perles

(Briam Cute / Pixabay)

La perle et le Royaume

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 18 avril 2022

Grec : marguaritès

Même si les anciens Israélites devaient connaître les perles, le texte de la Bible hébraïque ne les mentionne pas. Quelques livres de la tradition de sagesse écrits en grec en parlent toutefois, toujours dans un sens symbolique : un ami fidèle est semblable à une perle (Sir 6,14) ; les perles sont précieuses mais elles n’ont pas autant de valeur que la sagesse (Job 28,18 ; Pr 3,15 ; 8,11) ou une femme vaillante (Pr 31,10). Les perles sont donc une belle image pour parler de ce qui est très précieux dans l’existence humaine.

C’est dans le même sens que Jésus reprendra l’image dans sa prédication du Royaume. Cette tradition nous est rapportée dans une double parabole qu’on retrouve uniquement dans le premier évangile :

Le Royaume des cieux est comparable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme a découvert : il le cache à nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a, et il achète ce champ. Le Royaume des cieux est encore comparable à un marchand qui cherchait des perles fines. Ayant trouvé une perle de grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il avait, et il l’a achetée. (Matthieu 13,44-46)

Comme cet enseignement de Jésus est conservé à l’aide de paraboles jumelles, on doit tenir compte de la première sur le trésor enfoui dans un champ pour comprendre la seconde [1]. On pourrait être tenté de ne porter notre attention uniquement sur la valeur inestimable du trésor ou de la perle : l’enseignement se réduirait ainsi à la grandeur du Royaume. Le comportement des « découvreurs » est toutefois une donnée essentielle des paraboles que nous allons examiner plus en détails.

Il est clair que les paraboles soulignent la valeur inestimable des objets découverts, images du Royaume. Mais l’objectif de la comparaison n’est pas, semble-t-il, de tout sacrifier pour acquérir les objets précieux. On doit souligner le caractère inattendu de chaque découverte. L’ouvrier agricole qui laboure un champ qui ne lui appartient pas ne s’attendait pas à y découvrir un trésor enfoui. C’est la même chose pour le négociant de perles. Rien dans la parabole ne laisse entendre qu’il s’attendait à trouver une perle d’une aussi grande valeur.

La finale de chacune des paraboles insiste sur l’enthousiasme des personnages. La découverte est telle, qu’ils saisissent une occasion qui ne se représentera probablement plus et mettent tout en œuvre pour profiter de cette chance inouïe qui s’offre à eux. Rien dans le texte ne permet d’associer à leur comportement un quelconque sacrifice. Comme l’explique Claude Tassin [2], « quiconque découvre le Royaume dans les paroles de Jésus » est submergé par un enthousiasme tel qu’il sera prêt à tout miser pour participer à son avènement. En d’autres termes, les paraboles cherchent à susciter l’engagement total des auditeurs et auditrices qui découvrent en Jésus et ses paroles la proximité du Royaume. On n’est sans doute pas loin ici de la propre expérience du Nazaréen qui a tout quitté pour se consacrer entièrement à l’annonce du Royaume.

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] Nous suivons ici Jacques Dupont, « Les paraboles du trésor et de la perle », New Testament Studies 14 (1967-68) 408-418.
[2] Claude Tassin, L’évangile de Matthieu. Commentaire pastoral, Centurion / Novalis, 1991, p. 152.

Les mots pour le dire

Symboles bibliques

Cette rubrique est consacrée aux symboles bibliques et paléochrétiens. L'écriture de la Bible n'aurait pas la même saveur sans ces images et leur puissance d'évocation qui réussissent souvent à exprimer l'indicible.