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chronique du 14 mars 2014
 

Rire de la calvitie d’un prophète

Élisée maudissant les enfants

Élisée maudissant les enfants
Willem Willemsz van den Bundel
Peinture sur toile (détail)
Gemäldegalerie, Berlin

Mes amis et ma famille savent que je perds mes cheveux depuis que j’ai 18 ans. Et, oui, je suis tranquillement en train de devenir chauve. Ma copine tente parfois de m’agacer avec ça, mais honnêtement mon estime de soi n’est pas liée à mon apparence physique. Pourquoi est-ce que je vous parle de ce sujet? Tout simplement parce que la calvitie d’un prophète de la Bible est à la source d’un récit abracadabrant.

     Dans les livres des Rois, Élisée succède au prophète Élie. Il est présenté comme un homme de Dieu capable de réaliser toutes sortes d’actes de puissance. Mais, apparemment, il avait un problème de calvitie. Élisée était chauve et n’aimait pas qu’on le lui rappelle; voici ce qui arrive lorsque des jeunes décident de rire de lui.

« Il monta de là à Béthel; et comme il cheminait à la montée, des petits garçons sortirent de la ville, et se moquèrent de lui. Ils lui disaient : Monte, chauve! monte, chauve! Il se retourna pour les regarder, et il les maudit au nom de l’Éternel. Alors deux ours sortirent de la forêt, et déchirèrent quarante-deux de ces enfants. » (2 Rois 2, 23-24) 

Quelques réactions

     Les jeunes n’auraient pas dû rire de lui, mais la punition semble démesurée par rapport au crime. Ce comportement est-il digne d’un prophète? Sa réaction n’est-elle pas excessive et révélatrice d’une calvitie mal assumée? Le texte sous-entend que l’apparition des ours et leur action de tuer 42 enfants sont la conséquence de la malédiction prononcée par Élisée. Comment faire sens de ce récit si bizarre?

     D’abord, il faut comprendre que l’événement n’est sans doute pas historique. L’été dernier, j’ai passé du temps dans une région canadienne où la population d’ours est très importante. Il arrive parfois qu’ils s’en prennent aux humains, mais ils ne vont jamais en tuer 42 à la fois! Comment se fait-il qu’aucune personne n’ait pris la défense des enfants? Comment se fait-il que la majorité des enfants n’ont pas eu le temps de s’enfuir alors que deux ou trois de leurs camarades se faisaient attaquer? La scène n’est pas très vraisemblable et c’est ce qui lui donne ce côté insolite.

     La plupart des lecteurs d’aujourd’hui ont comme réaction de protester contre la réaction du prophète et contre l’image de Dieu sous-jacente au récit. Avec raison, un lecteur pourrait résister à ce texte en affirmant que depuis ce temps, notre image de Dieu a bien changé.

Remise en contexte

     À l’époque de la rédaction de ce passage, il devait porter un sens. Le début du chapitre duquel est tirée cette histoire évoque la disparition d’Élie et la transmission de ses pouvoirs à son disciple Élisée. La Bible a gardé des traces de la contestation des gens qui n’étaient pas d’accord avec cette succession. Notre récit coupe court aux contestations. Si ceux qui irritent Élisée ont droit à ce traitement, imaginez ceux qui voudraient s’opposer à lui!

     Les quelques versets précédant notre récit (19-22) montrent le pouvoir d’Élisée qui a permis à la ville de Jéricho d’avoir de l’eau pure. De même par cette histoire insolite, le livre des Rois montre aussi que la parole d’Élisée est efficace… même si cette efficacité est telle qu’elle mène à la mort de 42 enfants.

Sébastien Doane

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Quand Dieu se prend pour un humoriste