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Coups de coeurs
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chronique du 20 juin 2000
 

Quand Dieu a une idée dans la tête...

 

... c'est parfois nous qui l'avons dans les pieds! La tête et les pieds, ces deux extrémités du corps humain évoquent symboliquement les contraires, du moins une différence prononcée entre deux idées. Le prophète du retour de l'exil, que l'on nomme aussi Isaïe, exprimait en d'autres termes tout aussi évocateurs la distance séparant les pensées de Dieu des nôtres: «Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, oracle du Seigneur. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées» (Isaïe 55, 8-9).

     Un merveilleux petit livre de la Bible illustre, sous la forme d'une fiction, cette différence entre les projets de Dieu et les nôtres. C'est le livre de Jonas. Malheureusement, ce que l'imagination populaire en a conservé, c'est le séjour de Jonas dans la baleine. On connaît bien la chanson. Mais le message de cet écrit humoristique est très sérieux et ne manque pas d'actualité.

Jonas, tu n'es pas sur la bonne route !

      Le récit commence par un ordre du Seigneur: «Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et annonce-leur que leur méchanceté est montée jusqu'à moi» (Jon 1, 1). Jonas se lève, se rend au port de l'actuel Jaffa, achète son billet comme un honnête voyageur et trouve un vaisseau à destination de Tarsis. Pour les Hébreux, Tarsis est le bout du monde et correspond à l'Espagne actuelle. Jonas a son idée. N'en déplaise au Seigneur, il n'est pas question de se rendre à Ninive, sur les hauts plateaux de la Mésopotamie. Ninive, c'est l'ancienne capitale assyrienne qui a fait disparaître le royaume d'Israël en 721 avant Jésus Christ. Se rendre à Ninive, c'est aussi bien se livrer à l'ennemi, se jeter dans la gueule du loup. Mais c'est dans le ventre d'un gros poisson que Jonas fera le voyage vers Ninive, ne lui en déplaise.

      Pour décrire le comportement de Jonas, le récit mentionne qu'il fuit à Tarsis, «loin du Seigneur» (1, 3). L'expression sera reprise une seconde fois à la fin du même verset. Jonas fuit dans la direction contraire à l'endroit où le Seigneur l'a précédé, soit Ninive. En fuyant loin du Seigneur, Jonas n'en fait qu'à sa tête. D'ailleurs, au plus fort de la tempête, les matelots n'en croient pas leurs oreilles quand Jonas leur dit qu'il adore le Seigneur après leur avoir confié qu'il le fuyait. Selon la mentalité du temps, sa désobéissance fait courir un grand risque à tout l'équipage qui reconnaît dans la tempête une punition du Seigneur à l'égard de ce prophète rebelle. Ils ne le jettent pas à l'eau sans demander au Dieu de Jonas de ne pas leur en tenir rigueur. Le récit nous présente des matelots qui sont saisis d'une grande crainte envers le Seigneur, reconnaissant alors sa souveraineté sur leurs propres divinités.

Jonas, tu boudes !

      Jonas finit par débarquer à Ninive malgré lui. Une fois sorti du fameux poisson, Jonas reçoit à nouveau l'ordre du Seigneur d'inviter la population à la conversion. Quelle n'est pas sa surprise de constater qu'une seule journée de prédication dans la grande ville suffit à transformer toute la population, du roi jusqu'au plus simple citoyen. Au lieu de se réjouir, Jonas est rempli de dépit. Il se fâche contre Dieu qui a agi avec miséricorde envers les ennemis jurés de son peuple. C'est justement parce qu'il prévoyait que Dieu pouvait renoncer au châtiment qu'il s'était enfui loin du Seigneur qui est un «Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et se repentant du mal». Que les gens de Ninive se repentent si vite et que Dieu accueille leur conversion, Jonas ne le prend pas! Il sort de la ville pour bouder et surveiller la suite des événements. Le récit se termine par le fait cocasse du ricin que Dieu fait pousser pour donner de l'ombre au pauvre Jonas en train de rôtir au soleil. Jonas en est rempli de joie. Mais durant la nuit Dieu fait mourir le ricin et au matin, Jonas est fâché à mort encore une fois. La leçon surgit alors: si Jonas a ressenti de la peine pour le ricin, à plus forte raison Dieu s'est-il mis en peine pour sauver la population de Ninive.

L'humour de Dieu

      On date le petit conte édifiant de Jonas de la période du retour de l'exil. Les Israélites sont en pleine reconstruction de leur pays et de leurs institutions et risquent de s'enfermer dans leur particularisme. Il y a peut-être même des tendances à ruminer les épreuves subies durant l'exil et à être économes sur le pardon à accorder. Le message du livre ouvre à l'universalisme: Dieu est prêt à accorder son pardon à quiconque manifeste une volonté de conversion. Gare à la tentation de brandir la menace du châtiment divin alors que Dieu se met en peine pour révéler sa miséricorde. C'est quand Jonas finit par remplit son rôle, là où Dieu s'est déjà mis à l'œuvre, que la tranformation survient. Quand Dieu a en tête la volonté de manifester sa miséricorde, mieux vaut avoir les même idées que lui.

      Une autre leçon qui se dégage du petit livre de Jonas, c'est de se convertir à l'humour et à l'amour de Dieu. Jonas avait ses plans, ses stratégies d'intervention, ses règles à faire respecter, sa conception de Dieu à défendre. Il savait ce que Dieu devait faire. Il avait même la prétention de le savoir mieux que lui. Jonas s'était fait une opinion sur les gens de Ninive qu'il considérait comme irrécupérables. Jonas découvre alors que Dieu aime d'une même passion Israël et Ninive, le peuple élu et dévasté autant que la nation triomphante et dévastatrice. Quel choc! Jonas a de la difficulté à se convertir, tant dans sa pensée que dans son comportement, au regard que Dieu porte sur l'humanité. Les croyants d'aujourd'hui n'auraient-ils pas besoin de se convertir à l'humour de Dieu qui, malgré nos plans et nos stratégies, réussit toujours par se frayer le chemin que nous n'avions pas prévu pour lui?

Yves Guillemette, ptre

 

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