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L'enfance du Christ selon saint Luc (2/6)
 

Une théologie racontée

Commençons notre exploration des chapitres 1 et 2 de l’Évangile selon saint Luc par une « vue aérienne » du paysage où l’évangéliste campe son récit de l’avènement des temps nouveaux. Cela nous permettra de prendre une certaine distance des images qui se sont gravées dans notre mémoire. J’aime bien le folklore qui entoure la fête de Noël avec ses chants, ses décorations, ses traditions qui expriment la joie et l’émerveillement devant l’enfant Jésus. Mais je veux aussi m’émerveiller du discours théologique de l’évangéliste qu’il sait mettre en valeur par ses références aux Écritures (dans leur traduction grecque des Septante) et par son habileté à manier le langage symbolique. Il en résulte une théologie racontée et non pas expliquée. C’est une théologie de l’histoire du salut résumée dans la déclaration solennelle du vieillard Syméon pendant qu’il tient l’enfant Jésus dans ses bras et le présente comme la gloire d’Israël et la lumière des nations.

     On lit habituellement Luc 1 et 2 comme un récit linéaire où les sept scènes se succèdent naturellement. Mais le résultat ne m’apparaît pas inspirant. La lumière jaillit plutôt lorsque nous mettons les récits en relation les uns avec les autres. Nous y reconnaissons par exemple les cycles parallèles de Jean et de Jésus qui se croisent dans la scène de la rencontre de Marie et Élisabeth, des indications de temps et de lieux qui accentuent l’incarnation du Fils de Dieu, des dialogues et des cantiques d’une grande profondeur, des personnages qui ont la densité de figures théologiques. On peut aussi déceler des liens de parenté avec d’autres passages de l’œuvre de Luc. C’est ce que nous tenterons de mettre en lumière dans les prochaines chroniques. Pour le moment, jetons un regard sur le schéma des scènes où Luc raconte sa théologie du salut.

Des scènes vivantes

     Le talent d’écrivain et d’historien de Luc est indéniable. On en a même fait un peintre à une époque. Quant à moi, je pense que, si Luc écrivait aujourd’hui, il aurait fait de la bande dessinée. Il a l’art de créer des atmosphères qui nous rendent contemporains du récit et nous donnent la sensation de voir les événements et d’en être les acteurs.

     Chaque scène commence par une mise en situation qui est donnée par une indication de temps et de lieu. Ces indications ne sont pas anodines : elles servent la théologie du salut particulière à Luc. Par exemple, l’annonce à Zacharie est insérée dans le cadre de l’histoire d’Israël car Jean Baptiste aura pour mission de préparer son peuple à la venue du Messie qui accomplira son espérance du salut. L’annonce à Marie est plutôt mise en relation avec le sixième mois de la grossesse d’Élisabeth et prépare ainsi la visite que lui rendra Marie pour constater le signe que l’ange lui a donné. En revanche, Luc consacrera à la naissance de Jésus une majestueuse insertion dans l’histoire universelle, car il est le sauveur offert par Dieu à l’humanité entière, tel que le chante le chœur des anges. Les autres notations chronologiques indiquent la durée avant que ne s’accomplissent certaines étapes suivant la naissance d’un enfant : la circoncision au 8e jour et le rite de purification rituelle de la mère au 40e jour.

     Les lieux méritent aussi notre attention. L’annonce à Zacharie a lieu à Jérusalem, dans le sanctuaire du Temple où il officie tandis que l’annonce à Marie survient dans son humble maison de Nazareth. On reviendra à Jérusalem pour la manifestation de Jésus au Temple : la présentation, la prophétie de Syméon et d’Anne, la discussion académique avec les Docteurs de la Loi. Entre les deux passages au Temple, c’est dans l’humble village de Bethléem que naît Jésus alors que ses parents sont en déplacement.
                                                      
     Après cette mise en situation, vient l’entrée des personnages. Luc les présente toujours en situation de dialogue, ce qui confère beaucoup de dynamisme au récit. Mais d’abord et avant tout, ces dialogues, et les cantiques qui leur font écho, sont des bijoux de révélation de l’identité et du rôle de Jean Baptiste et de Jésus dans l’histoire du salut. Chaque récit se conclut comme il se doit par une sortie des personnages.

 

Yves Guillemette, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2336. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
L'enfance du Christ selon saint Luc : Les récits d'enfance : une préface qui en dit long (1/6)

 

 

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