Le Baiser de Judas. Arcabas, 2003.

Le Baiser de Judas

Jimmy CarbonneauJimmy Carbonneau | 17 mars 2017

Le Baiser de Judas de l’artiste Arcabas montre une forme de violence subtile et sournoise. Cette peinture illustre cette violence cauteleuse propre à nos insécurités humaines. Ce tableau fait partie d’un polyptyque s’intitulant Passion-Résurrection dans lequel Le Baiser de Judas est jumelé au tableau Les trente deniers.

Une trahison biblique

Alors que la trahison de Judas est présentée dans les quatre évangiles (Mt 26,49 ; Mc 14,45 ; Lc 22,47 et Jn 18,5), seuls les évangiles synoptiques mentionnent le baiser. En Jean, Judas est celui qui le livre parmi la cohorte de gardes et de grands prêtres, mais aucune mention de baiser. À première vue, cette peinture est inspirée des évangiles synoptiques. Toutefois, les flambeaux à proximité laissent, à mon sens, percevoir le compte-rendu de Jean et invoquent que Judas fait partie du groupe qui vient l’arrêter ; il n’était ni au-devant (Luc) ni extérieur à ce groupe (Mt et Mc). La trahison de Judas n’est donc pas limitée à la livraison, mais inclut son arrestation et surtout, son changement d’appartenance. Judas a plus que cédé au mal, il l’a embrassé.

Un regard en voie de perdition

Le visage de Judas est déformé principalement au niveau oculaire voulant que son regard soit sa voie de perdition. Deux observations sont mutuellement possibles. Peut-être ne sait-il plus reconnaître le Christ en Jésus ? Peut-être ne voit-il que sa rançon en Jésus ? Sa vision troublée lui fait perdre sa nature d’homme comme le démontre la position déformée de ses yeux.

Un baiser qui mord

Revenons à ce baiser incommensurable. La toile le dépeint comme une morsure arrachée du visage de Jésus où pénètre la couleur noire. En effet, Judas et Jésus, au-delà de son auréole, sont entourés de bleu. D’abord, plus clair et devenant noir autour de Jésus et principalement à l’endroit du baiser. L’artiste veut-il nous montrer que cette petite faiblesse humaine va tourner au calvaire pour Jésus ? De ce nuage bleu, une petite tache se disperse vers le dos de Jésus. En regardant la toile dans son ensemble, on peut la percevoir comme un couteau dans le dos entérinant le caractère traître du baiser.

Un regard franc

Le visage de Jésus est blême, mais ses pommettes et ses traits lui donnent une disposition sereine. Cela représente le caractère connu ou ressenti de la suite des choses, mais serait-ce aussi une attitude face au mal ? Parfois le meilleur remède au mal n’est pas la violence. Non pas qu’il faille abandonner de nous défendre, mais plutôt savoir aussi reconnaître la douleur de l’agresseur et la laisser œuvrer. D’ailleurs, le regard grand et franc de Jésus sur Judas porte à croire que sa douleur est plus grande face au désarroi de son ami qu’aux événements à venir ; Judas semble soudainement réaliser la portée de son geste.

En somme, Arcabas propose une illustration biblique contemporaine qui invite à entrer dans le fait historique et à le dépasser à notre manière aujourd’hui.

Jimmy Carbonneau est étudiant à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec).

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30 deniers

Le Baiser de Judas et Les trente deniers.