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Symbole biblique
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chronique du 10 mars 2006

 

Le serpent en Orient et dans la Bible

En 2001, l’Orient célébrait avec faste le nouvel an lunaire : la nouvelle année était placée sous le signe du serpent. Les diseurs de bonne aventure étaient fort occupés dans les villes orientales par une foule de curieux désirant savoir ce que l’année du serpent leur réserverait.

     Alors qu’en Occident, il est courant de parler des serpents de l’envie et de la calomnie, voire de langues de vipère, en Orient le serpent est un reptile plus bénéfique. Son venin fait même partie de certaines préparations pharmaceutiques. La pharmacie de Saint-Sauveur possède un vase, sur lequel figure l’inscription Theriaca, destiné à recueillir le venin d’une vipère de Palestine. Cependant tous les serpents ne sont pas venimeux. Aux Philippines, sur 135 espèces connues, seuls six serpents sont venimeux.

poterie

Animal sacré en Orient

     En Orient, le serpent vit en contact avec le monde divin. Il est associé à la vie et à la sagesse. Il est la créature la plus rusée, capable de vivre entre les rochers, de grimper le long des murs et de vivre en contact avec les forces mystérieuses de la terre. En desquamant au printemps il semble acquérir une vie nouvelle. Une légende chinoise veut qu’un serpent blanc ait pris une forme féminine, qu’ait épousé un homme et lui ait enfanté un fils qui devint un grand sage. Ce dernier dut révérer sa mère, le serpent. Dans la légende de Gilgamesh, héros assyrien dont la quête de l’immortalité est célèbre, c’est le serpent qui vole la plante de vie et qui rajeunit.

En Égypte, en Grèce et au Proche-Orient
 

statue d'Asklépios
 

     Pharaon, le souverain d’Égypte, portait l’uraeus sur sa tiare. Ce petit serpent était considéré comme symbole de la royauté. Dans la mythologie grecque, le serpent était un attribut des Furies qui tourmentaient les méchants. Cependant Asclépios, le dieu de la médecine, est souvent représenté avec un serpent dont le venin peut devenir un médicament. Mercure, le messager des dieux, est connu avec son caducée, entrelacé de deux serpents, qui est devenu un symbole de paix. Le culte du serpent était répandu dans tout le Proche-Orient.

Dans la Bible
 

peinture

Le serpent d’airain
Simon Vouet
Huile sur toile, 283 x 629 cm
Musée des Beaux-Arts de Toulouse

     La Bible l’atteste au livre des Nombres (21,4-9). Même Israël l’avait accepté : le serpent d’airain avait été introduit dans le Temple de Jérusalem où les israélites lui offraient des sacrifices jusqu’à la réforme d’Ezéchias (2 R 18,4). Dans le récit biblique de la tentation d’Adam et d’Ève, le serpent promet la vie : « Vous ne mourrez pas » et vous acquerrez une connaissance supérieure qui est celle des dieux (Gn 3,5). Il est rusé (aroum). Le terme aroum est usité fréquemment au livre des Proverbes pour qualifier le sage (Pr 12,16; 13,16).

     L’épisode du serpent d’airain élevé par Moïse au désert lorsque des serpents avaient attaqué les israélites est approfondi dans le livre de la Sagesse (16,5-11). Le serpent d’airain est défini comme signe de salut. Cependant la littérature synagogale précise que ce n’était pas le serpent qui guérissait, mais la foi de celui qui levait les yeux vers le Père céleste. Jean dans son Évangile mettra en parallèle le serpent d’airain et l’élévation de Jésus en croix. « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’Homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. » (3,14-15) Au mont Nébo, une représentation monumentale du serpent d’airain permet aux pèlerins d’évoquer cette page biblique.

   Le récit de la chute d’Adam et d’Ève s’ouvre par une mention du serpent qui engage le dialogue. Sa question amène la femme à préciser l’interdiction divine dont le serpent conteste le bien-fondé. On retrouve ici le thème de la jalousie des dieux. L’auteur de Gn 3 lutte ainsi contre les cultes cananéens de la fécondité et s’en prend à une sagesse humaniste qui était prisée à la cour de Salomon.

Symbole ambivalent

     Le serpent devient un symbole ambivalent. Il peut être un animal sauveur, mais aussi une bête maudite. Symbole de la ruse et de la guérison, il peut aussi se révéler comme adversaire de l’homme. Entre le serpent et la femme, les rapports sont ceux de l’hostilité depuis la chute. Cette inimitié, le Seigneur l’a récapitulée en lui-même en se faisant homme né de la femme et en foulant aux pieds la tête du serpent. L’auteur du livre de la Sagesse identifie le serpent avec le diable; le livre de l’Apocalypse de Jean (12,9) n’hésite pas à reprendre cette identification. Cette valence négative s’est imposée en Occident qui en est venu à oublier la signification positive du serpent.

     Parmi les sectes gnostiques, Irénée de Lyon mentionne les Ophites : « Certains disent que c’est la Sagesse elle-même qui fut le serpent : c’est pour cette raison que celui-ci s’est dressé contre l’Auteur d’Adam et a donné aux hommes la gnose ; c’est aussi pour cela qu’il est dit que le serpent est le plus rusé de toutes les créatures. Il n’est pas jusqu’à la place de nos intestins, à travers lesquels s’achemine la nourriture, et jusqu’à leur configuration, qui ne ferait voir, cachée en nous, la substance génératrice de vie à forme de serpent. » (Adv. Haer. 1,30,15)

     L’année du serpent devrait être celle de la sagesse et du respect de la vie. Elle devrait apporter la guérison à tous ceux qui ont été blessés par la vie ou par la violence des hommes. Enfin elle devrait rapprocher l’Occident et l’Orient dans leur quête de sagesse. Ce n’est pas la science qui rapprochera les hommes, seule la sagesse leur permettra de se rappeler leur condition de créatures.

Frédéric Manns, OFM

Source : La Terre Sainte septembre-octobre 2001, pp. 278-280.

Lire aussi :
Le serpent d'Airain
Le serpent de la Genèse et sa symbolique

Chronique précédente :
Le poisson, un symbole majeur du christianisme primitif