La violence dans la Bible (1/6)

Les guerres d'Israël

À l’occasion du 75e anniversaire de la Société catholique de la Bible (Socabi), nous allons reprendre certains articles d’un dossier de Parabole paru en 1998, sur le thème de la violence dans la Bible. Nous croyons qu’il conserve toute son actualité.

Se pourrait-il que Dieu encourage la guerre, qu'il dirige les combats et, de ce fait, qu'il cautionne les massacres liés à cette activité barbare ? Ne le croirait-on pas quand on le voit associé de près aux prouesses de Josué durant l'exode et la conquête de la Terre promise? Ou aux campagnes militaires des Juges d'Israël ? À cet égard, certaines expressions sont éloquentes : Le Seigneur est le guerrier des combats (Exode 15,3); Le Seigneur est en guerre contre Amalec, de génération en génération (Ex 17,16).

Des chrétiens et des chrétiennes se sentent mal à l'aise devant ce YHWH belliqueux qu'on leur présente comme le Dieu de Jésus Christ. Comment ces propos peuvent-ils être appelés « Parole de Dieu »? Certains suggèrent de retrancher ces pages, voire de retirer de la Bible des livres entiers; à la rigueur de ne pas les lire. On n'y perdrait pas vraiment puisque de tels récits sont loin d'inspirer la piété et de nourrir la prière. Au contraire, pense-t-on, ils encouragent l'intolérance.

Et pourtant, ces récits existent. Ils nous placent devant la problématique du mal et de la violence, dont la guerre est l'expression la plus brutale. Oublier ces récits bibliques de guerre ne réglerait pas ce problème, pas plus que si on retranchait de la mémoire de l’humanité toutes ces guerres qui ont jalonné le cours de l'histoire. En matière de guerres et d’actes terroristes, le bilan des quelques cent dernières années n'est pas plus reluisant que celui des campagnes de Josué, des Juges et des rois d'Israël. Mais là où le bât blesse, c'est lorsque les armées combattent sous les ordres d'un général hors du commun, YYWH lui-même.

Des récits épiques

La Bible, en tant que témoin privilégié de l'histoire du peuple élu, a conservé le souvenir des conflits qui ont façonné son identité, influencé sesrapports avec les autres nations, transformé ses modes de vie. Elle a tenu lieu d'archives nationales. Depuis la libération du pays d'Égypte jusqu'à la fin de la monarchie, Israël a connu une suite quasi ininterrompue de guerres avec ses voisins. Il y eut les guerres de conquête à l'époque de Josué et les autres, livrées pour le droit à l'existence et la défense du territoire sous le gouvernement des Juges.

L'auteur du livre des Juges décrit de manière très colorée les exploits des héros qui dirigent les troupes israélites. Son attention se porte surtout sur le côté spectaculaire de certaines scènes. Par exemple, Samson, rempli de l'esprit de YHWH, affronte les Philistins et abat mille hommes avec une mâchoire d'âne (Jg 15, 9-15). Mais la participation directe de YYWH à toutes ces guerres cause encore plus d'étonnement. Il est le véritable héros. Il jette la panique dans le camp de Sisera (Jg 4, 15) et mobilise les étoiles (Jg 5, 20). Lors de la bataille de Gabaon, il lance des cieux de grosses pierres (Josué 10, 11) et, pour obéir à Josué, il « arrête» le soleil et la lune, permettant ainsi aux combattants de terminer leur « boulot « (Jos 10, 13).

Une question se pose : ces récits de guerre sont-ils fidèles? Il faut distinguer entre leur fondement historique et le style des récits que nous en donnent les générations subséquentes, souvent fort longtemps après les événements. Les fouilles archéologiques démontrent, par exemple, qu'au temps de Josué, vers 1200, les villes de Jéricho et de Aï étaient inhabitées depuis déjà trois siècles. La plupart des récits qui le concernent ont été écrits à une époque tardive. Le peuple d'Israël était alors aux prises avec des ennemis de taille; il avait besoin de courage et de confiance en YHWH.

Les narrateurs racontent les guerres anciennes dans un style épique : ils attribuent aux ancêtres une force surhumaine. Ils magnifient l'action de YHWH qui se couvre de gloire aux dépens des ennemis de son peuple. Ils se préoccupent peu de l'exactitude des faits. Leurs récits jouent le rôle de catéchèses, donnant le sens des événements anciens. Leurs contemporains peuvent ainsi comprendre que Dieu continue de protéger son peuple, à condition que celui-ci demeure fidèle à l'alliance.

(Source : Parabole, janvier-février 1998).

Yves Guillemette, ptre

Source: Le Feuillet biblique, no 2429. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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