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Coups de coeurs
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chronique du 2 mars 2004
 

Ils cherchaient à voir Jésus

 

Saint Luc a ordonné le ministère de Jésus dans le cadre d'une longue montée vers Jérusalem. Alors qu'il s'approche de la ville sainte, Jésus fait coup sur coup la rencontre de trois hommes qui, à son contact, se retrouveront à la croisée des chemins. Les trois protagonistes sont le riche notable (Luc 18, 18-27), l'aveugle mendiant (18, 35-43) et Zachée le collecteur d'impôts (19, 1-10). Ces trois personnes ont des expériences de vie fort différentes. L'un est vertueux : observant fidèle des préceptes de la Loi, on peut présumer qu'il a acquis sa fortune honnêtement. L'autre est aveugle : son handicap l'a condamné à la dépendance et à la pauvreté. Enfin, un publicain ostracisé soupçonné d'avoir accumulé sa richesse de manière douteuse. En revanche, ils ont en commun de chercher à voir Jésus, mais chacun à sa manière.

Chercher

     De quelle manière en effet ces trois hommes cherchent-ils ou s'approchent-ils de Jésus? Le notable se présente comme un croyant capable de verbaliser et d'articuler son expérience religieuse. Il vient consulter un maître qui saura le guider dans sa recherche du sens à donner à sa vie pour qu'elle soit une réussite totale : Bon maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage?

     L'aveugle, pour sa part, n'est pas dépourvu du sens de l'ouïe ni de celui de la parole. Il sent la foule qui s'agite autour de lui et demande ce qui se passe. Dès qu'on l'informe de la présence de Jésus, il se met à l'interpeller : Jésus, Fils de David, aie pitié de moi! Quelques personnes trouvent ses cris déplacés et dérangeants, et le rabrouent pour qu'il se taise. Ils se sont donné comme mission de filtrer les appels. Peine perdue. En appelant Jésus Fils de David, l'aveugle démontre qu'il le connaît déjà de réputation et, en outre, qu'il a une certaine intuition du mystère de Jésus.

     Enfin Zachée exprime sa recherche de Jésus par le langage non verbal. Il se fraie un chemin dans la foule, grimpe dans un arbre et porte son regard sur Jésus. À l'inverse de l'aveugle, il voit et observe mais demeure silencieux. Il n'a pas de mot pour dire le désir qui l'habite, mais ses gestes parlent d'eux-mêmes. Craint-il d'être jugé par la foule? Se demande-t-il ce que les gens vont penser de lui, le publicain, le collecteur d'impôts, le collaborateur de l'occupant romain? Ou bien, ayant entendu dire que Matthieu, un de ses collègues de Capharnaüm, est devenu un disciple de Jésus, n'aurait-il pas trouvé l'audace nécessaire pour oublier le mépris rattaché à son métier? Ce sont là des suppositions. Mais Luc garde un suspense jusqu'au moment où, dans son récit, il mentionne les murmures de la foule. Zachée avait bien raison de se faire le plus discret possible: c'est un pécheur chez qui Jésus ne devrait pas aller.

     En observant ces récits, nous découvrons que, à partir du moment où ces trois personnes décident de s'approcher de Jésus, elles ouvrent un espace où l'accueillir, lui permettant ainsi de partager leur expérience de vie. Elles acceptent qu'il puisse intervenir et répondre à leur besoin : Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui… (Ap 3, 20).

Écouter

     Le notable, l'aveugle et Zachée ont entendu chacun à sa façon la voix de Jésus et lui ont ouvert la porte de leur vie. Jésus y entre en commençant par les écouter.

     Il prête une oreille attentive au notable qui cherche à donner une plénitude de sens à sa vie. Il le renvoie à sa propre expérience de pratique religieuse : Tu connais les commandements…. Il l'invite ainsi à un discernement sur le sens que prend pour lui l'observation minutieuse des préceptes de la Loi. C'est au notable qu'appartient toutefois la responsabilité d'évaluer la manière concrète de vivre sa foi et d'exprimer son désir d'aller plus en profondeur. Quant à l'aveugle, ses cris traduisent une douleur profondeur. C'est la supplication que le priant adresse au Seigneur Dieu du fond de sa détresse : Aie pitié de moi. En lui demandant : Que veux-tu que je fasse pour toi?, Jésus donne le champ libre à l'expression de sa souffrance, de sa réelle pauvreté, de son besoin de salut et de bonheur. Comment Jésus se met-il à l'écoute de Zachée? En utilisant le seul langage que ce dernier semble connaître : celui des yeux. Mais c'est Jésus qui verbalisera le désir de Zachée : l'accueillir chez lui.

     L'attitude de Jésus nous indique que l'écoute est le premier pas qui permet de partager l'expérience de vie d'une personne. Elle crée l'environnement favorable pour que se réalise la rencontre entre la personne en recherche et Jésus qui se montre attentif au désir qui l'habite.

Rencontrer

     Jésus a l'initiative de la parole ou du geste qui suscitera la rencontre. Le notable, qui situe sa vie religieuse dans le domaine du « faire », se verra proposé un autre « faire », fort exigeant : suivre Jésus après avoir vendu ses biens et les avoir partagés avec les pauvres. Il lui est demandé rien de moins que de se détacher de ses sécurités matérielles et religieuses dans un acte de confiance absolue en Jésus. C'est de cette manière qu'il aura la plénitude de vie qu'il recherche tant. Mais ce sera la pierre d'achoppement sur lequel trébuchera son désir. Incapable de s'engager, il reçoit en héritage la tristesse d'une insatisfaction non comblée qui continuera de le tenailler. Il en va tout autrement des deux autres personnages. À la question posée à l'aveugle : Que veux-tu que je fasse pour toi? la réponse est spontanée : Que je retrouve la vue! Non seulement retrouve-t-il la vue, mais il voit désormais Jésus comme celui en qui il rencontre le Seigneur Dieu. Dans un acte de foi, il devient son disciple et le suit avec une joie exubérante. Zachée entre lui aussi dans la joie du salut en accueillant Jésus dans sa maison. Le geste est si provoquant, -à preuve le jugement porté par la foule-, qu'il devient pour Zachée le signe de la révélation de la miséricorde de Dieu. La rencontre de Jésus suscite chez lui ce que le notable n'a pu faire : le partage de ses richesses et la réconciliation avec les autres. Mais il y a plus : Jésus reconnaît en lui un vrai fils d'Abraham, un homme libre qui se met en route, guidé par son désir de Dieu.

     Comme s'ils étaient réunis dans un panel, le notable, l'aveugle et Zachée nous ont livré le témoignage de leur expérience. Nous découvrons que la rencontre de Jésus réussit là où une personne accepte d'être déstabilisée par la puissance provocatrice de la parole de Jésus. Cette déstabilisation est créatrice d'une vie nouvelle qui trouve son assise dans le salut proposé par Dieu et accueilli par l'être humain, et dont Jésus est le médiateur. La rencontre de Jésus crée un disciple qui verra sa vie humaine atteindre sa plénitude de sens dans la foi. Pourrait-il en être autrement pour proposer aujourd'hui Jésus Christ, comme voie de liberté et de responsabilité?

Yves Guillemette, ptre
Directeur du Centre biblique et du Site InterBible
Curé de la Paroisse Saint-Léon de Westmount
Vice-président de la Société catholique de la Bible

 

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