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Ascension et déchéance du Roi-Berger d'Israël (3/4)
 

Analyse narrative de récits davidiques des livres de Samuel (1 S 16-18 et 2 S 11 - 12, 25)

3- David, le berger vainqueur

 

 

Tant que David se comporte en berger, disait-on, sous le mode du « donner », le Seigneur est avec lui et il progresse vers le trône d’Israël. Or, les allusions au rôle de berger foisonnent dans cette séquence narrative (1 S 16-18). Outre le récit de son onction par Samuel à Bethléem pour laquelle on doit aller l’arracher à son troupeau (1 S 16,11-12), c’est aussi lors des épisodes subséquents que David est dépeint en berger. L’épisode central de cette séquence – et sans doute le récit le plus fameux des livres de Samuel – est ce combat entre David et Goliath (1 S 17,1-54). Le narrateur, avec un grand art, s’attarde bien à nous décrire la scène des champs de bataille, à nous faire ressentir l’impasse dans laquelle se trouvent Saül et ses troupes figés par la peur de ce champion Philistin, Goliath, qui les met au défi. Plus que les troupes adverses, ce sont aussi nos deux logiques, plus tôt décrites, qui s’affrontent en ce récit : la logique guerrière ou la loi du plus fort qui cherche à « prendre » le rival et la logique du berger qui se porte, légitimement, à la défense du troupeau de Dieu, qui se « donne » pour sauver son bien. Goliath, Saül et ses troupes, tous, à part David, sont enfermés dans la logique guerrière. Goliath, ce géant lourdement armé au discours violent et haineux est visiblement le plus fort. En parfaite logique guerrière, il est invincible, aussi Saül est incapable de bouger, de remplir son devoir royal de protéger son peuple, d’amorcer la bataille. On retiendra de la description de ces personnages, la lourdeur, l’immobilisme, la peur et la violence qui contrasteront avec ce qui sera dit de David.

     Par un épisode intermédiaire (1 S 17,12-30), expliquant l’arrivée de David sur les champs de bataille, le narrateur introduit l’élément singulier qui dénouera l’impasse : l’envoi du berger. David y est décrit de la façon la plus positive qui soit : berger consciencieux qui sait prendre bien soin de son troupeau (1 S 17,15.20), fils obéissant à son père, porteur de biens et de paix auprès de ses frères (1 S 17,18) et qui se soucie des intérêts de Dieu dans ce conflit (1 S 17,26). David est le seul personnage qui semble voir la verticalité de la situation : cette guerre et ce Philistin menacent le troupeau qui appartient à Dieu, Israël. Assurément, le Seigneur permettra de vaincre l’ennemi pour sauver son troupeau. Dans le discours qu’il tiendra à Saül (1 S 17,34-37) pour le convaincre de l’envoyer affronter Goliath, David rappelera son expérience de berger dans laquelle, pour le bien de ses brebis, il n’a jamais eu peur d’affronter le lion ou l’ours. Le courage dont il fait preuve contraste avec la peur qui paralyse Saül. Une fois convaincu, Saül veut revêtir David de sa propre armure avant de l’envoyer se battre (1 S 17,38-40). Symboliquement, Saül tente de transformer David en un autre lui-même, de transformer le berger en guerrier ! David a tôt fait de se débarrasser de l’encombrante armure. Ce n’est qu’avec les armes du berger et le nom du Seigneur qu’il affrontera et vaincra le prédateur menaçant. La description brève de l’affrontement oppose, encore une fois, la lourdeur et le labeur du guerrier à la légèreté, la mobilité et l’aisance du berger (1 S 17,48-49).

     Suite à sa victoire sur Goliath, David se taille une place de choix dans la maison de Saül qui ne le laisse plus repartir chez son père. Il le met à la tête de ses hommes de guerre et ses succès militaires se multiplient et dépassent même les exploits de Saül 1. Le « berger » David devenu soldat serait-il en train de se transformer en « guerrier » ? Pas encore, puisque, loyal à Saül, David ne fait qu’exécuter les ordres du roi, défendant le troupeau de Dieu et c’est encore en termes pastoraux que le narrateur décrit ses victoires guerrières : il « entre et sort » à la tête des troupes comme le berger à la tête de son troupeau (1 S 18, 5.16). Toutefois, pour devenir le gendre du roi, David pose un geste gratuit de violence en doublant la dote exigée (cent prépuces de Philistins ; 1 S 18,27) par le roi pour la main de sa fille. Pourquoi David « prend-t-il » inutilement la vie à deux fois plus de Philistins qu’exigés pour en rapporter les prépuces à Saül ? Y a-t-il dans le cœur du berger un germe de guerrier qui « prend » dans son seul intérêt ? Cette violence gratuite, est-elle annonciatrice de ce que David pourra devenir une fois sur le trône d’Israël ?

___________________

1Ce qui excitera la jalousie de Saül, mettant en place les racines de l’intrigue objet de la séquence narrative suivante : soit la persécution de David par Saül (1 S 19 et suivants).

 

Patrice Bergeron, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2486. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Début de la série :
Ascension et déchéance du Roi-Berger d'Israël

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Ascension et déchéance du Roi-Berger d'Israël : 2- Le choix de Dieu

 

 


 

 

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