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chronique du 15 février 2013
 

Une partie de poker avec Satan

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Lire le texte de Job 1,6-2,8

Le livre de Job est l’un des plus intéressants de la Bible. Il explore la question de la relation d’une personne en désarroi avec son Dieu. On trouve au moins deux rédacteurs à ce livre, ils offrent chacun une interprétation différente du malheur de Job. Le premier situe l’origine des problèmes de Job dans un drôle d’échange entre Dieu et l’Adversaire, c’est-à-dire Satan. Dans ce dialogue, Satan parie que Job va maudire Dieu si on lui enlève tout ce qu’il possède. Dieu accepte le pari, et Job perd ses animaux, ses serviteurs, ses enfants, sa maison et même sa propre santé.

     Ce qui nous étonne le plus, dans cette première partie du livre de Job, c’est que Dieu discute avec l’Adversaire du sort d’un humain, qui deviendra le cobaye de leur expérience.

Qui est l’Adversaire?

     Le début du récit est situé à la cour céleste. On y voit Dieu, entouré des fils de Dieu, et l’Adversaire. Les fils de Dieu sont mentionnés à quelques endroits dans l’Ancien Testament : Genèse 6,2; Psaume 29,1; 82,1.6; 89,7; Zacharie 6,5; Daniel 3,25. Il s’agirait de puissances cosmiques divinisées par les païens, mais subordonnées à Dieu.

     On traduit souvent « l’Adversaire » par le Satan. À la cour de Dieu, il est celui qui accuse, qui remet en question les plans du Seigneur. Avec le temps, cette fonction se personnalisera et deviendra le nom propre de l’Esprit du mal (Zacharie 3,1; 1 Rois 22,22; 1 Chroniques 21,1; Sagesse 2,24).

La théologie de la rétribution

     Dans le prologue et l’épilogue du livre de Job, on trouve une théologie de la rétribution. À cette époque, les juifs croyaient qu’il n’y avait pratiquement rien après la mort, sauf le shéol, le lieu de repos des morts. Dieu exerçait donc son jugement sur terre. Les justes étaient récompensés par des femmes, des enfants et des richesses en abondance, alors que les infidèles à la loi du Seigneur étaient punis par la stérilité, la pauvreté, la maladie et la mort.

     Au départ, Job est béni de Dieu. Il a une grande famille et beaucoup de richesses puisqu’il suit les commandements de Dieu et offre les sacrifices requis (Job 1,1-6). Il est tellement fidèle que Dieu s’en vante auprès de l’Adversaire. Si bien que celui-ci parie que Job maudira Dieu s’il lui retire sa bénédiction.

     L’Adversaire fait en sorte que Job perde son troupeau (bœufs, moutons chameaux), ses serviteurs, ses fils et ses filles et, finalement, la santé. Puisqu’il est impur par sa maladie, Job va s’asseoir au dépotoir, là où il y a de la cendre et de la vaisselle cassée.

Le deuxième rédacteur du livre de Job

     À ce moment survient un changement majeur dans le texte. Un long poème commence qui serait l’œuvre d’un autre auteur contestant la théologie de la rétribution. Ce deuxième auteur posera ses propres questions à travers le personnage de Job : comment se fait-il que des personnes, justes depuis toujours, subissent tout à coup malheurs et souffrances? Comment comprendre la théologie de la rétribution si un juste vit une injustice? Ce deuxième rédacteur est aussi indigné que nous de la souffrance qui résulterait d’un pari entre Dieu et l’Adversaire.

     L’histoire de Job se poursuit avec trois de ses « amis » qui croient en la théologie de la rétribution. Ils font le raisonnement suivant : si Dieu punit celui qui a fait une faute, Job doit donc avoir fait quelque chose de condamnable puisqu’il a tout perdu. Job, lui, ne comprend plus rien, il sait qu’il a toujours été fidèle à la loi du Seigneur. Le système de la rétribution ne fonctionne donc plus puisque le juste souffre. Sa souffrance est physique, mais aussi morale et spirituelle. Sa compréhension de Dieu ne colle plus à la réalité.

     Dans la suite du récit, Job finit par accuser Dieu : « Qui me donnera quelqu’un qui m’écoute? Voilà mon dernier mot. Au Puissant de me répondre! » (Job 31,35) Plus loin, Dieu lui répondra : « Le Seigneur répondit alors à Job du sein de l’ouragan et dit : “Qui est celui qui dénigre la providence par des discours insensés? Ceins donc tes reins, comme un brave : je vais t’interroger et tu m’instruiras. Où est-ce que tu étais quand je fondai la terre?” » (Job 38,1-4)

     Dieu dit à Job qu’il ne peut pas comprendre sa perspective. Aucun être humain ne peut entrer dans la vision de Dieu pour sa création. C’est un avertissement qui vaut aussi pour les lecteurs et lectrices du livre de Job. Certains grands mystères de la vie, tels que la souffrance et ce qui se passe après la mort, restent sans réponse encore aujourd’hui. Seul Dieu sait. Il est l’unique Créateur.

Comment se termine l’histoire de Job?

     Le rédacteur de l’épilogue du livre de Job est sans doute le même que celui du prologue. Il termine comme il avait commencé, en reprenant la doctrine de la rétribution que le reste du livre a pourtant remise en question. Job retrouve tout ce qu’il avait perdu. « Après cela, Job vécut encore cent quarante ans, et il put voir ses enfants, ses petits-enfants, tous ses descendants jusqu’à la quatrième génération. » (Job 42,16)

     On peut conclure de l’histoire de Job qu’elle ressemble à celle du peuple d’Israël. Tout au long de son exil à Babylone, il se demande pourquoi il souffre, car il se croit juste. La doctrine de la rétribution est remise en question pour une première fois. Cette remise en question entraînera une nouvelle compréhension du rapport entre la vie et la mort. Elle débouchera sur la croyance en la résurrection.

Sébastien Doane

Texte complet dans :
Mais d’où vient la femme de Caïn. Les récits insolites de la Bible
Sébastien Doane, Montréal, Novalis ; Paris, Médiaspaul, 2010.

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Une veuve sous enquête : sept maris tués au cours de leurs nuits de noces