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L'enfance de Jésus selon Matthieu (6/6)
 

Qui est le Messie qui vient de naître ?

 

Les Évangiles ont été écrits afin de permettre aux lecteurs de mieux connaître Jésus. Dans l’Évangile de Matthieu, les deux premiers chapitres donnent déjà à l’enfant qui vient de naître plusieurs titres et caractéristiques importantes. Nous verrons que Matthieu présente Jésus comme le Messie, fils de David, mais il ne fait pas que plaquer les attentes traditionnelles sur Jésus. Matthieu part des concepts connus de tous et les transforme pour montrer l’originalité de la personne de Jésus.
 
La généalogie de ce fils de David

     Nous avons vu dans le premier texte de cette série que la généalogie met en évidence les origines marginales de Jésus. Sa lignée est constituée de femmes étrangères, de prostituées, de bons et mauvais rois ainsi que de gens ordinaires. Déjà, le ton de la généalogie laisse entendre que les interprétations courantes du Messie davidique vont se transformer radicalement.

     Au premier siècle, on espérait un Messie qui allait libérer le peuple de l’oppression de l’Empire romain représenté par le roi Hérode. Le peuple désirait un chef qui allait renverser Rome comme David l’avait fait contre Goliath. Parler d’un fils de David au premier siècle porte une connotation politique et même militaire.

Jésus l’anti-David

     Pourtant, quelqu’un de plus grand que David est ici (Mt 22, 41-46). En Matthieu, Jésus ne devient pas un roi militaire comme David. Au contraire, l’Évangile de Matthieu déconstruit la figure traditionnelle du Messie fils de David, pour changer la signification de ce terme. Jésus devient l’anti-type de David! On attendait qu’un fils de David restaure Israël et détruise ses ennemis. Au contraire, Jésus est présenté comme un fils de David qui appelle à l’amour des ennemis. Les étrangers représentés par les Mages montrent l’universalité de ce Messie dont le peuple n’est pas délimité par des frontières et des nationalités.

Jésus : le Seigneur sauve

     Matthieu donne deux noms à l’enfant qui vient de naître. Le premier lui est donné par l’Ange du Seigneur qui dans un songe dit à Joseph de lui donner le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. (Mt 1,21) En effet, l’étymologie du mot Jésus signifie le Seigneur sauve. Ce nom pointe vers une mission qui demande quelques précisions. D’abord « son peuple » peut viser Israël, mais permet aussi une interprétation plus large qui englobe l’Église et même le monde entier. Ensuite, on peut se demander ce que veut dire « sauver de ses péchés ». L’interprétation religieuse ou morale de cette expression semble aller de soi, mais n’est pas la seule possible. En hébreu, le nom Jésus est de la même racine verbale que le nom Josué. Ce dernier a mené le peuple pour vaincre les Cananéens et prendre possession de la Terre promise. À l’époque du Nouveau Testament, la terre est de nouveau occupée par une puissance étrangère : Rome. Encore une fois, elle doit être libérée. « Sauver son peuple » a aussi une connotation politique. Jésus n’est pas un leader militaire, mais il joue un rôle politique.

Emmanuel : Dieu avec nous

     Un deuxième nom se trouve dans une citation d’Isaïe : On lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : “Dieu avec nous”. Dans le contexte de l’Ancien Testament, le roi Achaz subissait la pression de l’empire assyrien, et l’enfant nommé Emmanuel était le symbole de la résistance à cet empire. L’auditoire de Matthieu vit une situation analogue à celle décrite par Isaïe : l’Empire romain a détruit en l’an 70 la ville de Jérusalem et son Temple. Après cette catastrophe, on espère l’avènement du Royaume de Dieu.

     Le nom Emmanuel évoque une contestation politique dans le contexte de l’occupation romaine puisque l’Empereur se faisait appeler theos epiphanès, c’est-à-dire « manifestation de la présence des dieux ». À cette époque, l’empereur est vénéré comme « dieu avec nous ». Appliquer ce terme à Jésus, c’est remettre en question la conception du monde présentée par l’Empire romain.

     Dans ces chapitres, Matthieu fait de nombreux emprunts dans les traditions juives pour désigner Jésus comme le Messie, le fils de David, le sauveur et la présence de Dieu pour son peuple. C’est à nous de poursuivre la lecture de l’évangile pour voir comment ceci se réalisera.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2384. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
L'enfance de Jésus selon Matthieu (5/6)
L'injustice du massacre des Innocents
Matthieu 2, 16-18

 

 

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