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Jean et le judaïsme de son temps (2/4)
 

Qui sont les Juifs dans l'évangile de Jean ?

 

Le récit de la guérison de l’aveugle-né nous fait assister, de la part des Pharisiens, à un interrogatoire en règle de l’aveugle guéri. On dirait déjà le procès de Jésus dans la personne de ce pauvre type qui a été guéri sans même l’avoir demandé. On remarque aussi que Jésus a des propos assez radicaux à l’égard de ces mêmes Pharisiens quand il leur reproche de ne pas croire en lui. Nous avons là une des nombreuses controverses qui présentent les Juifs d’une manière à nous rendre mal à l’aise.

     Une question se pose inévitablement. De quels Juifs au juste Jean parle-t-il? Beaucoup de spécialistes de l’Écriture sainte ont analysé la question. Un exégète canadien Gérald Caron y a consacré un livre : Qui sont les « Juifs » de l'évangile de Jean? (Coll. « Recherches », 35, Montréal, Bellarmin, 1997, 318 p). Je vous livre quelques extraits d’une recension que j’en ai déjà faite dans la revue Science et esprit.

     Gérald Caron considère que les deux approches classiques, l’une historique, l’autre théologique ou symbolique, ne tiennent pas suffisamment compte de l’exégèse du texte. Il opte pour une analyse narrative des chapitres 5 et 8 qui présentent une vive discussion sur l’identité de Jésus. Le texte constitue un monde littéraire qui a sa cohérence et sa signification, qui met en scène des figures dont celle des Juifs. « Cette figure, souligne l’auteur, fait partie du “ monde ” littéraire créé par le texte lui-même. Que ce “ monde ” littéraire corresponde plus ou moins parfaitement au monde réel du temps de Jésus et/ou de l’évangéliste, est une question qui ne nous concernera pas » (pp. 52-53).

     G. Caron étudie donc avec minutie ce que disent et font les Juifs dans les deux chapitres retenus, tout en faisant des liens avec le reste de l’évangile. L’auteur entreprend son étude avec la première mention des Juifs, à la suite de la guérison du paralytique (Jn 5, 1-18). Ceux-ci accusent Jésus d’avoir violé la loi du sabbat et de s’être ainsi fait l’égal de Dieu. Il est alors dit qu’ils veulent le faire périr. Cette première altercation situe le débat entre Jésus et les Juifs à un niveau religieux. Le contenu des chapitres 5 et 8 fera franchir au débat plusieurs étapes pour le conduire au niveau de la question fondamentale de l’identité divine de Jésus. D’ailleurs cette question est présente tout au long de l’évangile de Jean, notamment dans la fonction de révélation attribuée aux signes rapportés par l’évangéliste.

     L’exégète se livre à une analyse serrée du texte. Il explique la nature de trois rapports dont la connaissance est indispensable à une meilleure intelligence du débat entre Jésus et les Juif : le rapport entre la Loi, la figure de Moïse et Jésus, le rapport entre le monde et les ténèbres, le rapport entre les Pharisiens et Jésus. Grâce à la précision de son analyse, nous sommes mis en présence de la difficulté des Juifs du récit de croire qui est Jésus, dans son identité profonde. Seule la résurrection de Jésus mettra en lumière cette identité et ouvrira la possibilité pour tout être humain de croire en lui.

     Au terme de son analyse narrative, Gérald Caron conclut que les Juifs du récit ne représentent ni le peuple juif ni la race juive mais un certain Judaïsme qui n’a pas cru en Jésus, Fils de Dieu et Messie. L’appellation « les Juifs » a une connotation exclusivement religieuse. Ce Judaïsme se distingue par son caractère officiel, son siège à Jérusalem et son hostilité à l’égard de Jésus. Il est l’une des composantes du monde envahi par les ténèbres et réfractaire à la foi en Jésus, le révélateur de Dieu.

     Le livre de G. Caron mérite d’être lu, car son étude est pertinente dans le contexte actuel où est toujours vivant le souvenir de la tragédie qui s’est abattue sur le peuple juif, au cours de la seconde guerre mondiale. G. Caron apporte une contribution remarquable qui peut éclairer les efforts de rapprochement entre le christianisme et le judaïsme. De plus, la lumière qu’il apporte sur le rôle des Juifs dans l’évangile de Jean sera utile à quiconque ressent un malaise devant certains textes proclamés dans la liturgie : on y trouvera des pistes intéressantes d’interprétation en vue des commentaires que l’on pourra faire dans l’homélie.

 

Yves Guillemette, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2320. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Jean et le judaïsme de son temps - Foi en Dieu, crise et rupture (1/4)

 

 

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