La reine de Saba , de la série Women of the Bible (photo © Dikla Laor).

La mystérieuse reine de Saba

Anne-Marie ChapleauAnne-Marie Chapleau | 6 septembre 2021

Un parfum de mystère flotte autour de  reine de Saba. Cela ajoute sans doute au charme de sa rencontre avec le fils de David qui lui a succédé sur le trône.

Lire 1 Rois 10, 1-13

Le roi Salomon est décrit dans la Bible comme le sage par excellence, capable d’extirper la vérité des situations les plus embrouillées, et comme le constructeur grandiose du fabuleux Temple de Jérusalem. Il lui fallait donc un interlocuteur à sa hauteur. Bien sûr, n’importe quel quidam pouvait s’extasier de sa gloire et de son pouvoir. Mais l’admiration des gens ordinaires n’aurait rien ajouté à son prestige. Or le texte cherche – mais pas seulement –  à donner de Salomon l’image du roi le plus éblouissant de toute la Bible, autant par sa sagesse que par ses richesses. En la reine de Saba, il trouve un témoin en mesure d’attester pleinement sa grandeur.

Un personnage « taillé sur mesure »

La reine de Saba est donc « taillée sur mesure » pour souligner toute la prestance de Salomon. Mais pas seulement…

Tout d’abord, elle semble venir de loin. Le texte reste vague à souhait au sujet du royaume sur lequel elle règne. La terre de Saba est-elle nichée quelque part du côté de l’Arabie? À vrai dire, cela importe peu. Le fait que la renommée de Salomon ait pu parvenir jusqu’à cet orient exotique dit bien sa puissance. Le fait que son écho retienne l’attention de la reine de Saba (v. 7) dit bien son pouvoir d’attraction. Salomon devient en quelque sorte une « merveille du monde » offerte à sa contemplation.

Salomon est sage? La reine de Saba se présente elle-même comme détentrice des énigmes les plus obscures. Elle les lui soumet –  les lecteurs que nous sommes éprouvent un moment de frustration de ne pouvoir eux-mêmes s’y mesurer – et aucune ne lui résiste. Il semble les élucider avec une facilité déconcertante.

Il est riche? Elle arrive pour sa part avec une suite nombreuse et des chameaux chargés de pierres précieuses et d’aromates de grande valeur. Si donc il réussit à lui en mettre plein la vue, c’est que son opulence dépasse vraiment l’entendement. Et le texte de montrer comment cette magnificence se déploie dans toutes les sphères de l’univers royal de Salomon (v. 4-5).

Alors, forcément, puisque c’est là le rôle que le texte lui a attribué – mais pas seulement – la reine de Saba exprime son émoi et son éblouissement devant de telles merveilles (v. 6-7).

Des interpellations sous forme de bénédictions

Mais elle n’en reste pas seulement là! Elle ajoute deux bénédictions. La première concerne les femmes et les serviteurs de Salomon, deux catégories de personnes souvent considérées comme quantité négligeable ou, du moins, reléguées à des rôles subalternes. Peut-être sont-ils mieux placés que l’élite du Royaume pour apprécier l’authenticité des paroles de sagesse que leur donne à entendre Salomon (v. 8), eux qui, quotidiennement placés en présence du roi, peuvent en percevoir la constance – ou pas. Cette bénédiction est, implicitement, une invitation faite à Salomon d’en demeurer digne, c’est-à-dire d’être toujours mû par la sagesse que lui a octroyée le Seigneur.

La seconde bénédiction est adressée au Seigneur Dieu dont Salomon demeure, malgré toutes ses richesses et sa gloire, le débiteur et le délégué. En effet, cette bénédiction rappelle à Salomon que sa royauté est un service, qu’il est sur le trône parce que le Seigneur Dieu aime Israël (v. 9) et que sa responsabilité à lui est « d’exercer le droit et la justice » (v. 9).

Salomon prêtera-t-il autant l’oreille aux derniers propos de sa visiteuse qu’à ses éloges? On n’en sait rien pour l’instant. Mais il aurait dû. La suite de son histoire montrera comment il oubliera tout à la fois le bien du peuple, la sagesse dont il était gratifié et le Seigneur Dieu lui-même.

Mais pour l’instant, les deux monarques se disent adieux en se comblant mutuellement des cadeaux les plus somptueux (v. 10.13).

Puis la reine rentre chez elle, toujours enveloppée de son voile de mystère.

Anne-Marie Chapleau est bibliste et professeure à l’Institut de formation théologique et pastorale de Chicoutimi (Québec).

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Au féminin

Lors du lancement de cette rubrique, trois femmes, fondatrices du groupe de recherche ECPB (Entre contes, psychanalyse et Bible) et vivant à Fribourg (Suisse), nous offraient une lecture symbolique qui jette un regard œcuménique et transdisciplinaire sur la Bible. Les textes plus récents mettent en valeur des personnages féminins de la Bible à partir d’œuvres d’art (Gertrude Crête et des artistes classiques) et de photographies de Dikla Laor.