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chronique du 9 septembre 2011

 

Les idées suicidaires de Moïse

Moïse voit les souffrances de son peuple

Saviez-vous que la Bible raconte que Moïse a eu des idées suicidaires? Elles se présentent lors de la difficile traversée du désert lorsque le peuple se plaint à multiples reprises du manque d’eau et de nourriture (Nb 11,4-6). Le Seigneur s’enflamma d’une vive colère et Moïse prit mal la chose.

     Pourquoi, dit-il au Seigneur, veux-tu du mal à ton serviteur? Pourquoi suis-je en disgrâce devant toi au point que tu m’imposes le fardeau de tout ce peuple? Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple? moi qui l’ai mis au monde? pour que tu me dises : « Porte-le sur ton cœur comme une nourrice porte un petit enfant », et cela jusqu’au pays que tu as promis à ses pères? Où trouverais-je de la viande pour en donner à tout ce peuple qui me poursuit de ses pleurs et me dit : « Donne-nous de la viande à manger »? Je ne puis plus, à moi seul, porter tout ce peuple; il est trop lourd pour moi. Si c’est ainsi que tu me traites, fais-moi plutôt mourir – si du moins j’ai trouvé grâce à tes yeux! Que je n’aie plus à subir mon triste sort! (Nb 11,4-6.10-15)

     En empruntant une expression moderne, on pourrait dire que Moïse souffre d’un épuisement professionnel. Sa tâche de mener le peuple à travers le désert le laisse complètement épuisé. Il crie à son tour vers le Seigneur. Il lui dit qu’il ne peut seul porter ce peuple et qu’il préfère mourir plutôt que de continuer ainsi. Moïse n’en peut plus de l’attitude du peuple, de la colère de Dieu et de sa propre situation. Il demande explicitement la grâce de mourir.

     Nous sommes loin de l’image traditionnelle de Moïse. Dans le classique du cinéma Les dix commandements, il se conduit en chef courageux et imperturbable. Pourtant, ce récit du livre des Nombres nous montre sa vulnérabilité, un aspect qui le rend plus humain, plus proche de nous. Lisons la suite pour voir la réponse de Dieu :

Le Seigneur dit à Moïse : « Rassemble-moi soixante-dix des anciens d’Israël, des hommes dont tu sais qu’ils sont des anciens et des scribes du peuple. Tu les amèneras à la tente de la rencontre; ils s’y présenteront avec toi. J’y descendrai et je te parlerai; je prélèverai un peu de l’esprit qui est en toi pour le mettre en eux; ils porteront alors avec toi le fardeau du peuple et tu ne seras plus seul à le porter. »

Et au peuple tu diras : « Sanctifiez-vous pour demain et soyez en état de manger de la viande. Car vous avez fait entendre cette plainte au Seigneur : Qui nous donnera de la viande à manger? Nous étions si bien en Égypte! Le Seigneur va donc vous donner de la viande, vous allez en manger; et vous n’en mangerez pas seulement un jour ou deux, ni même cinq, dix ou vingt, mais tout un mois, jusqu’à ce qu’elle vous sorte par les narines, jusqu’à ce que vous en ayez la nausée. Tout cela parce que vous avez rejeté le Seigneur qui est au milieu de vous et parce que vous avez présenté cette plainte : “Pourquoi donc sommes-nous sortis d’Égypte?” » (Nb 11,16-20)

     La solution de Dieu est très intéressante. Pour venir en aide à Moïse qui se retrouve seul et à bout de souffle, avec une tâche trop lourde, Dieu propose « le partage des tâches ». Moïse rassemblera soixante-dix personnes respectées du peuple, qui partageront à la fois l’esprit qui habite Moïse et son fardeau. Ils se réuniront dans la tente de la rencontre, le lieu où le Seigneur vient retrouver son ami.
La deuxième partie de la solution de Dieu semble très particulière. Il fait preuve d’un humour assez noir en répondant à la plainte de son peuple par un tel excès de viande qu’il lui donnera l’envie de vomir.

     Pourquoi cette attitude du Seigneur? Ce n’est peut-être pas tant la réclamation de la viande qui le met en colère que l’évocation de la vie passée en Égypte. Alors qu’il vient de le libérer de l’esclavage, le peuple dit qu’il préférait retourner là-bas pour manger à sa faim. Après tout ce qu’il a fait pour lui, Dieu ne peut supporter son ingratitude.

     Dans notre société, la dépression, l’épuisement professionnel, le stress et les idées suicidaires sont malheureusement bien présents. Notre rythme de vie si rapide, centré sur la performance, le travail et la consommation, entraîne des maux très sérieux. Ce récit nous montre que même Moïse, un proche de Dieu et le guide du peuple, a vécu des moments de doute et de faiblesse. La vie apporte toujours son lot d’épreuves. Comment faire pour gérer ces difficultés? La réponse est complexe et dépend de chaque situation, mais ce récit nous offre des pistes de solution qui peuvent aussi s’appliquer à notre propre situation : exprimer sa souffrance et se mettre en relation avec d’autres pour répartir les responsabilités trop lourdes.

Sébastien Doane

Texte complet dans :
Mais d’où vient la femme de Caïn. Les récits insolites de la Bible
Sébastien Doane, Montréal, Novalis ; Paris, Médiaspaul, 2010.

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Les (dix) onze commandements ?