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Bible et culture
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LA PASSION (1/5)
 

La douloureuse Passion du Christ
selon Mel Gibson

| appréciation | source | reconstitution | anti-sémitisme |
|
résurrection et conclusion |

PAR JEAN-FRANÇOIS PERREAULT

 

citation

La sortie de productions cinématographiques « grand public » sur la vie ou la Passion de Jésus de Nazareth passe rarement inaperçue. Beaucoup se souviennent encore de la controverse plutôt vive entourant la sortie du film de Martin Scorcese La Dernière Tentation du Christ (1988) qui, par le traitement du personnage de Jésus, s'était attiré la foudre de nombreux chrétiens. Même la série télévisée de Franco Zeffirelli, Jésus de Nazareth (1977), pourtant très fidèle à la tradition et aux évangiles, avait, bien avant sa diffusion, suscité des réactions et des inquiétudes chez certains groupes de chrétiens qui avaient dénoncé haut et fort la décision du réalisateur « d'humaniser » le personnage du Christ. C'est dans une ambiance enfiévrée d'un genre très différent, voire même opposé, que s'est effectuée la distribution en salles du film La Passion du Christ, réalisé et produit par l'acteur américain Mel Gibson. Déjà plusieurs mois avant sa sortie, ce film faisait couler beaucoup d'encre, accentuant chez plusieurs l'impatience devant l'attente de sa sortie en salles. Le produit très hollywoodien que Gibson nous livre n'est pas dénué d'intérêt et possède d'indéniables qualités cinématographiques. Certains aspects, sont par contre, très questionnants et il convient d'aborder cette oeuvre avec une certaine circonspection. Au cours de cet article, nous tenterons de dégager les éléments essentiels de cette production et nous proposerons quelques réflexions qui, nous l'espérons, sauront guider ceux et celles qui s'interrogent sur le traitement des évangiles et de la foi chrétienne dans le film de Gibson.

Appréciation générale du film

     D'emblée, disons que le film de Gibson est d'une très grande efficacité quant à sa capacité de générer un flot d'émotions bouleversantes chez les spectateurs, émotions pouvant aller de l'indignation à l'horreur, en passant par une profonde sympathie pour le personnage de Jésus de Nazareth. Ces sensations sont d'autant plus vives que le film dénote une préoccupation de réalisme se percevant entre autres dans l'illusion d'authenticité que procure l'utilisation de langues anciennes pour les répliques des personnages ainsi que dans le souci de reconstituer fidèlement les tortures et les supplices des condamnés de droit commun de l'époque de la Rome impériale. L'extrême violence de plusieurs scènes et l'aspect, à première vue, très réaliste de la production, associés au sentiment de sympathie que suscite le personnage de Jésus font qu'il est extrêmement difficile, même pour les esprits avertis, de visionner le film en maintenant une distanciation critique et réflexive.

     Mel Gibson a nettement pris le parti du sensationnalisme pour présenter l'interprétation qu'il privilégie du message évangélique. Il s'agit là d'une décision que certains trouveront peut-être de mauvais goût. Car bien que pouvant être très efficace sur le plan des sensations, ce type de cinéma s'avère en général très limité au niveau de la substance. La trame narrative du film de Gibson ainsi que son montage séquentiel sont savamment construits de manière à manipuler les spectateurs pour les faire réagir de façon bien précise et pour leur insuffler des émotions et des sentiments pouvant être très troublants. En cela, le film de Gibson s'apparente beaucoup aux productions « choc » du cinéma populaire américain. La technique cinématographique à laquelle ce genre de films fait appel s'adresse davantage aux émotions des spectateurs qu'à leur raison et leur intelligence. Il s'agit d'une technique qui est connue depuis longtemps des milieux hollywoodiens et on la retrouve d'ailleurs aujourd'hui en filigrane de nombreux médias de masse à sensation. Le choix de Gibson concernant ce type de technique peut sembler questionnant pour une oeuvre biblique mais il est en parfaite cohérence avec l'un des objectifs visés. En effet, Gibson a avoué en entrevue avoir voulu délibérément choquer les spectateurs afin de les amener à faire « certaines prises de conscience face au sacrifice du Christ ». La réalisation technique, très efficace, contribue de façon importante à l'atteinte de cet objectif.

     Certaines inégalités sur le plan narratif nuisent toutefois à l'effet de réalisme voulu par Gibson. En effet, les éléments surnaturels et fantastiques associés aux manifestations de Satan et de ses « petits démons » sonnent souvent faux par rapport au film en général et s'avèrent parfois totalement inutiles dans la trame narrative. Le symbolisme que visait Gibson en introduisant ces éléments surnaturels se marie plutôt mal avec le souci de réalisme qui marque l'ensemble de sa production.
 

Marie

La mère de Jésus (Maia Morgenstern)
et Marie-Madeleine (Monica Bellucci)
Photo : Philippe Antonello. - © 2003 Icon Distribution Inc.

     Pour ce qui est du jeu des acteurs, celui-ci est très impressionnant et la plupart rendent leur personnage avec une grande conviction. Une mention spéciale doit être faite à Maia Morgenstern qui interprète le rôle de la Vierge Marie de façon particulièrement prenante. Jim Caviezel, dans le rôle de Jésus réussit, par son jeu très intense, à donner beaucoup de crédibilité à son personnage. Les flash-back qui rappellent certains moments de la vie publique de Jésus nous font presque regretter que le film ne se centre que sur la Passion, tant il aurait été intéressant de voir Caviezel interpréter ce personnage dans une oeuvre plus élaborée sur le plan des évangiles.

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La Matrice : un récit messianique