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LA BIBLE ET LES FEMMES 1/9
 

L’apport des femmes à l’exégèse et à la théologie

Lorsque des femmes ont pu avoir accès aux études en théologie, elles ont voulu, comme dans d’autres secteurs, pousser plus loin leurs réflexions concernant leur place et leur rôle, avoir des réponses à leurs interrogations, comprendre le statut inférieur qu’elles avaient dans l’Église. Certaines sont devenues spécialistes de la Bible et de la théologie. Elles se sont mises à poser des questions sur ce qui les concernait. Elles se sont rendu compte que l’ignorance fréquente de leurs paroles et de leurs gestes dans les textes ne voulait pas nécessairement dire leur absence dans les enjeux importants de la vie de la communauté, que ce silence n’était pas le signe de la volonté de Dieu/e [1]. Il fallait apprendre à lire leur présence à travers des petits signes, des traces et rappeler que Dieu/e avait créé hommes et femmes en toute égalité, tel qu’il est écrit dès les premières pages du livre de la Genèse.

Pourquoi une théologie et une exégèse féministes?

     Les femmes ont transformé la façon de faire de la théologie. Elles ont agi de telle sorte que ce ne soit plus uniquement une affaire d’hommes, une affaire de clercs. Des femmes détiennent maintenant des doctorats dans le champ de la théologie et des sciences religieuses. J’en ai répertorié plus de cent au Québec et au Canada français. Des femmes sont devenues très compétentes dans la théorie comme dans la pratique de la théologie et de l’exégèse. Elles ont apporté une façon différente de travailler les textes à cause des questions qu’elles se posaient. Elles se disaient en lisant certains textes bibliques : « Ça ne se peut pas que Dieu/e infériorise ainsi les femmes! » Après s’être formées en théologie et en études bibliques, elles se sont mises au travail pour traduire et interpréter des textes. Certaines biblistes ont développé des stratégies de travail dans leur recherche de sens de certains écrits bibliques.

Comment s’articulent-elles?

     Comment tout ceci s’est-il articulé? Les femmes chercheures dans ces domaines se sont mises à porter une attention particulière au fait que les auteurs des textes bibliques pouvaient avoir eu des idées préconçues, que ces présupposés avaient pu influencer leur façon d’écrire ce qu’ils voulaient transmettre et qu’il fallait les déceler pour comprendre le sens du texte. Elles ont également cherché à connaître l’influence qu’avaient eue les textes bibliques sur la légitimation de l’infériorisation des femmes. Elles ont ainsi pris conscience que certains textes bibliques étaient sources de discrimination envers les femmes et que ça ne devrait pas exister si la Bible est parole de Dieu/e [2]. Car ceux qui ont écrit la Bible, comme par la suite les exégètes, les biblistes, les professeurs et les prédicateurs, étaient jusqu’à très récemment des hommes et peu d’entre eux étaient sensibles à la question des femmes; ils avaient des présupposés induisant la supériorité des hommes. Les prédicateurs n’hésitaient pas, par exemple, à s’adresser à un groupe de femmes en disant : « Mes bien chers frères… » Et ceux qui reconnaissaient l’égalité des hommes et des femmes se centraient sur une complémentarité mal comprise qui, dans les faits, limitait les possibilités des femmes. On retrouve dans cette catégorie les nombreux textes figeant le rôle de la femme dans une fonction maternelle physique, psychologique et/ou spirituelle, fonction qui limite l’ouverture possible à l’ensemble des responsabilités dans l’institution ecclésiale.

     Les femmes théologiennes et exégètes ont donc peu à peu développé une attitude de soupçon devant les traductions des textes bibliques et ont adopté des stratégies pour provoquer des changements et faire évoluer la question. Elles se sont mises à l’œuvre pour retracer les mauvaises traductions ou les mauvaises interprétations issues du contexte patriarcal dans lequel elles avaient été produites.

     Elles ont ainsi adopté des stratégies visant à épurer le sens qui avait été donné jusque-là aux textes sans tenir compte alors du paramètre « femme ». Elles souhaitaient rejoindre la vérité des textes et en offrir une interprétation plus juste. J’en évoque quelques-unes [3]. Il s’agit d’abord de bien traduire le texte. Parfois, le texte original a un sens qui inclut les femmes et les hommes et les traductions privilégient le masculin; c’est souvent le cas lorsqu’on traduit du grec au français, par exemple. Cette situation contribue ainsi à rendre les femmes invisibles des textes, ce qui est une manière de les rendre invisibles dans la société et dans l’Église. Il est donc nécessaire d’être vigilants en ce qui a trait aux traductions. Il est également important de mettre l’accent sur les textes au pouvoir libérateur pour les femmes. Certains textes, par exemple, permettent de montrer le rôle important joué par des femmes à l’origine de la chrétienté. Il est donc utile d’aller chercher ces textes et d’attirer l’attention sur ces passages où les femmes sont représentées de façon dynamique; que l’on pense aux passages qui évoquent la Samaritaine, Marie de Magdala, Phœbé, par exemple. Rendre les femmes visibles là où elles sont sous-entendues dans les textes bibliques est une autre des stratégies à utiliser pour rendre justice aux femmes. Quand on parle de l’humanité, par exemple, on se doit de préciser s’il s’agit d’hommes et de femmes. Une autre stratégie consiste à voir au-delà de ce que le texte livre dans une première lecture, à le situer dans son contexte. Ainsi, l’ordre des noms a son importance dans la Bible et le fait que Prisca, collaboratrice de Paul, soit nommée avant son mari Aquila peut indiquer qu’elle aurait joué un rôle plus important que lui dans l’animation de la communauté. Il importe évidemment d’être vigilants pour éviter les interprétations fausses; par exemple, Marie Madeleine n’était pas une femme de mauvaise vie, telle qu’on nous l’a généralement présentée. J’y reviendrai plus loin.

     Comme vous pouvez le constater, cette façon de faire de la théologie et de l’exégèse en se préoccupant des femmes permet une meilleure compréhension des écrits bibliques. Connaître la façon dont la Bible a été écrite est déterminant pour sa compréhension.

[1] NDLR : L'orthographe du mot Dieu/e n'est pas ici une erreur mais une manière de refléter le fait que la divinité biblique n'est pas sexuée. Pour marquer cette altérité de la divinité et tenir compte des textes qui parlent de Dieu comme une mère, certains milieux féministes utilisent cette graphie.

[2] Sandra M. Schneiders. Le texte de la Rencontre (trad. : Jean-Claude Breton & Dominique Barrios-Delgado). Paris, Cerf, 1995 (1991 pour l'original).

[3] Ibidem.

Pauline Jacob

Suite de l'article :
2. Des femmes importantes de la Bible : Sara

Chronique précédente :
La Samaritaine : une femme hors norme

 

 

 

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