire un peu d’histoire. Pour prendre une équivalence de notre époque, la lapidation fait partie du « code criminel » de la société israélienne antique. Or contrairement aux autres peuples du Proche-Orient ancien [1], le peuple d’Israël avait la particularité de n’avoir pas eu, pendant longtemps, de roi [2]. Leur roi, c’était Dieu! C’était lui qui faisait les lois. C´était lui le législateur du peuple. C’était lui qui marchait avec eux, qui les guidait et qui les protégeait, qui les dirigeait. On l’appelait d’ailleurs « le Roi des rois ». Dieu était roi, non parce qu’il avait un royaume [3] mais parce qu’il régnait. Il exerçait une fonction durant cette vie et dans l’au-delà puisqu’il jugera, sur son trône de gloire, ceux qui seront trépassés. Or, entre le Dieu qui a donné la vie et le Dieu qui jugera, il y a un espace : celui d’une vie en Alliance avec lui.

     La lapidation existait comme châtiment avant que le Code d’Alliance ne soit donné par Dieu à Moïse au Sinaï, mais elle fut intégrée dans ce Code par la suite et elle est restée au fil du temps le mode d’exécution privilégié des Israélites [4] sanctionnant des crimes considérés comme des offenses d’ordre public comme : le meurtre, l’apostasie, l’idolâtrie, le blasphème, la violation du sabbat, l’adultère, l’inceste etc. C'était un geste de rupture, une sanction collective, exécutée collectivement contre un membre de sa communauté.

     Pourquoi lapider? On n’avait pas, à cette époque, une conception individuelle du péché. La faute d’un individu était vue comme une maladie qui était venue se loger au cœur de la communauté et qui risquait, si elle n'était pas enlevée, de contaminer le corps tout entier. On devait donc s’en débarrasser au plus vite. Il fallait retrancher, de son sein, le fautif : « Tu ôteras le mal du milieu de toi » (Dt 21,21)!

     De plus un individu qui transgressait la Loi attirait sur les autres membres de sa communauté, le malheur [5]. La communauté avait donc peur que Dieu n’exerce sa colère contre elle. En lapidant le membre fautif, elle signifiait clairement devant Dieu et devant les hommes, le rejet du péché dont il était coupable et espérait l’indulgence de Dieu à son égard. La lapidation réparait l’offense et purgeait la communauté toute entière.

     La Loi exigeait le témoignage d’au moins deux personnes pour toute condamnation à mort (Nb 35,30; Dt 17,6). Ces témoins endossaient la responsabilité de la sentence et ils devaient jeter les premières pierres si le coupable était lapidé (Dt 17,7).

     Poussé aux portes de la ville (1 R 21,10.13; Lc 24,14), l’individu était rejeté non seulement de l’espace où il habitait, mais également de la communauté à laquelle il appartenait. Son corps était parfois exposé après sa mort « suspendu au bois », mais il devait être détaché avant la nuit (Dt 21,22-23).

La lapidation de saint Étienne

La lapidation de saint Étienne
Gabriel-Jules Thomas, 1863
Lunette du portail de l'église Saint-Étienne-du-Mont, à Paris

     Cette sentence existait encore au Ier siècle de notre ère. Étienne est mort lapidé (Ac 7,58) au moment où il prononce, conformément à la théologie des Hellénistes [6] des paroles contre le Temple (Ac 7,48-50). Ces paroles étaient considérées comme blasphématoires.

     Jésus, pensait mourir lapidé (Mt 21,42; Jn 10,31-33), mais il est mort autrement. Cependant, « la pierre qu’ont rejetée des bâtisseurs, est celle qui est devenue la pierre angulaire » (Mt 21,42). Dieu, dans son « amour » a inversé ce qui fut mal compris en révélant que celui qu´ils avaient rejeté était en fait béni et il lui a redonné, la vie!

Yolande Girard

[1] Les lois dépendaient des rois : le code du roi Hammourabi est le plus connu, mais les Sumériens, les Akkadiens, les Hittites avaient aussi les leurs.

[2] Lorsqu’il y a eu la royauté, le souverain devait gouverner selon l’Esprit de Dieu. Malheureusement, le Premier Testament nous dit que très peu l’ont fait!

[3] La mention de Royaume de Dieu est pratiquement absente de tout le Premier Testament : il n’apparaît qu’une seule fois en Sg 10,10.

[4] La lapidation n’était pas le seul mode d’exécution des condamnés à mort. Il y avait aussi avant et après le Code d’Alliance, la mort par le feu. Tamar est condamnée à être brûlée vive (Gn 38,24). La même peine subsiste pour la prostitution de la fille d’un prêtre (Lv 21,9). La crucifixion comme peine capitale est absente du Premier Testament, mais elle n’est pas absente de l’histoire du judaïsme puisqu’Alexandre Jannée (103-76 av. J.C.) fit « mettre en croix » 800 Pharisiens  (Guerre I,4,6) qui s’étaient alliés contre lui.

[5] Ainsi les hommes de Josué perdirent la bataille dans la ville d´Aï à cause du vol d´Akan (Jos 7).

[6] Cette théologie se retrouve dans l´Épître aux Hébreux.

 

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Dieu a-t-il dicté la Bible ?