cerfs

Cerfs s’abreuvant à une fontaine en forme de canthare. Mosaïque provenant de Carthage et exposée au British Museum (photo © AHE).

Le cerf, une figure symbolique du catéchumène

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 8 février 2021

La représentation du cerf dans l’art paléochrétien est moins connue que d’autres symboles. Mais il est clair que l’animal est rapidement devenu une belle métaphore du catéchumène qui aspire à recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation et eucharistie. L’image reprend les premiers versets du Psaume 42 (41 dans la liturgie).

Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,
ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu.
Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ;
quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ?
Psaume 41,2-3 (AELF)

Pour les chrétiens et les chrétiennes, l’eau vive représente l’eau du baptême. Dans les premiers siècles de l’Église où l’on pratiquait largement le baptême par immersion, le catéchumène était littéralement plongé dans l’eau pour naître symboliquement à une vie nouvelle en Jésus Christ. Le cerf ou la biche [1] du psalmiste était donc une belle figure pour évoquer la motivation des personnes qui se préparaient au baptême.

Les éléments associés au cerf dans l’iconographie chrétienne permettent d’approfondir le symbolisme. Le cerf s’abreuve souvent à un canthare (un vase à boire). On peut y voir une représentation symbolique des fonts baptismaux ou même une référence à la liturgie eucharistique. Quand saint Augustin commente le verset 3 du Psaume 41, il pense aux catéchumènes et à leur désir d’assister à la liturgie eucharistique ; pendant leur catéchuménat, ils devaient quitter l’assemblée après la proclamation de l’Évangile [2].

D’autres textes viennent appuyer la représentation du cerf et son association avec l’eau ou la soif. Toujours dans le livre des Psaumes : « En toi est la source de vie. » (Ps 35,10a) Ce verset et le début du Psaume 41 trouvent un écho dans le récit du dialogue de Jésus avec la Samaritaine (Jn 4,1-30) ou dans cette parole : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » (Jn 7,37-38)

C’est donc en contexte baptismal, quelque fois en contexte eucharistique, qu’on retrouve des représentations du cerf dans les églises anciennes. Le motif apparait souvent dans la décoration des baptistères et dans le pavement des églises byzantines. Il a obtenu « un succès très limité dans l’art chrétien primitif » selon Henri Leclercq [3] mais il est assez fréquent en Tunisie selon une étude récente [4].

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] La traduction grecque de la Septante parle plutôt de la biche.
[2] Aujourd’hui encore, les catéchumènes dont le cheminement leur permet d’assister à l’eucharistie, doivent quitter l’assemblée après la liturgie de la Parole.
[3] Henri Leclercq, art. « Cerf », Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Tome 2, partie 2, col. 3301-3307.
[4] Silvio Moreno, « Les cerfs – le canthare – les quatre fleuves du Paradis dans la mosaïque chrétienne en Tunisie », Tunis, 2020 (consulté le 26 janvier 2020).

Les mots pour le dire

Symboles bibliques

Cette rubrique est consacrée aux symboles bibliques et paléochrétiens. L'écriture de la Bible n'aurait pas la même saveur sans ces images et leur puissance d'évocation qui réussissent souvent à exprimer l'indicible.