Le désastre causé par le tsunami pourrait-il marquer un point tournant pour le monde?

chronique du 7 janvier 2005

Le désastre causé par le tsunami pourrait-il marquer un point tournant pour le monde?

Une famille éprouvée par le désastre
(Mount Lavinia, Sri Lanka)

L'évangile de Luc raconte la découverte de Jésus dans une étable par de pauvres bergers; ainsi les chrétiens et chrétiennes de pays pauvres vivent-ils l'expérience de la foi. Ils découvrent Dieu au milieu de leurs pauvretés. Matthieu, pour sa part, présente l'histoire des mages venus adorer Jésus. Il décrit la longue quête de riches étrangers qui entrent dans la maison de Joseph et de Marie. Des puissants entrent dans la maison et se prosternent devant un petit enfant en ouvrant leurs trésors pour les partager. Les croyants et croyantes des pays riches, ferions bien de ruminer ce récit pour notre propre conversion.

Les mages entrent dans la maison d'un enfant. Ils se trouvent en présence de l'Emmanuel, Dieu-avec-nous. Il s'agit ici de la shekinah, la Présence divine, la gloire de YHVH. La maison devient le nouveau temple. « Ils s'inclinent et se prosternent devant lui ». Ce culte vécu dans la vie quotidienne fait appel à la justice. D'où le geste économique qui suit l'adoration : cette offrande marque un nouvel ordre économique. « Puis ils ouvrent leur trésors. Ils lui offrent des présents d'or, d'encens et de myrrhe. » Isaïe, au chapitre 58, identifiait déjà la justice à la religion authentique : « Le jeûne qui me plaît… c'est partager ton pain avec celui qui a faim, c'est ouvrir ta maison aux pauvres et aux déracinés, fournir un vêtement à ceux qui n'en ont pas, ne pas te détourner de celui qui est ton frère. Alors ce sera pour toi l'aube d'un jour nouveau. »

Dans la spiritualité juive, les dons sont des actes de justice et non des gestes de générosité. Le Généreux, c'est YHVH : il nous confie des biens pour que nous les destinions à qui en a besoin. On s'attend à ce que, en bons gérants, nous répartissions équitablement la richesse mondiale et non pas que nous donnions une part de nos surplus. Il est indécent de se pavaner devant les caméras et de rivaliser de générosité entre donateurs riches. Une surenchère de générosité permet à des politiciens soucieux de refaire leur image d'afficher des millions de dollars en aide humanitaire.

Il est bien évident que si les chefs d'États ont délié les cordons de la bourse lors du désastre en Asie du Sud-Est, c'est parce que les populations de leurs pays se sont mobilisées spontanément, touchées au fond du coeur par la compassion. L'humanité s'est sentie solidaire et unie autour de victimes jusque là très lointaines et inconnues. En nous déplaçant vers nos frères et soeurs affligés, en entreprenant la longue marche de la solidarité humaine, en suivant l'étoile qui mène à un monde nouveau, nous devrons changer notre manière de voir, notre manière de vivre. Sur le plan individuel et collectif, la question n'est pas d'abord ce que nous allons faire, mais ce dont nous allons nous défaire. Il est relativement facile de laisser tomber quelques dollars, mais sommes-nous prêts à laisser tomber notre style de vie et emprunter des chemins qui mènent à un monde plus juste? Le miracle se produira lorsque les pays riches se prosterneront devant ces enfants pauvres et ouvriront leurs trésors.

Selon le rapport de l'Unicef, un million d'enfants sont à risque dans le monde à cause de la guerre, de la pauvreté et de la faim, à cause de l'échec des gouvernements du monde; la moitié des enfants de la terre! Au Congo, en Haïti, au Darfour, en Irak, en Afghanistan, en Thaïlande, au Sri Lanka, au Canada… la longue file d'enfants abandonnés par l'humanité s'étire à l'infini. Une criante injustice ! Hérode continue de massacrer les petits de ce monde en investissant des milliards en armements. Il est temps de suivre l'étoile qui nous guide jusqu'à la maison de ces tout-petits.

Jésus appela un petit enfant, le plaça au milieu et leur dit : « Le plus grand dans le Royaume des cieux est celui qui s'abaisse et devient comme cet enfant. Et l'homme qui reçoit un enfant comme celui-ci par amour pour moi, me reçoit moi-même. Gardez-vous de mépriser l'un de ces petits ; je vous l'affirme, en effet, leurs anges se tiennent continuellement en présence de mon Père dans les cieux… votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu'un seul de ces petits se perde. » (Matthieu 18, 1-15)

Claude Lacaille

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