Pourquoi la souffrance?
  

Dans cette rubrique qui veut donner aux membres des groupes bibliques, entre autres, l'occasion de brasser des idées ensemble, Normand Thibodeau nous propose une réflexion: La souffrance, mais pourquoi? Le texte se présente sous forme d'un dialogue entre Normand et Léonard, membres d'un groupe biblique. Il est le résultat d'un partage biblique vécu par son groupe à la paroisse Sainte-Geneviève (dans l'ouest du grand Montréal). Les propos exprimés dans ce texte n'engagent que la responsabilité de l'auteur. Vos réactions sont les bienvenues.

Léonard: Pourquoi Dieu nous fait-il souffrir, s'il nous aime vraiment d'un amour infini?

Normand: Peut-être justement parce qu'il nous aime d'un amour infini, inimaginable.

Léonard: Souffrir, mourir? C'est ça l'amour?

Normand: As-tu lu le livre de Job? Voilà un personnage qui a beaucoup souffert.

Léonard: Nous l'avons parcouru lors d'un partage l'automne dernier. J'ai été surpris de voir qu'à certains moments, la souffrance a poussé Job à poser à Dieu des questions qui frôlaient le blasphème. Ce que j'ai retenu du livre de Job, c'est qu'il ne faut pas questionner les agirs divins, qu'il ne faut pas chercher à comprendre.

Normand: De grands philosophes dans l'Antiquité ont enseigné que reconnaître son ignorance est le commencement de la sagesse.

Léonard: Je parle de souffrance aujourd'hui et tu parles de philosophes anciens. Je ne suis pas sûr de voir le rapport.

Normand: Les philosophes posent justement des questions sur le sens de la vie, de la mort, de la souffrance. Peut-être devrais-tu remonter plus loin et te demander pourquoi le monde existe.

Léonard: Je te retourne la question. Pourquoi?

Normand: On existe parce que Dieu nous a créés.

Léonard: J'ai l'impression qu'on n'arrive à rien, qu'on piétine. Alors dis-moi, pourquoi Dieu nous a-t-il créés? Pour être malheureux, par pure fantaisie de sa part? Pour s'amuser à nous voir souffrir (troisième poème de Job)?

Normand: Dieu nous a créés par amour, pour faire partager son amour à tous les hommes et à toutes les femmes, et ainsi les rendre heureux pour l'éternité.

Léonard: Mais ça ne marche pas. Pourquoi y a-t-il tant de souffrance? C'est la manière d'aimer de Dieu? On sait bien, ses pensées ne sont pas nos pensées, alors sa façon d'aimer n'est peut-être pas notre façon d'aimer.

Normand: Revenons un peu en arrière. Dieu nous a créés par amour. Qu'est-ce que ça veut dire au juste, aimer? Voyons. Pour qu'il y ait amour, ça prend deux êtres. En Dieu il y a le Père et le Fils, le Père aime son Fils et le Fils aime son Père, et cet amour infini entre les deux donne le Saint-Esprit, qui est l'Amour-même, et voilà on a la Trinité, un Dieu rempli d'amour.

Léonard: Tout ça c'est de la haute voltige théologique, mais ça ne m'explique pas pourquoi je souffre!

Normand: Est-ce que je détecte une touche d'impatience? Revenons donc à l'homme, peut-être que la difficulté est là. Pour qu'il y ait de l'amour entre deux partis, entre l'homme et Dieu, il faut que chacun aime l'autre. De l'amour à sens unique ce n'est pas bien fort. Dieu nous aime et il souhaite être aimé en retour. Non pas parce qu'il a besoin de notre amour, mais parce que seul notre amour pour Dieu peut faire notre vrai bonheur.

Léonard: Mais pourquoi je souffre?

Normand: Un petit peu de patience... Donc si Dieu crée l'homme pour que l'homme puisse l'aimer en retour, cela implique un pré-requis important! Pour pouvoir aimer, il faut que l'homme soit LIBRE d'aimer. L'amour ne s'impose pas, ne se force pas. Un amour forcé ce n'est pas de l'amour, c'est une forme d'esclavage. Il faut donc que l'homme soit libre d'aimer Dieu. C'est peut-être la raison pour laquelle Dieu nous a créés LIBRES!

Léonard: Je souffre parce que je suis libre?

Normand: Tu brûles. Mais si l'homme est libre d'aimer, cela veut dire qu'il est aussi libre de ne pas aimer. L'amour, le vrai amour, implique à son tour une confiance totale dans l'être aimé. Le premier couple au paradis terrestre n'a pas su faire confiance à Dieu. Le premier couple a voulu faire son propre bonheur. Il a choisi de connaître le bien et le mal. Dieu a respecté ce choix.

Léonard: Mais c'est un conte tiré de l'Histoire sainte qu'on m'enseignait à l'école que tu me racontes. Pourquoi est-ce que je souffre?

Normand: Ce conte, comme tu dis, proclame tout de même une des vérités les plus fondamentales de notre existence. Dieu nous a créés pour le bonheur mais le premier couple a repoussé ce bonheur offert par Dieu, en préférant décider ce qui était bon et mal. Le monde a donc connu le mal, il s'est corrompu, a été asservi au vieillissement, à la maladie, la souffrance et la mort.

Léonard: Je pensais que Dieu avait pardonné à Adam.

Normand: De fait, Dieu a donné à l'humanité une chance de se reprendre, de faire un meilleur choix. Il a promis un Sauveur par les prophètes, qu'il nous a envoyé voilà plus de 2000 ans. Son propre Fils, Jésus, le Fils de Dieu. Chacun de nous a désormais la possibilité de faire ce choix fondamental pour lui-même, choisir Dieu ou faire sa propre volonté.

Léonard: Mais que dois-je faire au juste pour être délivré de mes souffrances?

Normand: Jésus te dit comment. Une seule recette: aime Dieu, aime ton prochain. Facile à dire, mais peut-être moins facile à réaliser. Aimer tous ses frères et soeurs, même ses ennemis, même ceux et celles qui nous cassent les pieds. Mais fais-le tout de même et tu seras heureux pour l'éternité.

Léonard: J'aurais préféré un moyen plus facile et tout de suite.

Normand: Plus facile que d'aimer? Si tu décides d'aimer vraiment Dieu, tu verras, tes souffrances seront moins lourdes à porter. Mais si tu te refuses à aimer Dieu, pourquoi veux-tu profiter de son amour?

Léonard: Pourquoi Jésus est-il mort? Il n'avait pas besoin de prouver son amour à son Père.

Normand: Peut-être a-t-il voulu te prouver son amour à toi. Si on veut que quelqu'un nous aime, il faut l'aimer en premier. Seul l'amour peut susciter l'amour. Rappelle-toi ce qu'il a dit : « Il n'y a pas de plus grande preuve d'amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. » (Jean 15,13)

Léonard: Es-tu en train de me dire que Dieu a volontairement envoyé son Fils à la mort? Je croyais que Pilate était coupable de la mort de Jésus, ou bien les autorités juives, ou bien tous les hommes ensemble.

Normand: Bien sûr, Dieu n'est pas coupable, mais en créant l'homme libre, il sait les conséquences (Dieu sait tout, passé, présent et avenir ne font qu'un pour Dieu) - et Dieu accepte ces conséquences. La perspective de la mort n'empêche pas Dieu d'envoyer son Fils pour nous convaincre de son amour, tout en respectant notre liberté. Il a fait le maximum, et pourtant beaucoup d'hommes et de femmes semblent le rejeter. Ce qui montre que Dieu continue à respecter nos choix libres. Qu'en dis-tu?

Léonard: J'y réfléchis.

Normand: Si Dieu nous pardonnait nos péchés sans condition et sans pénitence de notre part, donc sans souffrance, l'aimerions-nous davantage? C'est pourtant tout ce que notre Créateur demande, un peu d'amour. Mais de l'amour vrai. Est-ce trop demander?

Léonard: Il faut donc que j'accepte de souffrir?

Normand: Tu pourrais accepter d'aimer. La conclusion t'appartient. Après tout tu es libre!

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