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Justice sociale
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chronique du 26 novembre 2010

 

À quand une vraie démocratie ?

Marche mondiale des femmes à Rimouski

Marche mondiale des femmes à Rimouski

Impasse au Québec - Comment sortir de la crise de la corruption?

C'est fort gênant […] que le Québec d'aujourd'hui semble rivaliser avec les pires trous d'immoralité sur la planète. Les Québécois n'ont-ils pas bâti une administration intègre, professionnelle, soucieuse des lois? Or, à voir tant d'affaires scabreuses émerger de partout, le doute s'installe. Même une commission, qu'elle soit royale ou judiciaire, pourra-t-elle nettoyer une société que l'on dit si pourrie?

[…] Chose certaine, dans l’état présent des révélations et des suspicions, rien ni personne ne fera croire qu'on a nettoyé le Québec en évinçant de la scène publique un ou deux boucs émissaires [...]

Jean-Claude Leclerc, 22 novembre 2010 « Éthique et religion » dans Le Devoir.

Texte biblique

Devenu vieux, Samuel établit ses fils juges en Israël : l’aîné, nommé Yoël, et le cadet, Aviyyah, exercèrent à Beer-Sheva mais ils ne suivirent pas sa voie. Ils se laissèrent gagner au profit et acceptèrent des cadeaux et détournèrent le droit.

S’étant rassemblés, tous les anciens d’Israël vinrent à Rama dire à Samuel :
« Tu es vieux, maintenant,  et tes fils ne suivent pas ta voie. Donne-nous à présent un roi pour qu’il nous gouverne, comme dans toutes les autres nations.
Qu’ils aient parlé ainsi déplut à Samuel, qui se mit à prier Yhwh.

− Écoute la voix du peuple, dit Yhwh à Samuel. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi comme roi. Depuis le jour où je les ai fait monter d’Égypte jusqu’à aujourd’hui, ils ont toujours agi ainsi. Ils m’ont abandonné pour servir d’autres dieux. Et voilà, ils font de même avec toi. Écoute-les donc, maintenant, mais avertit-les bien : explique leur le droit du roi qui règnera sur eux.

Tout ce qu’avait dit Yhwh, Samuel le rapporta au peuple qui demandait un roi.
− Voici le droit du roi qui va régner sur vous, dit-il.
Vos fils, il les prendra et les affectera à son char et à ses chevaux. Ils courront devant son char. Il en fera des chefs de mille et des chefs de cinquante. Il leur fera faire ses labours et ses moissons, fabriquer ses armes de guerre et les équipements de son char.
Vos filles, il les prendra comme parfumeuses, cuisinières, boulangères.
Le meilleur de vos champs, de vos vignes et de vos oliviers, il le prendra pour le remettre à ses serviteurs.
Il prélèvera le dixième de votre bétail.
Et de vous, il fera ses esclaves.
Ce jour-là, vous vous plaindrez de ce roi que vous vous serez choisi, mais ce jour-là Yhwh ne vous répondra pas.

Le peuple refusa d’écouter Samuel.
− Non, dit-il, nous aurons un roi. Nous serons, nous aussi, comme les autres nations. Notre roi nous gouvernera, mènera nos expéditions et se battra avec nous.
Prenant acte de ces paroles, Samuel les rapporta à Yhwh.
− Écoute-les donc, lui dit Yhwh, donne-leur un roi.
− Que chacun s’en aille dans sa ville, dit Samuel aux gens d’Israël.

1 Samuel 8

Commentaire

     Périodiquement, tant au Québec qu’ailleurs dans le monde, les scandales provoquent une réaction populaire de dégoût et un grand ménage est réclamé. Corruption et collusion, ces crimes se font avec la complicité des pouvoirs en place, par copinage, amitiés, obligations sociales. Les corrupteurs maintiennent-ils les corrompus dans la peur et la loi du silence s’impose à tous. La crise revient périodiquement, car la corruption est endémique et liée au pouvoir centralisé, à l’appareil de l’état, quelque soit l’idéologie.

Non au pouvoir centralisé !

     Le peuple d’Israël débute son histoire par une alliance avec un Dieu qui libère les opprimés. « Je suis Yhwh, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison des asservis ! Il n’y aura pas pour toi d’autres dieux devant ma face. » (Exode 20,2) À l’avenir, les Hébreux ne devront pas reproduire le système qui les maintenait jadis dans la servitude. Aussi, quand le peuple demande au prophète de lui donner un roi pour le gouverner, Samuel est révolté. Installer la monarchie, avec son pouvoir absolu, un état centralisé, militariste, patriarcal, despotique et prédateur était une offense à la souveraineté de Dieu. La mise en garde de Samuel dans ce chapitre 8 est on ne peut plus claire. Si le peuple se donne un roi, il perdra sa liberté.

     Salomon, le véritable artisan du nouvel état, construira un palais et un temple dans sa capitale pour légitimer son immense pouvoir et lui donner un caractère sacré. Les prêtres de son temple auront pour fonction de faire croire que tout ce que le roi veut, Dieu le veut. Le jour de l’intronisation du roi, on chantait le psaume 2 : « Dieu dit : À Sion, la montagne qui m’est consacrée, j’ai consacré le roi que j’ai choisi. » Laissez-moi citer le décret du Seigneur ; il m’a déclaré : « C’est toi qui es mon fils. À partir d’aujourd’hui, c’est moi qui suis ton père. Si tu me demandes toutes les nations, je te les donnerai en propriété ; ton domaine s’étendra jusqu’au bout du monde. Tu les maîtriseras avec une autorité de fer, tu pourras les briser comme un pot d’argile. » Le palais et le temple sont devenus la maison même de Dieu. Dieu n’habitait désormais plus au milieu de son peuple! La théologie de la monarchie fera du roi le messie de Dieu, l’Oint, le consacré à qui il faut obéir parce qu’il est fils de Dieu. Les prêtres serviront alors le pouvoir et constitueront une élite au service de l’état oppresseur avec les militaires et les hauts fonctionnaires.

     Aujourd’hui, l’état est devenu une machine centralisatrice où tout se décide dans les bureaux feutrés des ministères et dans des institutions et lobbies non-élus : pétrolières, FMI, Banque mondiale, ALENA, etc. Les régions sont laissées à elles-mêmes et on ne s’intéresse qu’aux ressources naturelles tout en diminuant les services à la population. On réalise des fusions et crée des organismes bureaucratiques de plus en plus gros et complexes. Les gens sont complètement maintenus à l’écart des décisions qui se prennent en leur nom. La corruption s’installe dans les coulisses du pouvoir et la population doit payer beaucoup trop cher les services auxquels elle a droit. La seule manière de venir à bout de cela, c’est que le peuple reprenne la parole et le pouvoir réel, de façon décentralisée. Les citoyennes et les citoyens doivent participer effectivement aux décisions pour fixer les règles de l’organisation sociale. Le capitalisme est antidémocratique, car il soumet les gouvernements et les peuples aux lois du marché et du profit et élimine la possibilité de décider dans le sens du bien commun. 

Un pouvoir décentralisé et participatif

     Durant plus de deux siècles, avant David, Israël fut une coalition de tribus libres, vivant en marge des royaumes de Canaan, dans la frange du désert ou dans les montagnes. Ces tribus vivaient d’une économie de subsistance en toute autonomie et liberté. La terre appartenait à Dieu et se cultivait communautairement. Les décisions étaient prises en assemblées générales paysannes sous la direction des anciens. Les tribus de Yhwh renouvelaient chaque année une alliance de solidarité entre elles : si l’une d’elle était affectée par la famine, les autres lui venaient en aide. En cas d’attaque ennemie, toutes venaient à sa rescousse ; il n’y avait pas d’armée. Dieu était l’unique autorité suprême et personne ne devait s’emparer de ce poste. Les tribus d’Israël n’étaient pas un peuple comme tous les autres peuples alentour lesquels étaient asservis à un roi.  En Israël, on ne faisait pas vivre une élite parasitaire et il n’y avait pas de corvées ni de travaux forcés.

     Le rôle des prophètes durant toute la période monarchique sera de dénoncer les abus commis au nom du Dieu d’Israël. Ils disent non au pouvoir centralisé. Ils garderont l’idéal du temps où il n’y avait pas de rois en Israël ; une espèce de paradis originel. Dans la lignée de ces prédécesseurs, Jésus refusera la royauté. Au contraire, il rêvera de rétablir par la symbolique de ses douze envoyés, une communauté de communautés sans roi, avec les pauvres, les malades, les personnes exclues et impures. Il a misé sur la dignité des petits et les a conviés à reconstituer l’Israël égalitaire des tribus, hors des schémas de pureté et des cadres légalistes de la religion.  Il a fondé sa communauté sur le partage du pain et des biens, sans distinction de sexes, de hiérarchies ou de classes sociales. « Parmi eux, personne ne manque de rien » (Actes 4,34). C’est ainsi que ses disciples ont constitué des communautés domestiques dans les périphéries des grandes villes de l’empire romain, des communautés qui partageaient entre Juifs et Non-Juifs, hommes et femmes, esclaves et libres, adultes et petits enfants. Dans chacune des ses assemblées domestiques présidées par les maîtres de maison, homme ou femme, on désavouait dans les faits le modèle de société dominant basé sur la richesse et le pouvoir. Ces églises domestiques donnaient la possibilité aux esclaves, aux femmes, aux migrants, aux non-citoyens d’appartenir à une communauté en toute dignité et de se tenir debout.

     Malheureusement, on a vite oublié Jésus et son projet de société décentralisée où les plus petits sont au centre. On a édifié des temples, on s’est acoquiné aux puissants et aux riches et l’on s’est installé confortablement dans une société centralisée, tout près du pouvoir. Les réformateurs n’ont pas manqué qui ont voulu revenir au rêve de Jésus, comme François d’Assise à la naissance de la bourgeoisie commerciale. Aujourd’hui, les églises ont fait leur lit au sein du capitalisme prédateur et les croyants et croyantes qui osent s’ériger contre ce système global sont marginalisés.

À quand une vraie démocratie ?

     Devant l’avalanche de nouvelles de corruption, on finit par penser qu’« ils sont tous des pourris » et cela a pour but justement de faire décrocher les citoyennes et les citoyens du politique. Dans ce contexte, il faut garder notre mémoire vive. Les Québécoises et les Québécois ne dorment pas au gaz, au contraire. À Rimouski en octobre, 10 000 personnes se sont mobilisées pour la marche mondiale des femmes. On a fait reculer le gouvernement sur la privatisation du mont Orford, sur le projet de centrale au gaz du Suroît, sur le dégel des frais de scolarité en 2006, et le projet gouvernemental des gaz de schistes est présentement déconcerté par l’implication citoyenne. Mais n’oublions pas que les organisations et mouvements sociaux ainsi que les églises ont un devoir d’innovation démocratique. Il faut commencer par faire entrer à larges flots la démocratie dans nos pratiques et en faire des foyers de démocratie en acte si nous voulons être crédibles.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Pour se sortir du trou : la foi et la solidarité

 

 

 

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