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Bible et culture
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chronique du 4 mars 2016

 

Sarah et Tobie, un amour qui dépasse les limites du temps

La conversion de saint Paul

Yves Simon, « Sarah et Tobie », album Intempestives, Barclay 1999

Les histoires d’amour ont toujours marqué l’imaginaire des hommes et des femmes à travers le temps. Les récits bibliques ne font pas exception à cette fascination et confirment le caractère intemporel des puissants sentiments amoureux, voire même sacrés, vécus par un couple. Je vous propose de comparer le livre de Tobit, un texte ancien relatant une histoire d’amour et son adaptation contemporaine par Yves Simon dans la pièce musicale « Sarah et Tobie » que vous pouvez écouter en cliquant ici.

Du Moyen-Orient à l’Europe en passant par le Maghreb

     Tout d’abord, le lieu géographique décrit dans l’œuvre musicale diffère du texte biblique. En effet, alors que le récit original se déroule dans la ville d’Ecbatane (dans l’Iran actuel), la chanson mentionne plutôt une « médina » au « sud de l’Europe ». La pièce d’Yves Simon dépeint davantage un paysage maghrébin ou nord-africain, ce que le genre musical vient confirmer. En effet, les instruments – particulièrement le tambourin et les cordes – ainsi que la mélodie des passages instrumentaux renvoient à la musique nord-africaine. La chanson d’Yves Samson semble vouloir nous transporter au Maroc, en Algérie ou en Tunisie. De plus, le personnage de Tobie n’est plus originaire de Ninive, mais du « nord de l’Europe ».

Coupé au montage

     Plusieurs aspects du récit biblique sont mis de côté dans la pièce d’Yves Simon. C’est le cas entre autres de l’accueil et des présentations entre Tobie et les parents de Sara, du repas et des discussions au sujet des noces, incluant les prescriptions relatives à la loi de Moïse. D’ailleurs, le mariage ne survient que vers la fin de la chanson, contrairement au texte biblique où c’est la véritable nuit de noces que Tobie et Sara passent ensemble. La prière des mariés est également absente de la chanson. Le rituel du foie et du cœur de poisson pour faire fuir le démon maléfique est également absent de la pièce; on sent que c’est seulement le « vrai » amour entre Tobie et Sara qui rompt le sort.

Sous les projecteurs

     D’autres aspects du texte biblique sont au contraire accentués ou carrément modifiés dans la pièce d’Yves Samson. L’une de ces différences les plus marquantes est l’importance du point de vue de Sara : alors qu’elle ne dit rien (à part réciter la prière de son mari) dans le texte original et que le texte ne révèle aucun aspect de sa personnalité ou de sa compréhension des évènements, la pièce musicale accorde beaucoup d’importance à ces éléments. D’une femme « accessoire » donnée par son père à son mari, obéissant à la volonté des hommes de sa famille et aux lois patriarcales qui lui dictent sa destinée, elle devient un personnage « plein », avec des émotions et une psyché. Ainsi, elle souffre de sa malédiction, se croit une sorcière et a des pensées suicidaires avant de rencontrer l’homme de sa vie. La chanson la met sur le même pied d’égalité que Tobie : ils s’écoutent, se regardent, se racontent, se rapprochent d’égal à égal. Le rôle de Raphaël est également plus important dans l’œuvre d’Yves Simon : c’est sa mission à lui de présenter les amoureux, de faire en sorte que cette rencontre ait lieu.

Adaptation à la culture contemporaine

     Ces différences entre l’œuvre originale et la chanson qui s’en inspire mettent en lumière l’adaptation à la culture contemporaine d’un texte ancien que propose Yves Simon. Ce dernier met de côté tous les éléments qui font référence à une culture patriarcale, où la femme n’a pas son mot à dire, afin de l’adapter à la réalité d’aujourd’hui, c’est-à-dire à une culture où la femme occupe (en théorie) un rôle égal à l’homme. Ce ne sont plus ses parents ni la loi qui décident de son sort. Si nous ajoutons à cela les données géographiques et historiques qu’Yves Simon incorpore dans sa chanson – l’arrivée d’Europe en auto-stop à un hôtel nord-africain ou maghrébin –, l’auditeur peut facilement s’imaginer une histoire d’amour entre un Européen du Nord (qu’on peut supposer français comme l’auteur) et une femme maghrébine, un scénario ayant une certaine connotation « Roméo et Juliette » en raison de l’historique complexe entre la France et ses colonies africaines.

     À la lumière de cette brève comparaison entre un texte ancien et son adaptation contemporaine, nous pouvons mieux comprendre la démarche artistique d’Yves Simon et son désir d’actualiser, à sa manière, un récit biblique. Le résultat lui permet d’exprimer la teneur sacrée de l’amour véritable entre deux personnes aujourd’hui, un sentiment que les artistes de l’Antiquité connaissaient déjà très bien!

Pierre Alexandre Richard

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La conversion de Paul selon Michel-Ange