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Justice sociale
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chronique du 19 avril 2013

 

La création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement (Rm 8,22)

L’exploitation des sables bitumineux de l'Alberta

L’exploitation des sables bitumineux de l'Alberta (photo : Greenpeace Canada)

Au début d’avril 2013, à Montréal, le ministre des ressources naturelles du Canada, Joe Oliver, appuyait sans limite l’exploitation des sables bitumineux qu’il déclarait « pas plus corrosifs que d’autres pétroles » et qualifiait d’exagérées les menaces climatiques qu’on leur impute. Une autruche qui se met la tête dans le sable !

     En octobre 2012, le gouvernement conservateur déposait à la Chambre des communes le projet de loi mammouth C-45 de 457 pages. Dans cette jungle de réformes, on restreint les évaluations environnementales aux très grands projets. Seuls les poissons ayant une importance commerciale sont protégés. 99% des eaux des lacs et des rivières ne sont plus protégées et les droits ancestraux des peuples autochtones sont ignorés. Bref, on pave une route royale aux minières et aux pétrolières.

     Le maintien du plan Nord  au Québec, les projets d’extraction de pétrole à Anticosti et du gaz de schiste à Gaspé, le harnachement de la Romaine, tout cela dénote un manque de vision à long terme et une inconscience crasse de l’urgence d’agir de la part des gouvernements.

« La planète est confrontée à la sixième extinction massive de la vie, aujourd’hui non pas par le fait d’un astéroïde, mais par celui de l’être humain lui-même. Avec son système de vie, il s’est converti de fait en une force géologique destructrice de la biodiversité à un rythme mille fois plus grand qu’avant l’apparition de l’être humain. Avec la pollution atmosphérique nous sommes en train de provoquer un réchauffement planétaire – c’est maintenant presque assuré – de plus de ces 3°C, considérés comme le point limite dont la transgression déchaînera un chaos irréversible qui exterminera massivement la vie et l’humanité elle-même. » [1]

La nature au service de l’homme?

     La Bible présente généralement une vision de la nature centrée sur l’être humain : « Qu’est-ce que l’homme?... Tu l’as fait presque dieu, tu l’as couvert d’importance et d’éclat. » (Psaume 8,5-6) Dans l’Éden, « Dieu crée l’adam [2] à son image, le crée à l’image de Dieu, les crée mâle et femelle. Dieu les bénit et leur dit : à vous d’être féconds et multiples, de remplir la terre, de conquérir la terre, de commander au poisson de la mer, à l’oiseau du ciel, à toute les petites bêtes ras du sol. » (Genèse 1,27-28). Dans la Bible, la nature est le plus souvent présentée comme une ressource pour l’homme. Cette vision du monde y est pour beaucoup dans la façon de voir la terre comme une mine de ressources à exploiter pour l’enrichissement. Mais le livre de Job nous offre une autre vision, plus écologique et pas du tout anthropocentrique. [3]

Les récriminations de Job et sa conversion

     Job cherche à comprendre pourquoi lui qui fut juste a été ainsi frappé si durement par la vie. Il est indigné et vit sa déchéance comme une injustice. Cette réclamation, nous l’entendons souvent dans la bouche de personnes chères : « elle n’a pas mérité ça », dira-t-on d’une bonne personne victime d’un cancer foudroyant. « Pourquoi ça m’arrive à moi? Qu’est-ce que Dieu a à s’acharner contre moi? » Oui, c’est vrai que la vie est parfois très dure, insupportable même. «  Pourquoi donner la mort à des souffrants, la vie à des êtres amers? », demande Job. (Job 3,20) Sa revendication s’étend sur 37 longs chapitres et ses amis théologisent, ergotent sur la souffrance, sans parvenir à trouver des réponses satisfaisantes.

     Ce n’est qu’au terme de ses protestations que Dieu lui apporte une réponse déroutante. La justice du Créateur s’étend à toute la création, pas seulement à l’espèce humaine. Dieu  se lance dans une description poétique du cosmos : les bases de la terre, les limites de la mer, les abimes; puis les chemins de la lumière et des ténèbres, la neige, la grêle, la pluie et la rosée ainsi que les étoiles. Il passe ensuite à décrire en détail les animaux sauvages : lions, corbeaux, chèvres des montagnes, ânes sauvages, buffles indomptables, autruches véloces, chevaux fringants et aigles au regard perçant. On dirait un cours de sciences naturelles! Dieu déborde d’enthousiasme en parlant du cosmos! Nulle part, il ne mentionne l’adam.

     Dieu invite à ne pas limiter sa justice à la civilisation humaine. Quand Job résume son plaidoyer au chapitre 29, il décrit le temps où il était heureux : « J’étais vêtu du vêtement de la justice… j’étais les yeux des aveugles, j’étais un père pour les pauvres… on m’écoutait, on espérait; tous se taisaient pour entendre mes suggestions… je siégeais à leur tête, je logeais comme un roi au milieu de la foule pour apporter le réconfort aux endeuillés. » Or dans sa réponse, Dieu qui ne remet pas en question la droiture de Job, amène celui-ci à comprendre que la sagesse divine voit beaucoup plus large que la condition humaine.

     L’univers aurait quelques 13 milliards d’années! Nous n’avons qu’à nous comparer au cosmos, regarder les étoiles au planétarium, pour nous rendre compte que nous sommes des êtres infiniment petits. Notre terre est une poussière d’étoile perdue dans l’infinité de la matière. Nous faisons parti de ce grand tout qu’est le cosmos. Pendant que nous nous entretuons dans nos guerres stupides, les corbeaux continuent à chercher l’aliment pour leurs oisillons; les chèvres des montagnes ne cessent de s’accoupler et de mettre bas et des millions de galaxies poursuivent leur route. La vie continue, toujours aussi merveilleuse et débordante. Voyant défiler ainsi toute la création, Job prend conscience de ce règne de Dieu dans le cosmos. La création déploie un pouvoir créatif constant, qui réagit et défie toutes les catastrophes et toutes les aberrations. Le Régime de Dieu veille sur la vie de tous les peuples de la terre et sur le droit de toute créature d’exister dans sa complexité et sa variété. Job vient de découvrir la solidarité avec la création, comme François d’Assise longtemps après lui. Dieu n’est pas hors du cosmos, il en est le Souffle qui le maintient dans l’existence.

« Nous ne cesserons pas de détruire la nature tant que nous n’acquerrons pas la conviction religieuse que nous en faisons partie. La majeure partie de nos religions et quelques unes de nos théologies maintiennent encore le divin et le sacré confinés dans ce qu’on appelle «transcendance », concevant Dieu comme « theos », comme un «Seigneur» là en dehors, là-haut, laissant ce monde privé de divinité et même de sacralité, et assoiffé de ré-enchantement. » [4]

La création est notre responsabilité

     La théologienne brésilienne Ivone Gebara affirme que ce qui importe maintenant n’est pas de savoir quand tout cela a-t-il commencé ou comment cela s’est-il produit. « Ce qui importe, c’est qu’aujourd’hui encore nous sommes au commencement, créant toujours tout de nouveau… Le problème, c’est que nous pensons que le commencement est loin de nous… La création, ajoute-t-elle est en grande partie notre responsabilité, parce que nous sommes en un certain sens, la pensée de la création. Nous avons en nous la force mystérieuse du Souffle présent dans tout ce qui existe et en tout ce que nous faisons. » [5]

     En janvier 2013, le chef Brillante Tortue de la nation Whitefish River lançait aux Canadiennes et aux Canadiens l’invitation suivante :

Travaillons ensemble, pour assurer le respect de la terre, de l’eau et des autres créatures sœurs. Travaillons ensemble pour honorer l’alliance sacrée de notre relation les uns avec les autres. Travaillons ensemble avec créativité, de façon pacifique et ferme, afin de pousser nos gouvernements à rejeter ou à amender les lois récentes qui blessent et la terre, et nous tous. Unissons-nous dans la ronde du respect mutuel et de la révérence à la terre.

 

[1] Pour un Agenda de travail pour la théologie planétaire, Commission Internationale Théologique de l' EATWOT/ASETT  http://internationaltheologicalcommission.org/VOICES/VOICES-2012-3&4.pdf

[2] Adamah : terre rouge;  adam signifie l’être de terre, le  « terreux » comme le désigne André Chouraqui dans sa traduction de la Bible.

[3] Je me suis inspiré pour cette partie d’un article de Leif E. Vaage de Toronto, intitulé « Desde la tormenta : el gemido de la creación y la respuesta de Dios a Job. (RIBLA 1995, San José de Costa Rica, p. 73).

[4] Pour un Agenda de travail pour la théologie planétaire, ibid.

[5] El gemido de la creación et nuestros gemidos, RIBLA 1995 id, p. 35-40.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
Quand Pierre ne s’appelait pas encore Sa Sainteté!

 

 

 

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