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Le livre de Tobie (6/7)
 

Destinataires, message, historicité de Tobie

Quel est le message du livre de Tobie ? À qui s’adresse-t-il ? Comme, sur le chemin de l’histoire biblique, Tobie nous est parvenu par le véhicule de la Septante, édition grecque de l’Ancien Testament destinée a priori aux juifs de la diaspora, on devine que c’est à eux, en premier, qu’est destiné le message de l’œuvre. De plus, les personnages, que le livre met en scène, sont eux-mêmes des juifs de la diaspora; connaissant une communauté de sort avec les destinataires du livre, ils sont donc à même de leur offrir une leçon de vie crédible sur la manière de vivre, au quotidien, leur judaïsme au milieu des nations païennes.

Leçon de bonheur « à la juive »

    Le rôle didactique du livre ne fait pas de doute, au contraire, il saute aux yeux du lecteur. Ce rôle, il le joue par différentes astuces littéraires : par l’auto-présentation de Tobit comme juif exemplaire (Tb 1,3 - 3,6), par les deux « testaments » (4,3-19 et 14,3-11) que ce dernier sert à son fils, par les instructions angéliques accompagnant les adieux de Raphaël à Tobit et son fils,   par le contenu des prières de demandes, des louanges et des bénédictions mises sur les lèvres des différents personnages de l’histoire. Bref, c’est un livre qui cherche à transmettre, à des frères, les voies du bonheur familial et du « bien vivre sous le regard de Dieu » que propose la sagesse du judaïsme. Cette sagesse juive mise en pratique n’empêche pas le mal de toucher le juste, mais les épreuves ne sont que purificatrices, et la bénédiction de Dieu finit par triompher, à l’intérieur même de la vie terrestre1, pour qui compte sur le Seigneur.

    Bénis le Seigneur en toute occasion. Prie-le de te conduire sur le bon chemin, et de faire réussir tes projets et tes démarches. En effet, la sagesse n'appartient à aucun peuple. C'est le Seigneur seul qui la donne… (Tb 4,19)

Récit historique ou fiction?

    Récit familial édifiant, qu’en est-il de l’historicité de Tobie? Il n’est personne aujourd’hui, parmi les exégètes sérieux, pour dire qu’il s’agisse d’un récit historique. D’abord, les airs de conte du récit diminuent ses chances à l’épreuve de l’historicité (« trop beau pour être vrai », dirait-on!) et ce, malgré l’effort que met l’auteur à situer l’histoire de Tobie dans « l’Histoire d’Israël » par force détails chronologiques, topographiques, ainsi que par la mention d’événements et de personnages historiques ayant existé. Un examen un peu attentif démontre l’invraisemblance de ces données temporelles, l’ignorance de l’auteur des lieux qu’il décrit et des inexactitudes au plan historique. Par exemple, contrairement à ce que prétend Tb 1,15, le roi d’Assyrie Sennakérib n’a pas été le successeur immédiat de Salmanassar. Et si, comme le livre l’affirme, Tobit a connu, dans sa jeunesse, la division du Royaume du Nord (en l’an 931 av. J.C.), l’invasion assyrienne et la déportation des tribus du Nord (en 734) et que son fils, survivant à son père, verra la chute de Ninive (en 612), - ce qui totalise 319 ans sur deux générations! -, on comprend quelle liberté l’auteur prend par rapport à l’histoire.

    Non, l’auteur de Tobie est un homme du IIème ou IIIème siècle av. J.C. 2, qui transpose dans des époques antérieures, une fiction, un roman pour édifier les Juifs de la diaspora de son temps.

    D’ailleurs, si nous n’en étions pas encore convaincus, observons enfin comment le livre de Tobie est un « patchwork » réussi, une belle courtepointe de pièces récupérées, mais admirablement bien cousues ensemble, plutôt que l’histoire vraie et originale d’une famille juive particulière. On a déjà identifié la parenté de Tobie avec l’œuvre assyrienne Sagesse d’Ahikar, mais c’est aussi dans sa Bible que l’auteur de Tobie puise son inspiration. D’abord le thème de l’homme juste, éprouvé sans faute de sa part, ressemble assez au livre et au personnage de Job. Les moqueries et le mépris de sa femme ressemblent fort à ceux de la femme de Job3, de même que le redressement final de leur situation respective. Le juif en exil, qui, par sa sagesse, gagne la faveur d’un roi étranger n’est pas sans rappeler l’histoire de Joseph en Égypte 4. Et le serviteur qu’Abraham envoie en voyage pour trouver une épouse à son fils Isaac parmi ses sœurs de race, n’est-il pas joué ici par l’ange Raphaël 5? Ajoutons à cela les maximes sapientielles du livre qui ressemblent à ce qu’a pu écrire un Siracide, des prières émouvantes qui puisent dans la force d’expression d’autres récits bibliques… C’est décidément que Tobie est un récit cousu de fils… bibliques!

_________________

1 La queston de la rétribution dans l'au-delà n'est pas abordée dans le livre de Tobie.

2 Le contenu sapientiel, théologique et moral du livre, reflet d'un judaïsme plus récent, trahissent l'auteur et permettent de dater l'oeuvre.

3 Comparez Tobie 2, 14 à Job 2, 9.

4 Comparez Tobie 1, 13, à Gn 41, 37-42.

5 Comparez Tobie à Gn 24.

 

Patrice Bergeron, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2235. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Le livre de Tobie - L'heureux mariage de Tobie et Sara

 

 

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