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Coups de coeurs
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chronique du 12 février 2002
 

Il ne faut pas laisser dormir Samuel

 

C'était la nuit.

     L'enfant entendit le Seigneur l'appeler : « Samuel! Samuel! »

     Mais il ne savait pas que c'était le Seigneur. « La parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée », dit le texte.

     L'enfant alla déranger l'adulte. C'est toujours ce que fait un enfant.

     Pour se faire dire d'aller se recoucher. Deux fois.

     Heureusement, la troisième fois, le vieil Éli a compris.

     Il a compris que même un jeune enfant peut entendre la voix du Seigneur. « Va te coucher et, si on t'appelle, tu diras: “Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute”».

     Remarquable réponse. Le vieillard ne se met pas à tourner autour du pot. Tout de go, il met le petit en relation avec Dieu. Il lui permet d'être quelqu'un qui, même tout jeune, peut commencer un dialogue qui durera toute la vie. L'adulte éclaire, ouvre la voie et permet à l'enfant de se mettre en marche et de découvrir sa propre réponse à l'appel de Dieu.

     Qu'est-ce qui serait arrivé si Éli n'avait pas pris le temps d'éveiller cet enfant à la foi? S'il n'avait pas su reconnaître ce qui se passait ou si, par négligence ou pour pouvoir se rendormir, il avait laissé passé ce moment décisif? S'il avait définitivement renvoyé l'enfant se coucher? Le jeune Samuel serait-il devenu le prophète qui a appelé et guidé celui qui devait devenir le grand roi David? Qu'aurait été l'histoire du peuple de Dieu?

     « Comment les jeunes pourront-ils connaître le Seigneur s'ils ne sont pas introduits dans le mystère de sa présence ? », écrivait Jean-Paul II en 1996, dans une lettre sur l'Eucharistie publiée à l'occasion du 750e anniversaire de la Fête-Dieu. « Comme le jeune Samuel, en apprenant les mots de la prière du coeur, ils seront plus proches du Seigneur qui les accompagnera dans leur croissance spirituelle et humaine et dans le témoignage missionnaire qu'ils auront à donner tout au long de leur existence. »

     L'auteur du Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry, terminait son roman Terre des Hommes par le récit d'un voyage en train, au milieu de pauvres ouvriers expatriés, au regard éteint. Devant le visage angélique d'un enfant endormi, il s'émeut : « Voici un visage de musicien, voici Mozart, voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n'étaient point différents de lui: protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s'émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n'est point de jardinier pour les hommes. (...) Mozart est condamné... C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné ».

     Saint Paul a bien résumé l'évidence : « Comment invoquer le Seigneur sans avoir d'abord cru en lui? Comment croire en lui sans avoir entendu sa parole ? Comment entendre sa parole si personne ne l'a proclamée? »

     Cette nuit-là, le vieux prêtre Éli, au temple de Silo, aurait pu assassiner, en quelque sorte, le prophète Samuel. Laissé à lui-même, l'enfant serait peut-être passé à côté de sa vocation et n'aurait pas joué son rôle dans l'histoire d'Israël. Telle est souvent l'importance d'un témoin, d'un « éveilleur ».

     Notre Église a besoin de tous ses Samuel, de tous ses Mozart.

     Et surtout, de tous ses Éli. S'il fallait qu'on assassine les Augustin, les Thérèse, les François ou les Marguerite que l'Esprit veut susciter parmi nous!

     Il ne faut pas laisser dormir Samuel.

 

Bertrand Ouellet
ouellet@officecom.qc.ca

 

Références:

- Premier livre de Samuel, chapitre 3.

- Lettre de Jean-Paul II à l'évêque de Liège à l'occasion du 750e anniversaire de la Fête-Dieu, La Documentation catholique, 21 juillet 1996, pp. 652-654.

- Antoine de Saint-Exupéry, Terre des Hommes, 1939.

- Lettre de Paul aux Romains, chapitre 10, v. 14.

 

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