Le sabbat (3/6)

3- Les motifs du sabbat

Le commandement du sabbat est expliqué au peuple d’Israël par divers motifs qui varient selon les deux versions du Décalogue : le sabbat est un chômage effectué dans une intention sociale et humanitaire (Ex 20,10b ; Dt 5,14b), une pause observée pour un mobile religieux (Ex 20,11) et un arrêt pratiqué pour un motif commémoratif (Dt 5,15).

Considérons le deuxième aspect, le motif religieux. Le texte d’Ex 20,11a : Car en six jours, le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour évoque le récit de l’achèvement de la création de Gn 2,2-3. Si Dieu s’est arrêté le septième jour pour libérer un espace à l’homme et à sa créativité, il convient que celui qui vit en alliance avec lui s’arrête lui aussi pour faire mémoire de l’acte du Créateur en se reposant le septième jour. Le repos sabbatique est un geste de réciprocité. Outre cette perspective, en s’arrêtant le jour du sabbat, l'Israélite reconnaît ses limites et s'affirme dépendant en tout de Dieu et de la création. Selon Gn 1,26-28, l’ « homme » (’ādām) a pour vocation d’accomplir en lui l’image de Dieu. Si l’Israélite entend se réaliser sur le mode de la surpuissance qui n’admet aucune frontière, il donne à voir par le fait même quelle image de Dieu est la sienne : un Dieu surpuissant et sans limites qui ne peut être celui de l’alliance. En imitant l’activité divine, l’Israélite montre qu’il renonce aux illusions de la surpuissance pour garantir une place à l’altérité et rendre possible de justes relations.

Passons au troisième motif, celui qui concerne la libération d’Égypte. Le passage de Dt 5,15 stipule: Tu te souviendras qu’au pays d’Égypte tu étais esclave, et que le Seigneur ton Dieu t’a fait sortir de là d’une main forte et le bras étendu ; c’est pourquoi le Seigneur ton Dieu t’a ordonné de pratiquer le jour du sabbat. Cet écrit fait du sabbat un mémorial de l’histoire du salut, un signe de la liberté d’Israël. Si Israël a acquis la liberté et reçu la vie, c’est par la puissance de Dieu avec une main forte et le bras étendu, c’est-à-dire par ses grandes œuvres accomplies pour délivrer son peuple de l’esclavage et de la mort. En souvenir de l’arrêt des corvées et de la force déployée de Dieu, le peuple libéré de l’esclavage est appelé à observer le jour du sabbat, jour consacré par Dieu.

Abordons maintenant le premier motif, celui qui a trait à la portée sociale et humanitaire. La loi biblique ordonne Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l’émigré que tu as dans tes villes (Ex 20,10b ; Dt 5,14b). Puisque le septième jour est celui où l’Israélite manifeste la liberté reçue de Yahvé en cessant le travail, l’Israélite doit mettre son pouvoir au service de la liberté des autres. Faire le sabbat, ce n’est plus seulement accepter une limite à sa maîtrise, c’est mettre cette maîtrise au service de la liberté de ceux qui dépendent de lui. Faire le sabbat, c’est imiter l’agir libérateur de Dieu qui a fait sortir d’Égypte en refusant de faire de sa maison une maison de servitude. En accordant aux autres le repos que l’Israélite doit à lui-même, il ouvre un espace d’égalité à ses semblables, en particulier aux esclaves et aux étrangers.

Expliqué différemment dans les deux versions du Décalogue, une continuité est perceptible entre les deux textes sabbatiques. Tous deux parlent de liberté : celle que l’Israélite prend par rapport au travail et celle qu’il offre à autrui. Tous deux parlent de puissance : celle que l’Israélite limite pour en rester maître et celle qu’il met au service de la liberté de ses semblables.

Béatrice Bérubé, bibliste

Source: Le Feuillet biblique, no 2474. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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