La jeunesse de Jésus

Il est né à Nazareth [1], entre -5 et -10. Sa mère, Marie, dont le contrat de mariage avec Joseph avait été scellé en bonne et due forme, s’est trouvée enceinte avant la consommation de leur mariage. Joseph a néanmoins décidé de garder sa femme et de reconnaître l’enfant pour sien. Joseph a dû être très bon pour Jésus, car celui-ci a pris plaisir à s’adresser à Dieu en lui donnant le nom de Père. Par contre, Jésus se montre souvent assez brusque avec sa mère; peut-être a-t-il vécu très douloureusement de se faire constamment rappeler le scandale de ses origines. Comme il est l’aîné de cinq frères et d’un nombre indéterminé de sœurs, il est très tôt devenu responsable de famille après la mort de Joseph. Il avait la charge de sa mère, devait veiller sur ses sœurs et employait peut-être ses frères dans la petite entreprise familiale, dans laquelle on travaillait le bois, la pierre et le métal. Un métier dur. Les textes ne disent rien de son statut marital, ce qui est normal pour l’époque. On ne voit cependant pas pourquoi, quand il avait une douzaine d’années, ses parents auraient manqué à leur important devoir de veiller au mariage de leur aîné.

Nazareth est un trop petit village pour qu’il s’y trouve une synagogue avec scribe en résidence, et, puisqu’il était destiné à devenir charpentier à la suite de Joseph, il n’a en conséquence pas fait d’études, ce qui l’aurait forcé à s’exiler dans une ville comme Capharnaüm et aurait fait de lui un scribe professionnel. Comme la très grande majorité de la population de la Galilée, il ne savait donc ni lire ni écrire. Ce qui ne veut pas dire qu’il était inculte.

C’était un pur Galiléen. Sa patrie avait été coupée de la Judée pendant plusieurs siècles, et n’avait pas été partie prenante de la mise en forme de la Torah, de la centralisation du culte au temple de Jérusalem, de la glorification de la dynastie davidique ni du développement de la tradition orale si chère aux futurs rabbins. Il suivait les façons ancestrales de vivre en fils d’Abraham, et n’acceptait pas l’entreprise concertée des scribes originaires de Jérusalem d’aligner les coutumes galiléennes sur les façons de faire de la Judée. Il ne semble pas avoir beaucoup apprécié la présence romaine sur son territoire, puisque, dans les évangiles, on ne le voit jamais mettre les pieds dans une des villes où leur influence se faisait davantage sentir. Ce n’est sans doute pas un hasard si ses frères et lui portaient des noms ancrés dans les traditions anciennes de son peuple. Déjà leur père Joseph résistait à la montée des influences étrangères.

Quand il rencontre le Baptiste, il a entre trente-cinq et quarante ans, un âge très respectable à l’époque. C’est un homme bien ancré dans son milieu, qui a des responsabilités et une certaine autorité. Il a sans doute été sensible à ce qu’il entendait dire du radicalisme de Jean et a voulu l’entendre de vive voix. Il ne se doutait pas que sa vie, si bien organisée, s’en trouverait chamboulée.