Bénédiction maternelle

chronique du 17 janvier 2003

Bénédiction maternelle

Analyse : Le monde désaxé de M. Bush

La politique manichéenne américaine qui veut que l'on soit « d'accord avec George Bush ou contre lui » a brisé un certain ordre du monde et jeté le discrédit sur le concept même de droit international. Les 65 000 soldats américains déployés dans le Golfe avant même que les inspecteurs de l'ONU n'aient terminé leurs « expertises » en Irak, sont une preuve irrévocable du mépris de l'administration américaine pour le Droit.
: Analyse de Libération, Amina Talhimet, le 7 janvier 2003
Lire le livre de la Genèse18,1-16 et 21,1-7.

Chère grand-maman,

L'année 2003 s'ouvre sur des bruits de bottes et des sifflements de missiles, sans écarter les toujours possibles champignons nucléaires prêts à semer l'abomination de la désolation. Quelle bénédiction te demander à la veille d'une guerre plus que probable contre l'Irak qui entraînerait les peuples du monde dans une conflagration apocalyptique?

Au début de cette année, grand-mère Sara, j'ai rouvert l'album de famille et j'ai redécouvert ton rire, le rire le plus bouleversant de l'Histoire.

Sortie du pays des Chaldéens avec ton vieil Abraham, (au fait, Ur en Chaldée, c'est l'Irak! ), tu as traîné ta triste vie de désert en désert, comme tant de familles réfugiées qui se cherchent désespérément un coin de terre où survivre. Vous marchiez seuls, fatigués et vieux, guidés par l'étoile utopique d'une promesse.

Mais voilà que dans l'oasis, sous l'arbre de vie, un étranger est passé... mystérieux visiteur qui remue les entrailles de ton ventre stérile. Tu as ri, vieille Sara, tu t'es moquée à l'intérieur de la tente. « Elle est bien bonne; Sara connaîtra le plaisir avec son centenaire de mari! » Impossible? Drôle? Quand, au bout d'un an, l'invité est revenu, c'était pour célébrer la naissance d'un enfant né d'un impuissant et d'une stérile. Alors tu as éclaté de joie, tu as crié et tu as fait rire tout le monde.

Isaac - « il rira »! Chaque fois que tu as nommé ton petit, chaque fois que tu l'as appelé, grondé, guidé, tu t'es rappelé de ton rire. L'enfant du rire. L'enfant de l'Impossible.

Grand-maman Sara, que ta bénédiction nous transmette ton rire. Nous ne voulons pas d'une guerre impériale ni de conflits fratricides. Nous voulons que dans l'oasis « Terre » perdu dans le désert cosmique, dans ce jardin d'Éden que nous partageons, nos enfants puissent vivre insouciants et heureux et que leur rire fasse écho à celui d'Isaac - « il rira ». Transmets-nous, ô grand-mère des croyantes et des croyants, une joie acharnée et explosive alors que toute issue semble bouchée. Que ton rire traverse notre histoire et ses horreurs, un rire de résistance, de défiance, de foi et d'espérance têtue. Bénis-nous en cette année, grand-mère de l'Impossible et fais-nous rire. Rire contre Bush, Blair et Hussein, rire parce que l'Impossible paix finira par arriver. Rire, parce que sans joie, la vie n'est pas, tout simplement. Communique-nous une joie viscérale malgré tous les drames et toutes les tragédies. Un rire qui affirme la vie et la répand. Nous en aurons bien besoin, mère-grand!

Claude Lacaille

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