Bas-relief d’un autel de la cathédrale d’Auch (France), représentant le transport de l’Arche d’alliance (Vassil / Wikipédia).

Yahweh guerrier

Yves GuillemetteYves Guillemette | 21 juin 2002

Nous sommes toujours mal à l’aise lorsque nous sommes en présence de textes bibliques qui nous montrent Dieu prendre une part active aux combats et aux guerres qu’Israël livre à ses ennemis, soit pour conquérir la terre promise, soit pour se défendre contre ses envahisseurs. Il nous semble que cette façon de présenter Yahweh ne concorde pas tellement avec le visage d’amour que de nombreux autres textes nous révèlent, notamment le livre du Deutéronome et les Évangiles. 
    
Pour comprendre la signification de cette façon de concevoir Yahweh comme le général en chef des armées israélites, il ne faut pas tomber dans le piège qui consisterait à court-circuiter les diverses époques de la longue histoire d’Israël ainsi que les étapes d’évolution de la mentalité religieuse.
Le caractère sacré de la guerre
    
Chez les peuples anciens, y compris Israël, le sacré est intimement lié à toutes les situations de la vie. Il va de soi que la guerre soit elle aussi menée en relation étroite avec la divinité. En ce qui concerne Israël, le caractère sacré de la guerre a son appui dans la relation d’Alliance qui unit Dieu à son peuple. Mais attention : le caractère sacré de la guerre ne signifie pas qu’il s’agit d’une guerre sainte. On entend par « guerre sainte » une guerre qui est déclenchée dans le but d’exporter sa foi chez un peuple voisin. Tel est le sens de la fameuse jihad islamique dont on entend parler de temps à autres.
    
Les guerres que livre Israël ne sont pas des entreprises de propagande religieuse, mais d’abord et avant tout une question de survie et de défense devant les prétentions territoriales des pays voisins. Les guerres d’Israël sont des guerres de Yahweh parce qu’on a la conviction que Dieu marche a la tête des armées pour protéger son peuple. Sa présence est signifiée par l’arche d’Alliance : « Quand l’arche partait, Moïse disait : “Lève-toi, Seigneur! Tes ennemis se disperseront, tes adversaires s’enfuiront devant toi!” Et quand elle faisait halte, il disait : “Reviens, Seigneur!... Innombrables sont les milliers d’Israël!” » (Nombres 10,35-36). Les guerriers ont tellement foi en Dieu qui assurera la victoire qu’ils n’éprouvent pas de crainte : « Le Seigneur dit à Josué : “Ne crains pas et ne te laisse pas abattre. Prends avec toi tout le peuple sur pied de guerre ; lève-toi, monte contre Aï. Vois, je t’ai livré le roi de Aï, son peuple, sa ville et son pays.” » (Josué 8,1)
    
Les armes que l’on prête à Dieu sont très souvent les forces naturelles. Lors de la guerre de Gabaon, on lit ceci : « Or, tandis qu’ils fuyaient devant Israël et qu’ils se trouvaient dans la descente de Beth-Horôn, le Seigneur lança des cieux contre eux de grosses pierres jusqu’à Azéqa et ils moururent. Plus nombreux furent ceux qui moururent par les pierres de grêle que ceux que les fils d’Israël tuèrent par l’épée. » (Josué 10,11) On notera le caractère épique d’un tel récit. C’est donc surtout dans les traditions qui remontent au temps de la conquête de la terre promise que l’on retrouve une telle conception de la présence de Dieu à la tête des armées.
Dieu briseur de guerres
    
Bien que de nombreux récits présentent Dieu comme le chef des armées d’Israël, il faut porter attention à une autre conception qui rétablit un certain équilibre. C’est l’affirmation que Yahweh est un Dieu briseur de guerres, comme dans ce passage du livre de Judith : « Entonnez un cantique pour mon Dieu avec des tambourins, ... Car c’est un Dieu qui brise les guerres que le Seigneur... » (Judith 16,1-2). Le prophète Isaïe entrevoit le jour où Dieu brisera l’esprit de domination qui ruine les rapports entre les peuples pour instaurer un règne de paix et de fraternité universelle : « Il sera juge entre les nations, l’arbitre de peuples nombreux. Martelant leurs épées, ils en feront des socs, de leurs lances ils feront des faucilles. On ne brandira plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à se battre. Venez, maison de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur. » (Isaïe 2,4-5).

Yves Guillemette est prêtre du diocèse de Montréal et curé de la paroisse Saint-Léon de Westmount. Il est directeur du site interBible depuis son lancement en 1999.

Les mots pour le dire

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Quand nous lisons la Bible, plusieurs mots importants sont chargés de sens et il est nécessaire de s'y arrêter pour en comprendre toute la richesse. C'est ce que nous proposons dans cette rubrique.