L’onction de David par Samuel. Maître Honoré, 1296. Enluminure du Bréviaire de Philippe le Bel, folio 7v (Wikipédia).

Onction

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 14 novembre 2022

Hébreu : mishehah
Grec : chrismatos

À l’époque de l’Ancien Testament, l’onction religieuse est un rite que l’on pratique sur des objets ou des personnes. Il consiste simplement à verser de l’huile sur un objet ou sur une personne pour exprimer son caractère sacré ou une fonction qui lie la personne à la divinité.

Selon le livre de la Genèse, Jacob oint une stèle alors qu’il est en route vers Harrân en versant de l’huile sur son sommet (voir le récit du songe de Jacob en 28,18 ; voir aussi 31,13 et 35,14). La consécration du sanctuaire et de ses accessoires est accomplie à l’aide d’un rite semblable (Exode 30,22-23) où l’on utilise une huile très sainte dont le gardien est le prêtre Éléazar (Nombres 4,16).

Les principales personnes sur lesquelles on pratique le rite de l’onction sont le roi, le grand-prêtre et les prêtres. On mentionne également le rite quand on parle du prophète Élisée (1 Rois 19,16), le roi perse Cyrus (Isaïe 61,1), les patriarches (Psaume 105,15) mais il s’agit probablement dans ces derniers cas d’une métaphore [1].

L’onction royale

La Bible mentionne l’onction de quelques rois seulement : Saül (1 Samuel 9,16 ; 10,1), David (par exemple 1 S 16,3.12-13), Salomon (1 Rois 1,34.39.45), Jéhu (1 R 19,16 ; 2 R 9,3.6.12), Joas (2 R 11,12) et Joachaz (2 R 23,20). Mais les historiens pensent que tous les rois de Juda et probablement aussi ceux d’Israël ont reçu le rite de l’onction. L’onction est « le » rite de l’investiture royale et il exprime un lien étroit avec la divinité comme en témoigne le titre de « oint de Yahvé » par lequel on désigne le roi (1 S 2,10.35 par exemple).

Le rite a probablement une origine étrangère. Il est attesté dans la littérature ancienne pour les rois hittites et cananéens [2]. Quand Israël adopte la monarchie, on a maintenu l’onction royale qui est d’abord un rite « démocratique » : « Les gens de Juda vinrent et là ils oignirent David comme roi sur la maison de Juda. » (2 Samuel 2,4) Mais il acquiert une signification religieuse avec le temps et l’usage :

« Prenez avec vous les serviteurs de votre maître ; vous mettrez mon fils Salomon sur ma propre mule et vous le ferez descendre à Guihôn. Là, le prêtre Sadoq et le prophète Natan lui feront l’onction qui le sacrera roi sur Israël […] » (1 Rois 1,33-34)

Le rite de l’onction est donné, avec une huile sainte, au nom de Yahvé (1 S 9,16), par l’intermédiaire d’un prophète (1 S 10,1), le grand-prêtre (1 R 1,39) ou les deux (1 R 1,34.45), dans un sanctuaire ou un lieu sacré (2 R 11,2). Il s’accompagne du don de l’esprit (1 R 10,6) et fait du roi une personne consacrée qui développe une relation filiale avec Yahvé – on l’appelle son « fils » comme en 2 S 7,14 – ce qui lui confère une grande responsabilité auprès du peuple.

L’onction sacerdotale

Même si la Bible mentionne le rite de l’onction d’Aaron (Lévitique 8,12), il s’agit probablement d’une projection dans le passé d’une pratique beaucoup plus récente dans l’histoire. Après l’exil, à une époque où la monarchie a disparu, on a transféré le rite sur le grand-prêtre considéré comme le chef de la communauté qui est retournée en Israël. Probablement réservée au grand-prêtre (Lv 4,3.5.16) à cette époque, l’onction a ensuite été étendue à tous les prêtres (Ex 28,40-41).

Cette onction a une signification religieuse dès le départ : il s’agit d’une aspersion d’huile d’onction et de sang pris de l’autel des sacrifices (Lv 8,30) Ce rite conféré aux prêtres n’est pas attesté chez les autres peuples du Proche-Orient ancien. L’onction sacerdotale est mentionnée dans un texte de Qumrân (1 QM 9,7-9) et il s’agit probablement du dernier témoignage de ce rite qui n’est plus attesté à l’époque romaine.

Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.

[1] Voir André Boudart, article « Onction », Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, 1987, p. 920.
[2] Lettres d’el-Amarna 51, 4-7.

Les mots pour le dire

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