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Justice sociale
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chronique du 14 avril 2006
 

Étourderie irresponsable?
 

Harmeet Sooden et James Loney

Harmeet Sooden et James Loney (Photo AP)

Dans l’éditorial du Devoir du 25 mars 2006, l’action des militants des Christian Peacemaker Teams (CPT), James Loney et Harmeet Sooden était qualifiée d’étourderie irresponsable. Ces deux jeunes hommes venaient d’être libérés par leurs ravisseurs en Irak après avoir été pris en otage durant quatre longs mois. M. Dominique Boisvert, militant pacifiste québécois, réagissait ainsi :

Monsieur le directeur,

Dommage que le difficile et courageux travail en Irak comme ailleurs, ne vous paraisse qu'« étourderie irresponsable ». Car il s'agit au contraire du travail précurseur de « soldats de la paix », prêts (après mûre réflexion et en acceptant à l'avance l'entière responsabilité et les pires conséquences possibles) à risquer leur vie (tout comme nos soldats de la guerre, pour qui j'ai le plus grand respect même si je désapprouve leur approche militaire) pour rebâtir les ponts et la confiance dans les zones de conflit et jeter les bases d'une sécurité véritable et durable.

La guerre et la force militaire ont fait, à répétition, la preuve que si elles pouvaient parfois gagner les hostilités, elles ne pouvaient jamais vraiment gagner la paix. Notre monde a un urgent besoin de façons nouvelles d'assurer la sécurité contre toutes les violences, celles de la pauvreté comme celles du terrorisme. Et les militants de la non-violence, comme les CPT, font partie de cette avant-garde qui expérimente des manières alternatives d'affronter la spirale infernale de la cupidité, de la compétition et de la violence.

Évangile selon saint Marc 11, 15-19

Ils arrivèrent à Jérusalem. Il pénétra dans le Temple et se mit à chasser ceux qui, dans son enceinte, vendaient et achetaient. Il renversa les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de colombes. Il voulut même défendre qu’on traverse le Temple pour transporter des objets. Et il enseignait, disant à qui voulait l’entendre :
     N’est-il pas écrit :
« Ma maison sera appelée une maison de prière
pour toutes les nations païennes »?
Mais vous, vous en avez fait un repaire de brigands !
Les grands prêtres et les lettrés l’avaient entendu. Ils le craignaient, car son enseignement bouleversait les foules, et cherchaient comment le mettre à mort.
Quand il se fit tard, Jésus et ses disciples sortirent de la ville.

La Bible, Bayard et Médiaspaul

Commentaire

     Le dimanche avant Pâques, la liturgie nous présente les deux évènements les plus dramatiques de la vie de Jésus relatés par saint Marc. La destruction symbolique du temple de Jérusalem et la peine capitale que cette action lui méritera quelques jours plus tard, avant la Pâques, la fête de la naissance de son peuple libéré de l’oppression en Égypte aux temps de Moïse.

     J’ai découvert l’évangile, étant adolescent, à la lecture d’un livre du Père Thivollier : Le libérateur, vie de Jésus-Christ (Bloud & Gay, 1948). Tout en couleur, la page couverture nous montrait un Jésus en colère, un fouet à la main, pourchassant vendeurs et trafiquants au milieu d’un troupeau de bœufs et brebis effarouchés. Cette image, loin des Jésus doucereux et fardés, m’avait fortement interpellée et c’est ce Jésus que j’ai cherché à suivre toute ma vie.

     Ce jour-là, de façon préméditée, Jésus pénètre au centre du pouvoir, dans le sanctuaire d’Israël : là se trouve le Sénat de la nation, le sanhédrin composé des classes dirigeantes, du haut-clergé, des grands propriétaires. Les pouvoirs y étaient tous concentrés et sacralisés : législatif, exécutif, judiciaire et économique et religieux. Au temple de Jérusalem se trouvaient en effet la Cour suprême et le Trésor public gardé en sécurité sous les pieds de la divinité. Les grands prêtres avaient transformé la religion en un pouvoir sacré qui excluait quantité de pauvres et de pécheurs : un grand parvis accueillait pratiquement tous les impurs : mendiants, infirmes, étrangers, trafiquants, usuriers, vendeurs d’animaux pour les sacrifices. Puis on accédait à un parvis où les femmes israélites et leurs enfants avaient accès. À quelque mètre au-dessus, se trouvait le parvis des Israélites mâles, enfin face au sanctuaire sacré, le parvis des seuls prêtres. Dieu se trouvait ainsi enfoui au fond d’un temple, inaccessible au commun des mortels et contrôlé par un clergé corrompu. Le temple était à l’image de la société : exclusive et discriminatoire.

     Indigné, Jésus renverse symboliquement cette religion qui prétendait protéger Dieu des pauvres, des femmes, des malades, des pécheurs et des étrangers. Il entre en plein jour et pénètre avec la foule des Galiléens et Galiléennes qui l’ont suivi jusqu’au lieu des sacrifices qu’il interrompt. Il s’affronte avec autorité aux chefs des prêtres qui l’interpellent.

     Aujourd’hui encore se trouvent des hommes et des femmes en colère, indignés de voir ce que l’on fait aux pauvres, aux peuples opprimés, à la création tout entière. Je pense en ces jours à Monseigneur Romero, l’Archevêque de San Salvador, qui en pleine guerre civile a pris la défense des victimes, dénoncé le pouvoir en place, demandé au président des États-Unis de cesser de fournir des armes au gouvernement assassin de son pays. Romero a été assassiné parce qu’il s’était opposé publiquement à une guerre cruelle.

     Je pense à ces militants pacifistes qui au risque de leurs vies accompagnent les enfants palestiniens à l’école pour les protéger; à ces rabbins qui se couchent devant les bulldozers de l’armée israélienne qui avancent pour détruire une maison palestinienne. D’autres au Canada mènent une campagne pour s’opposer à la présence guerrière des militaires canadiens en Afghanistan.

     Je pense à ces otages qui viennent de passer quatre mois en captivité en Irak. Ces chrétiens sont allés se solidariser avec les victimes de la guerre en plein feu du conflit; ils sont des bâtisseurs de paix inspirés par Jésus, qui s’opposent à toute violence et refusent l’occupation militaire de l’Irak. L’un d’entre eux, un homme d’âge mur des États-Unis a été assassiné par ces ravisseurs. Il leur a pardonné avant de mourir. Les trois autres ont été libérés et sont retournés chez eux. La réaction des médias du Canada et de beaucoup de citoyens a été la suivante : « Ils ont couru après, a-t-on idée de se mettre dans de pareilles situations. » Le directeur du Devoir a même qualifié leur geste d’étourderie irresponsable.

     Accepter d’aller combattre, être prêts à tuer son semblable pour l’honneur de la patrie, faire la guerre et obéir à des ordres, ça donne des héros. Par contre, donner sa vie pour que le monde vive, donner sa vie pour la paix dans le monde, c’est étourdi et irresponsable!

     C’est aussi le jugement qu’on a porté sur Jésus: il soulève le peuple. Sa famille a dû le traiter d’étourdi et d’irresponsable. Il a dérangé les gens en place et cela était inacceptable. D’autant plus que ceux qui l’ont tué se revêtaient d’un masque de sainteté et prétendaient parler et agir au nom de Dieu. Comme l’Évangile est actuel!

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
Un monde sans pauvreté : Agissons!

 

 

 

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