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chronique du 4 février 2011

 

La mort d’Ananias et Saphira

La mort de Saphira et Ananias

La mort de Saphira et Ananias
Aubin Vouet (1595 - 1641)
Huile sur toile, 235 x 318 cm, circa 1632
Musée des Beaux-Arts, Rouen

QuestionJe voudrais qu'on m'explique le passage des Actes (5,1-11) où Ananie et Saphire tombent morts devant les apôtres, punis par Dieu. Quelle image de Dieu, quelle image d'Église renvoie ce texte? (Marius, Montréal)

RéponseL’image de Dieu projetée par ce texte est pour le moins étonnante : un Dieu qui punit par la mort! Alors qu’Ananias et Saphira n’ont rien volé; ils ont même remis aux Apôtres une partie de la somme de la vente de leur propriété. Mais ils ont gardé une part de l’argent et ont menti. Ce mensonge leur vaut la mort subite : à la condamnation de Pierre, ils tombent et expirent.

     L’image de Pierre dans cette histoire n’est pas plus reluisante que celle de Dieu : c’est lui qui condamne à mort le couple. Sa dureté étonne aussi : aucun autre récit ne le présente de cette façon. Enfin, il semble y avoir une disproportion entre la faute commise et la peine infligée. Comment peut-on parler d’un Dieu d’amour et du pardon entre frères?

     On peut déjà retenir de ce récit qu’il est extrêmement réducteur de dire que le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu vengeur et violent, alors que celui du Nouveau Testament est amour et pardon. Plusieurs passages de l’Ancien Testament donnent un visage de Dieu tendre et réconfortant alors que ce récit du Nouveau Testament révèle un Dieu qui juge et exécute sans autre forme de procès ceux qui lui mentent.

     Notons l’effet de la mort d’Ananias et de celle de Saphira sur les chrétiens témoins de la scène. Dans les deux cas, une grande crainte saisit « tous ceux qui l’apprenaient » (v. 5 et 11). Je crois que nous touchons l’objectif de ce récit, qui manque un peu de subtilité. Cet événement était probablement raconté pour inciter les chrétiens à être honnêtes dans le partage des biens avec la communauté. De plus, les versets précédant notre récit donnent l’exemple de Joseph, surnommé Barnabas, qui, lui, avait remis tout son argent. Qui aurait envie de mentir aux Apôtres, après avoir entendu ce récit?

     Le passage sur la mort d’Ananias et Saphira appartient à un genre littéraire bien particulier : le jugement de Dieu. Dans ce type de récit, il y a toujours une faute d’un coupable, suivie d’un jugement et d’une punition de Dieu. L’une des caractéristiques de ces récits est d’être très stéréotypés : les coupables le sont du début à la fin et les oppositions y sont très claires entre le mal et le bien, la vérité et le mensonge, la vie et la mort. Dans l’extrait du livre des Actes, on voit une opposition entre Ananias et Saphira, qui font le mal, et Barnabas qui, lui, fait le bien.

     Ce qui surprend dans ces récits, c’est que Dieu, par ses miracles, châtie au lieu de guérir. L’histoire d’Ananias et Saphira aurait pu se terminer autrement. Dieu aurait pu les avertir et les guérir de leur cupidité. Mais les récits de jugement de Dieu ne sont pas écrits pour montrer le pardon de Dieu. Leur fonction est d’indiquer une règle ou une norme à respecter, une loi à suivre.

     Le partage des biens est présenté comme ayant un lien direct avec l’unité de la communauté et le témoignage de la résurrection. Le lecteur moderne est choqué par le sort du couple qui est exécuté pour son péché, mais le but recherché ne semble pas être le sort des individus mais plutôt celui de la communauté. Le récit se termine avec la conséquence ecclésiale : toute l’Église éprouve une grande crainte. Le drame n’est pas tant la mort de deux individus que la fin de l’harmonie dans la communauté qui devait être « un seul corps et une seule âme » (Actes 4,32).

Sébastien Doane

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Puits et mariages