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Comprendre la Bible
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chronique du 1er mars 2013
 

Les patriarches et l’histoire

Les patriarches Abraham (au centre), Isaac et Jacob

Les patriarches Abraham (au centre), Isaac et Jacob.
Fresque d'une église orthodoxe de Maramures en Transylvanie. XVe siècle.
(photo © Elena Malec)


QuestionLes patriarches ont-ils vraiment existé? Et si oui, à quelle époque? (François)

RéponseOn comprendra ici qu’il faut être très prudent et bien distinguer les questions en jeu. Du strict point de vue historique, il n’est pas possible d’affirmer positivement l’existence ou l’inexistence des patriarches. En d’autres termes, nous ne savons pas si les patriarches ont existé ou non. Ceux qui affirment qu’ils en sont sûrs n’ont pas d’arguments solides (leur seule mention dans les textes bibliques ne prouve rien). Il va de même pour ceux qui affirment qu’ils n’ont jamais existé simplement parce qu’il n’y a pas de confirmation extrabiblique.

     On nous permettra quelques commentaires sur cette question. L’obsession des Occidentaux à partir du XIXe siècle pour l’historicité de la Bible a quelque chose de contre-productif. Tout lecteur de la Bible sait qu’elle offre souvent plus d’une version d’un même événement, considéré sous des angles différents. Ainsi, personne ne se scandalise des quatre évangiles qui sont impossibles à réconcilier selon les règles de la stricte historicité. On peut dire la même chose des traditions du Pentateuque (le yahviste, le sacerdotal) comme des livres des Rois par rapport aux livres des Chroniques, ou encore le premier livre des Maccabées par rapport au second. Il faut en finir avec ce lien que l’on fait trop souvent – à tort – entre la vérité historique et la vérité théologique.

     Cela dit, la foi judéo-chrétienne repose, bien sûr, sur des actions de Dieu dans l’histoire. Mais ce n’est pas parce que notre foi repose sur des interventions de Dieu dans l’histoire humaine que chaque page de la Bible doit être lue de cette façon. Les Anciens, en effet, se sentaient beaucoup plus libres que nous pour « élaborer » à partir d’un fait, un personnage, ou un événement, de sorte qu’il est souvent difficile, voire impossible, de retrouver l’événement qui a donné naissance à tant de développements postérieurs. L’entreprise, de toute façon, ne donnerait pas grand-chose puisque le texte inspiré ne fait pas de l’histoire, mais de la théologie historique.

     En ce qui concerne les patriarches, puisque c’est la question qui nous est posée, on les situait traditionnellement autour du XIVe siècle avant notre ère, selon la chronologie biblique. Toutefois, les historiens actuels se sentent beaucoup moins en terrain solide avant David (1000 avant notre ère). Autrement dit, les textes bibliques semblent rapporter plus d’éléments historiques à partir de David, bien qu’il y ait encore beaucoup d’élaborations théologiques postérieures. Avant David, les historiens sentent que les textes ne semblent pas fournir de données applicables pour leur discipline. Aussi, il y en a eu qui ont nié l’existence des patriarches, mais sans raison solide. Ce qui semble être au centre de leur recherche, c’est plus des questions sur les liens familiaux supposés par les récits. Si la tendance actuelle des spécialistes, semble-t-il, est d’admettre l’existence d’Abraham et de Jacob, c’est la relation père/fils qui est plus sujette à caution. Ainsi, les textes montrent Abraham vivant au sud, dans la région de Béer-shéba, en lien avec les Égyptiens, alors que Jacob vit au nord, dans la région de Sichem, en lien avec les Araméens. On croit que les deux composantes ethniques du peuple d’Israël (le nord et le sud) auraient créé ce lien généalogique pour l’unité nationale. On dit fort peu sur Isaac, puisqu’il y a seulement quelques lignes qui lui sont consacrées.

     En conclusion, la prudence des historiens n’empêche absolument pas de lire la Bible, en tant que croyant, et d’en tirer profit pour sa vie spirituelle aujourd’hui.

Hervé Tremblay

 

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