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Justice sociale
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chronique du 16 octobre 2015

 

C’est à cause de la dureté de votre cœur…

CNS

National Catholic Reporter, 7 octobre 2015 (CNS/Paul Haring)


Jésus se leva et partit vers la frontière de la Judée, de l’autre côté du Jourdain. À nouveau, des foules allaient vers lui et, à nouveau, comme d’habitude, il les instruisait. Des Séparés s’approchèrent et, pour le mettre à l’épreuve, lui demandèrent s’il est permis à un mari de renvoyer sa femme. Il leur répondit :

  • Que vous a commandé Moïse?

  • Il l’a permis, à condition d’écrire une lettre de répudiation.

Jésus leur dit :

  • C’est pour tenir compte de votre dureté de cœur qu’il a écris ce commandement. Mais, à l’origine de la création : « Il les fit homme et femme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et restera uni à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. », en sorte qu’ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc ce que Dieu a attelé sous le même joug, que l’homme ne le sépare pas!

Et quand, à la maison, les disciples l’interrogèrent de nouveau à ce sujet, il précisa :

Un homme qui répudie sa femme et en épouse une autre trahit sa première femme. Et une femme qui répudie son mari et épouse un autre homme commet aussi une trahison. (Marc 10, 1-12)

Deux textes bibliques en contradiction

     En ce mois d’octobre, le pape a convoqué la deuxième session du synode sur la famille qu’il considère à juste titre comme la base de toute société. Y sont discutés les grands enjeux vécus par les couples et les familles, dont la possibilité d’accueillir dans l’Église les personnes divorcées et remariées. Voyons si le texte de l’évangile de Marc 10,1-12 peut nous orienter sur cette question. Il nous montre Jésus en une âpre dispute avec les leaders religieux précisément sur la question du divorce. Jésus qui ne prend pas les textes sacrés au pied de la lettre, met en contradiction deux textes de la bible. La Genèse place l’homme et la femme comme compagnon et compagne en partenariat : « C’est pourquoi l’homme quittera père et mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviendront tous deux un seul être. » (Gn 1,27 et 2,24) Jésus dit s’en tenir nettement à ce texte plutôt qu’à cet autre, attribué à Moïse dans le Deutéronome (24,1), qui se lit comme suit : « Supposons qu’un homme épouse une femme, mais qu’un jour elle cesse de lui plaire, car il a quelque chose à lui reprocher. Il rédige alors une attestation de divorce, il la lui remet et la renvoie chez elle. » Jésus dénonce ici la dureté du cœur des hommes.

     Ce texte de Marc ne peut pas répondre aux questions complexes que le synode veut aborder. Il est tout simplement une défense des femmes de son époque face à un système patriarcal macho, qui traitait la femme comme un simple objet, un élément du patrimoine. Pensons à l’ahurissante formulation du dixième commandement de Moïse : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain; tu n’envieras rien de ce qui appartient à ton prochain, ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf ni son âne. » (Dt. 5,22) La femme fait partie des biens meubles du mâle dominant!

Dieu ne nous abandonne jamais

     Pas besoin d’aller loin pour réaliser que cette bataille de l’égalité et de l’équité est loin d’être terminée sur terre et chez nous en particulier. Le mariage, dit la Genèse, est un engagement entre deux personnes égales, compagne et compagnon dans le but de former une famille féconde. Aucun être humain ayant vécu avec une autre personne l’expérience d’être une seule chair ne mettra en doute la tragédie que signifie un divorce. Dans son discours à Philadelphie, François déclarait : « Les familles parfaites n’existent pas. Cela ne doit pas nous décourager. Tout au contraire ! […] Les problèmes, sont une opportunité pour chercher de l’aide, une opportunité pour nous demander en quoi nous avons besoin de nous améliorer, une opportunité pour découvrir le Dieu qui est avec nous et qui ne nous abandonne jamais. Nous savons que les erreurs, les problèmes, les conflits sont une occasion de nous approcher les uns des autres, de nous approcher de Dieu. »

     Au temps de Jésus, les unions duraient quelques années; l’espérance de vie n’atteignait pas 40 ans. Entre le  16e et le 19e siècle, les unions duraient en moyenne 12 et 15 ans. Aujourd’hui, nous célébrons régulièrement des 60e et 70e anniversaires de mariage. Pourtant un couple sur deux environ subit un ou des échecs amoureux durant sa vie.  En  conséquence, « le divorce est le lot commun de tous et toutes, catholiques ou pas, notre lot, celui de nos frères et sœurs, de nos enfants, de nos parents... Et de nouvelles unions se forment et tentent de réussir ce que la précédente avait raté. » [1]

     Est-ce qu’on peut apporter des changements dans ce domaine? D’abord, le texte de Marc condamne la dureté de cœur des hommes face à la femme, condamne l’oppression des femmes. Or le synode est composé de 279 hommes célibataires  (cardinaux, évêques, prêtres) qui siègent à huis clos, seuls à avoir droit de vote. La plupart de ces hommes religieux ont quitté leur famille à l’âge de 14 ans! Un groupe de laïcs y assiste comme simples auditeurs; dix-sept couples mariés et quelques supérieures de communautés religieuses sont parmi les observateurs. Elles et ils sont là pour écouter! Voici où le bât blesse. Le Canon 129 du Code de droit canonique, rédigé par le cardinal Ratzinger en 1983, spécifie que les laïcs peuvent coopérer, mais non pas partager la juridiction de la gouvernance dans l’Église. Cela est réservé aux personnes « ordonnées » [2]. Quand pourrons-nous enfin discuter librement des problèmes qui affectent les familles avec ceux et celles qui forment ces familles et ces couples? Et qu’en est-il de l’Église, peuple de Dieu en marche, définie par le Concile Vatican II?

L’échec fait partie de nos vies

     L’échec ne fait-il pas partie de nos apprentissages de la vie? Si quelqu’un vit un échec, doit-il ou doit-elle être excommunié, exclus de la communauté pour toujours, considéré comme pécheur, pécheresse publique? Cela ne contredit-il pas totalement la pratique de Jésus : « Va en paix, moi non plus je ne condamnerai pas. » Dans le sermon sur la montagne, Jésus nous ordonne de ne pas juger : « Ne jugez pas si vous ne voulez pas être jugés. » L’avons-nous oublié? Le seul juge, c’est lui!

     Le pape veut des changements, mais il fait face à beaucoup d’obstruction d’hommes au cœur endurci. Rusé jésuite, François a ouvert discrètement une petite porte : dans un texte qu’on appelle Motu propio [3], il a récemment simplifié et facilité les procédures pour l’annulation des mariages, lesquelles seront désormais gratuites. « La charité et la miséricorde exigent que l’Église comme mère se rapproche de ses enfants qui s’en considèrent séparés. » Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir, car les familles et les couples sont très variés dans leur composition : familles monoparentales, homoparentalité, familles reconstituées, couples homosexuels, etc. Au lieu de nous enfermer dans une lecture fondamentaliste de ces questions, regardons agir Jésus avec les gens de son temps et cherchons à y découvrir son esprit. Car le Souffle de Jésus doit nous habiter. La lettre tue, le Souffle fait vivre.

     Souhaitons que le Seigneur Jésus, juge de tendresse, saura attendrir le cœur des hommes pour que dans son Église, hommes et femmes soient des partenaires à part égale selon le désir du Créateur. Car à cause de la dureté de notre cœur,  cette discrimination persiste parmi nous.

[1] Chronique de Phyllis Zagano dans le National Catholic Reporter, « Where the Boys Are », 7 octobre 2015.

[2] Christiane Pédotti, blogue du 26 septembre 2015

[3] Mitis Judex Dominus Jesus (Le Seigneur Jésus, juge de tendresse) du pape François, le 8 septembre 2015.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
Ce que femme veut, Dieu le veut

 

 

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