La présentation de Jésus au Tempe. Icône grecque orthodoxe.

La Sainte Rencontre

Luc CastonguayLuc Castonguay | 25 janvier 2021

« C’est la fête de la rencontre entre l’humanité et le Christ [1] . » Aujourd’hui cette fête est plus connue sous le nom de la Chandeleur, la fête de la lumière. « Par ta lumière nous voyons la lumière » (Ps 36,10) : lumière de la face de Dieu. Célébrer le retour de la lumière est une tradition ancienne, de toutes civilisations et religions, qui remonte à la nuit des temps. Les chrétiens continuent à pérenniser cet héritage plusieurs fois millénaire.

Un peu d’histoire

Cette fête est célébrée le 2 février, car selon la tradition juive, il était prescrit de présenter au Temple les nouveau-nés mâles quarante jours après leur naissance. Dans la chrétienté des premiers siècles, elle était déjà célébrée à Jérusalem à la fin du IVe siècle, puis introduite à Constantinople au VIe siècle et à Rome au VIIe siècle par le pape Serge Ier.

C’est Luc, dans son évangile, qui fait le récit de cet événement, lequel s’inscrit dans le rituel de la tradition juive relative aux premiers-nés (Ex 13,2) et à la purification de la femme après les naissances (Lv 12,1-8).

De plus en 1997, Jean-Paul II a décrété que le 2 février serait aussi la journée de la vie consacrée. Nous pouvons voir en son geste une très belle remise en contexte, une actualisation du texte (Lc 2,22-38). Car le texte biblique et l’icône nous présentent le prêtre Siméon et la prophétesse Anne, deux personnages qui ont consacré leur vie au service de Dieu.

Présentation de Jésus au Temple

Un peu de technique

L’image que nous étudions est une icône ancienne de l’école grecque. Il faut noter que les représentations iconographiques de la Présentation de Jésus au Temple sont toutes semblables. Les icônes ont très peu de variantes. Ceci est certainement dû en partie aux exigences canoniques qui régissent leurs personnages, leur mise en scène, leur décor, leurs couleurs, etc. Mais plus spécifiquement aussi du fait que les icônes sont des interprétations d’un texte biblique. Il peut y avoir certaines nuances de traductions, ou disons dans notre cas, d’interprétations mais le principal du récit reste invariable. C’est pourquoi les icônes contemporaines sont souvent des copies de copies de copies! Ces images sont pratiquement les mêmes avec seulement quelques variantes non significatives dans les teintes des couleurs, la place des personnages, l’architecture des bâtiments. Il est d’ailleurs souvent dit que l’atelier d’un iconographe est celui d’un copiste.

L’icône que l’on étudie met en scène cinq personnages. Marie et Siméon avec l’enfant Jésus sont les personnages principaux placés devant tandis qu’Anne la prophétesse et Joseph sont un peu en retrait, retirés vers l’arrière. Siméon est placé sur une marche qui symbolise la prééminence religieuse et sociale du prêtre. Marie lui remet Jésus qu’il tient dans ses mains couvertes en signe d’humilité de déférence et de vénération. Comme celles de Joseph qui tiennent les deux tourterelles, offertes en sacrifice. On peut encore sentir dans son regard que son incrédulité face au mystère de l’incarnation virginale n’est pas complètement effacée.

Temple

Les bâtiments représentent Jérusalem et le Temple ; au centre, un baldaquin qui surplombe l’autel et le Saint des Saints, avec ses portes closes. Siméon tient Jésus au-dessus de l’autel symbolisant qu’Il sera le sacrifice salvateur des hommes.

Ceci nous montre que cette scène se passe à l’intérieur même si la représentation donne l’impression que les personnages sont à l’extérieur. Il en est toujours ainsi dans les icônes. Aucune temporalité, aucune perspective réaliste des formes et des grandeurs, aucun espace clairement défini. Nous sommes dans le monde symbolique, irréel et mystique de l’iconographie. Comme le dit Michel Quenot : « L’icône ne fixe pas la réalité des personnages et des choses telles qu’elles nous apparaissent […] elle donne à voir un monde déjà transfiguré, avant-goût de la réalité du Royaume de Dieu [2] ».

Cette icône est très lumineuse par la dorure qui recouvre tout l’arrière-plan, les éclaircissements des vêtements de Siméon, de Joseph et d’Anne qui sont d’une blancheur éclatante et l’assist [3] sur les portes du Saint des Saints, sur les vêtements de l’enfant-Jésus et sur les différentes sections des bâtiments.

Un peu de théologie

Quarante jours après la Nativité, durée requise dans la Torah (Lv 12,8) pour la purification des accouchées avant de pouvoir entrer au Temple, la Vierge Marie présente Jésus ; Siméon et Anne, désormais très âgés, le reçoivent avec joie ; Joseph hagard assiste à la scène. Marie est placée au centre de l’icône puisque c’est d’elle qu’est né le Sauveur ; elle est la médiatrice entre Dieu et les hommes.

La représentation de l’événement est en accord parfait avec les tradition religieuses et sociales d’Israël de l’époque. Jésus est né et a vécu dans la religion judaïque et la célébration de sa circoncision et de sa présentation au Temple montre bien cet attachement. Il a d’ailleurs dit plus tard : « Je ne suis pas venu abolir la Loi ou les Prophètes […] mais l’accomplir. » (Mt 5,17)

« Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples. » (Lc 2,30) On assiste à une théophanie, une reconnaissance de Jésus par Siméon comme « le Christ du Seigneur » (Lc 2,26), le Messie promis par Dieu.

La théologie de l’icône a un sens catéchétique, car elle représente les textes sacrés et les saints en image. Elle a un sens mystique, car la grâce divine repose dans l’icône. Elle a un sens ecclésial important, d’ailleurs le pape Jean Paul II a écrit que « l’icône est un sacrement : en effet, d’une manière analogue à ce qui se réalise dans les sacrements, elle rend présent le mystère de l’Incarnation dans l’un ou l’autre de ses aspects [4] ». Elle a un sens canonique, car sa réalisation se doit respectueuse des canons établis par différents Conciles. Elle a un sens historique, car son art a su traverser les temps sans altérations depuis des siècles.

Luc Castonguay est iconographe et étudiant à la maîtrise en théologie à l’Université Laval (Québec).

[1] Alfredo Tradigo, Icones et saints d’Orient, Paris, Éd. Hazan, 2005, p. 107.
[2] Michel Quenot, Les clefs de l’icône, Saint-Maurice, Éd. Saint-Augustin, 2009, p. 18.
[3] L’assist est la décoration faite de fines lignes d’or sur les vêtements, les objets et l’architecture dans les icônes.
[4] Jean Paul II, « Lettre du pape Jean Paul II aux artistes », (consulté le 16 septembre 2019).

rosette

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