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Bible et culture
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chronique du 18 janvier 2008
 

« Espérant contre toute espérance »¹
Commentaire sur le film Contre toute espérance,
de Bernard Émond

affiche

 

Contre toute espérance

Québec, 2007. Drame de Bernard Émond avec Guy Jodoin, Gildor Roy et Guylaine Tremblay. - Un camionneur et une téléphoniste achètent la maison de leur rêve à Beloeil. Mais tout bascule lorsqu'il est victime d'un accident cérébro-vasculaire et elle, mise à pied par la multinationale pour laquelle elle travaillait à Montréal.

Site officiel

Réjeanne et Gilles, couple sans enfant, déménagent dans la maison de leurs rêves à Beloeil. Leur idylle est interrompue par l’accident vasculaire cérébral (AVC) que subit Gilles. Diminué physiquement, s’exprimant avec difficulté, celui-ci se remet péniblement. Cependant, la patience et la tendresse de Réjeanne, ainsi que le soutien d’un ami fidèle, finissent par redonner vie à Gilles. Pendant ce temps, Réjeanne apprend qu’une restructuration dans la compagnie de téléphonie où elle travaille la forcera à se trouver un autre emploi. La situation financière du couple s’aggrave davantage avec le second AVC de Gilles : celui-ci doit abandonner l’espoir de retrouver son emploi de camionneur. Le ménage se résigne, quoique difficilement, à vendre sa demeure. Gilles sombre alors dans une profonde dépression.
 

Contre toute espérance

Photo © Films Séville

     En plus de porter ce fardeau, Réjeanne, victime des effets de la mondialisation, cherche tant bien que mal à conserver sa dignité au travail. Au retour d’une partie de chasse, Gilles profite de l’absence de sa femme pour se suicider à l’aide d’une carabine. Atterrée, celle-ci se saisit de la carabine, se dirige vers la résidence de son ancien patron, un homme d’affaires aussi prospère que peu scrupuleux, et tire plusieurs balles sur la façade. Réjeanne est arrêtée, puis suspectée du meurtre de son mari. Elle reste hébétée et muette pendant l’enquête, qui conclut au suicide. Lorsque l’inspecteur l’informe qu’elle est dégagée de toute poursuite, Réjeanne, une fois seule, murmure : « Mon Dieu, aidez-moi ! »

     L’espérance ne se pare pas de couleurs voyantes dans le film gris et noir de Bernard Émond. Voici trois traits de lumière judéo-chrétiens capables de dissiper un peu le brouillard dans lequel nous plonge Contre toute espérance.

« Toute possession s’oppose à l’espérance². »

     Job s’écriait : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. » (Jb 1,21) Gilles ne l’entend pas de cette oreille : s’il est bousculé par son premier accident, c’est après son second qu’il s’effondre et abdique. Pourquoi ? Parce que son second accident anéantit tout espoir de conserver la maison qu’il voyait comme l’incarnation de son bonheur. Un peu avant son suicide, Gilles insiste pour visiter son ancien foyer. Ce dernier étant habité par d’autres, il est radicalement confronté à la perte de son bonheur. Sa désespérance procède en partie de sa dépossession qu’il est incapable de réassumer de manière positive.
 

Contre toute espérance

Photo © Films Séville

     À l’impotence de Gilles répond l’impuissance de Réjeanne devant les forces économiques issues de la mondialisation. Elle interprète spontanément le suicide de son mari comme une conséquence de l’immoralité du système économique; c’est pourquoi elle s’en prend à son ancien patron, qui personnifie cette immoralité. Cependant, sa révolte ne dure guère. Dépossédée jusqu’à être hors d’elle-même, elle garde le silence comme Job mettait sa main devant sa bouche après l’apostrophe du Seigneur (Jb 40,4). Mais son silence est brisé, justement, par l’invocation de Dieu.

Nous mettons notre orgueil dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l’espérance. (Rm 5, 4-5)

     Involontairement, Réjeanne parcourt ce chemin allant de la détresse à l’espérance. Néanmoins, le cheminement de Réjeanne me paraîtrait invraisemblable si l’on oubliait qu’il était avant tout une marche d’amour. « La charité espère tout. » (1 Co 13,7) Si on ne nous donnait pas de multiples exemples de l’amour « éprouvé » de Réjeanne pour Gilles, je trouverais bien hardi de parler d’espérance dans sa prière finale.

Je m’attendais à la lumière… l’ombre est venue. (Jb 30, 26)

     Le malheur fauche d’abord Gilles et Réjeanne en plein élan, puis lorsque la situation du premier s’améliorait. Fort légitimement, ils mettaient leur espérance, avant et après les accidents, dans des biens terrestres : une belle maison, la réhabilitation de Gilles, etc. À partir de ce constat, peut-on distinguer deux espérances dans le film, une espérance strictement humaine d’abord, puis une espérance proprement chrétienne en germe dans la prière finale de Réjeanne ? La mort ayant tout confisqué sur le plan terrestre, la vie nouvelle ne peut s’enraciner que dans le terreau mystérieux d’une ouverture à la transcendance. L’espérance chrétienne implique peut-être l’expérience de la désespérance humaine, un passage obligé par la mort et la résurrection…

Quelques questions pour une discussion en groupe, après le visionnement du film :

  1. Quel sens donnez-vous à la scène de l’église ?
  2. Quels liens constatez-vous entre souffrance et espérance ?
  3. Quels rapports voyez-vous entre espérance, foi et charité ?

Jonathan Guilbault
Séminariste, Montréal

Notes

[1] Romains 4, 18.
[2] Saint Jean de la Croix, La Montée du Carmel.

Source : cet article est paru dans Haute Fidélité, la revue de l’Église catholique de Montréal, vol. 125, no 5 (2007), p. 36-37. Reproduit avec permission.

 

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Des preuves d’outre-tombe?