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Comprendre la Bible
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chronique du 21 février 2014
 

Qui est le disciple bien-aimé?

Jésus et le disciple bien aimé

Dans l'histoire de l'art, Jean est souvent représenté penché
ou même endormi sur Jésus.

Jésus et le disciple bien-aimé (détail de la dernière Cène)
Fresque de Ubisi, Georgie, XIVe siècle


QuestionPourquoi l’auteur de l’Évangile de Jean parle-t-il de lui-même comme le disciple bien-aimé? (Malumba)

RéponseNous nommons le quatrième évangile du canon chrétien, toutes confessions chrétiennes et toutes Bibles confondues, comme l’évangile « de Jean » ou « selon Jean », parce que la tradition deux fois millénaire nous l’a toujours transmis ainsi. Nos plus vieux manuscrits le titrent déjà ainsi : les papyrus de la collection Bodmer (P66 et P75), datés du début du IIIe siècle.

Jean

     Qui est ce « Jean »? Les titres des manuscrits ne nous permettent pas de le savoir. Et rien dans le texte de l’évangile comme tel ne l’identifie plus précisément. Le texte lui-même ne présente pas Jean, fils de Zébédée et l’un des douze disciples et apôtres de Jésus de Nazareth comme son auteur. C’est le témoignage d’Irénée de Lyon, dans son livre Contre les hérésies rédigé à la fin du IIe siècle, qui établit pareille identification, à laquelle toute la tradition chrétienne est restée fidèle depuis l’Antiquité jusqu’à l’âge moderne. Mais cette identification s’est faite un siècle après la rédaction de l’évangile!

     Beaucoup de gens s’imaginent que le nom de Jean est mentionné lors de la dernière cène, où celui-ci se penche sur Jésus pour lui demander qui va le trahir (Jean 13,23-25). On s’imagine aussi que le nom de Jean est mentionné lorsque celui-ci se tient debout au pied de la croix avec la mère de Jésus (Jean 19,25-27). Ou encore que le nom de Jean est rappelé lorsque celui-ci court aux côtés de Simon Pierre pour trouver le tombeau vide au matin de Pâques (Jean 20,1-10). Il n’en est rien. Lisez ces textes et vous constaterez par vous-même que le nom de Jean est absent. À sa place figure un personnage mystérieux, soit « l’autre disciple » à côté de Simon Pierre. Cet « autre disciple » est qualifié par le texte comme étant « le disciple que Jésus aimait ».

Le disciple bien-aimé

     Le disciple bien-aimé n’est jamais identifié par son prénom. Cependant, il est une figure très proche de Jésus. Certains spécialistes se sont d’ailleurs demandé s’il ne s’agissait pas là d’une idéalisation, d’un personnage modèle mais sans consistance historique, du disciple parfait tel que l’évangéliste voudrait que nous le devenions tous : nous serions tous appelés à devenir des disciples bien-aimés, à nous pencher sur la poitrine de Jésus, à le contempler en croix, à devenir ses frères et sœurs en prenant sa mère pour la nôtre, à découvrir le tombeau vide, à n’y rien voir et à croire, à suivre Jésus ressuscité jusqu’à ce qu’il vienne (Jean 21,20-23).

     Il est fort probable que l’évangéliste souhaite que nous nous identifions comme lecteurs au disciple bien-aimé et que nous développions ses qualités. Toutefois, deux versets pointent vers le disciple bien-aimé comme une figure historique à l’origine de l’évangile :

« Celui qui a vu rend témoignage – son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai – pour que vous aussi vous croyiez » (Jean 19, 35).

« C’est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique » (Jean 21, 24).

     Force est de constater dans ces exemples que l’évangile est rédigé à la troisième personne du singulier, mais qu’un « nous » éditorial s’est glissé dans l’écriture. Il y a plus d’une main d’auteur derrière le texte du quatrième évangile canonique. À strictement parler, l’évangile de Jean est donc une œuvre anonyme et collective, reposant sur le témoignage des premiers disciples. L’étonnant ce n’est pas que Jean se présente comme « le disciple que Jésus aimait »; l’étonnant c’est plutôt que nous ayons nommé « Jean » ce disciple bien-aimé de l’évangile.

Rodolfo Felices Luna

Pour aller plus loin :
Raymond Brown, La communauté du disciple bien-aimé, Cerf, 2002.

Article précédent :
Darwin et la Bible