Le messianisme (1/6)

1. L'espérance messianique

Au 1er siècle av. J. C., certains courants du judaïsme tels que les Sadducéens,¹ les Pharisiens ², les Esséniens ³ et une partie du peuple juif aspirent à la venue d’un messie. Diverses représentations mentales circulent dans ces milieux religieux et populaire. La croyance la plus courante et la plus répandue, quoique non unanime, est que le Messie, le libérateur du peuple juif, sera « fils de David » (Ps Sal17—18 ; l’ancienne prière synagogale, les Dix-huit bénédictions) ou « Germe de David » (Za 9,9).

L'espérance messianique provient entre autres des situations de tensions et de conflits que la nation juive connaît. Dans les milieux populaires, l’attente messianique se manifeste par divers soulèvements contre la domination romaine. Dans les milieux religieux, elle s’exprime dans des œuvres littéraires telles que les Psaumes de Salomon, les manuscrits de la mer Morte, certaines apocalypses et les évangiles.

Jésus le Nazaréen

L’attente messianique des récits évangéliques nous conduit inévitablement au Nazaréen. Jésus était juif et par toute son éducation, il partage l’espérance de son peuple. Dans ce climat d’effervescence, le Royaume qu'il annonce attire les foules et agite les espoirs du peuple, et ses miracles produisent également de l’excitation. Selon certains bruits, il est regardé comme le Messie et appelé «fils de David». Cependant, il ne se pose en aucune façon en rival du pouvoir romain et prend ses distances vis-à-vis des représentations messianiques courantes. Il réfute l’exégèse des scribes qui présente le Messie d’Israël comme « fils de David » (Mt 24,41-46; Mc 12,35-37a; Lc 20,41-44) et sa retenue face aux institutions politiques (Mc 12,13-17) exprimant ses réserves écarte toute interprétation de sa mission en termes nationalistes. Certains individus qu’il a côtoyés l’ont reconnu comme « Messie », l’envoyé de Dieu, mais la majorité de ses compatriotes ne l’ont pas identifié comme tel.

Les évangiles et leur tradition portent essentiellement sur le fait que Jésus est le Messie. Cette qualification accordée au Jésus postpascal émane du monde juif, mais la littérature chrétienne ne donne aucune explication à son sujet. En établissant une équivalence entre la tradition synoptique et les usages palestiniens originaux, les recherches actuelles soulignent et n’excluent pas la possibilité, et dans plusieurs cas, le fait que le même titre a probablement pris au cours de la transmission et de la rédaction des évangiles des connotations théologiques non-palestiniennes plus élaborées. Afin de mieux se situer dans ce débat, il importe de préciser les origines et l’expansion du messianisme dans le judaïsme. À cet effet, il sera question dans les prochains numéros des thèmes suivants : le messianisme dans la littérature biblique et dans la littérature juive extrabiblique. Ensuite, une place sera faite à l’espérance messianique dans les milieux religieux, puis dans les milieux populaires. Le dernier numéro de cette étude portera sur la conscience messianique de Jésus.

¹ Les Sadducéens font partie de l'aristocratie sacerdotale. Ils s'en tiennent à la Loi (Torah écrite ou Pentateuque). En plus de monopoliser la richesse, ils détiennent au temps de Jésus le pouvoir dans le domaine religieux.
²Les pharisiens sont des hommes pieux et de scrupuleux observateurs de la Loi dont ils tirent toute leur règle de vie. Ils exercent une grande influence sur le petit peuple.
³Les esséniens sont des juifs qui ont fui la société et le culte du Temple. Ceux qui se sont réfugiés à Qumrân vivent dans la prière, l'étude et l'ascèse. Les autres, qui habitent dans des villages situés sur la côte de la mer Morte, mettent leur avoir à la disposition de tous les membres de leur communauté.

Béatrice Bérubé, bibliste

Source: Le Feuillet biblique, no 2509. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.