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Justice sociale
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chronique du 22 janvier 2016

 

Le baptême? Tout un plongeon!

Le fleuve de vie

Jeanne Vanasse
Le fleuve de vie, 2012
acrylique et feuilles d'or 23 kts, 51 x 61 cm
(photo : Gilles Rioux)


C'était la quinzième année du règne de l'empereur Tibère; Ponce- Pilate était gouverneur de Judée, Hérode régnait sur la Galilée et son frère Philippe sur le territoire de l'Iturée et de la Trachonitide, Lysanias régnait sur l'Abilène,  Hanne et Caïphe étaient grands-prêtres.

La parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert.  Jean se mit à parcourir toute la région voisine de la rivière, le Jourdain. Il lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. »

Ainsi arriva ce que le prophète Ésaïe avait écrit dans son livre :
« Un homme crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits !  Toute vallée sera comblée,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les courbes de la route seront redressées,
les chemins en mauvais état seront égalisés.

Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. »

Une foule de gens venaient à Jean pour qu'il les baptise. Il leur disait : « Bande de serpents ! Qui vous a enseigné à vouloir échapper au jugement divin, qui est proche ?  Montrez par des actes que vous avez changé de mentalité et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : «Abraham est notre ancêtre.» Car je vous déclare que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des descendants d'Abraham !  La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. »

Les gens lui demandaient : « Que devons-nous donc faire ? »  Il leur répondit : « Celui qui a deux chemises doit en donner une à celui qui n'en a pas et celui qui a de quoi manger doit partager. »
Des collecteurs d'impôts vinrent aussi pour être baptisés et demandèrent à Jean : « Maître, que devons-nous faire ? »  Il leur répondit : « Ne faites pas payer plus que ce qui vous a été indiqué. »
Des soldats lui demandèrent également : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur dit : « Ne prenez d'argent à personne par la force ou en portant de fausses accusations, mais contentez-vous de votre solde. »

Le peuple attendait, plein d'espoir : chacun pensait que Jean était peut-être le Messie.  Jean leur dit alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais celui qui vient est plus puissant que moi : je ne suis pas même digne de délier la courroie de ses sandales. Il vous baptisera avec le Saint-Esprit et avec du feu.  Il tient en sa main la pelle à vanner pour séparer le grain de la paille. Il amassera le grain dans son grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. »

C'est en leur adressant beaucoup d'autres appels encore que Jean annonçait la Bonne Nouvelle au peuple.  Cependant Jean fit des reproches à Hérode, qui régnait sur la Galilée, parce qu'il avait épousé Hérodiade, la femme de son frère, et parce qu'il avait commis beaucoup d'autres mauvaises actions.  Alors Hérode commit une mauvaise action de plus : il fit mettre Jean en prison.

Après que tout le monde eut été baptisé, Jésus fut aussi baptisé. Pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit  et le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix se fit entendre du ciel : « Tu es mon Fils bien-aimé ; je mets en toi toute ma joie. »

Évangile de Luc 3, 1-22

     Depuis le concile Vatican II, on a voulu mettre le peuple de Dieu en contact avec la Bible. Pour ce faire, on a préparé un lectionnaire du dimanche contenant les lectures proposées durant les célébrations eucharistiques. Chaque dimanche comprend un passage de l’Ancien Testament, un Psaume, un extrait d’une épitre et un passage d’un évangile. L’intention de donner accès à une plus grande variété de textes bibliques était louable, mais il semble que les liturgistes ont eu les yeux plus grands que la panse. Tant de textes lus durant une messe qui ne doit pas dépasser 45 minutes, débités sans explications, risquent de rebuter les quelques fidèles qui assistent encore à nos célébrations.

     La période liturgique de Noël se terminait cette année par le baptême du Christ. Comme bibliste, j’ai été très étonné et choqué de constater que seuls quatre petits versets de ce chapitre 3 de Luc étaient proposés à la méditation des fidèles : ils sont en caractères gras (voir plus haut) pour bien les situer. En langage liturgique, cela s’appelle une péricope, un mot grec qui signifie « découpage ».  Personnellement, je trouve peu sérieux que l’on ose découper un texte de 545 mots pour n’en retenir que 118.  Il en résulte une impossibilité de bien comprendre le message de l’auteur, Luc en l’occurrence. Ce procédé est paternaliste : servir au bon peuple peu instruit des choses divines, un bouillon de poulet pour l’âme afin de réchauffer le cœur et remonter le moral.  Les homélies de ce jour portent sur l’importance du rituel du baptême, de la conversion personnelle et de l’intégration à la communauté. Les textes de la liturgie visent à donner du sens au rituel du baptême, une belle cérémonie pour bébés très émouvante, suivie au début du primaire par une première communion qui sera souvent la dernière. Est-ce vraiment ce dont nous parle Luc ?

Le texte, étapes par étapes

     Luc commence d’abord par nous dire dans quel contexte politique Jean baptise dans le Jourdain autour de l’an 28. C’est la quinzième année de la dictature de Tibère César à Rome ; l’occupation de la Palestine dure depuis 91 ans et semble vouloir durer éternellement ; Ponce-Pilate gouverne la colonie dans le sang (Lc 13,1), le tyran Hérode, allié de Rome, règne en Galilée (Lc 13,31). La population est opprimée par les lourds impôts et la violence des militaires. Les paysans ont vu leurs terres expropriées par les grands propriétaires terriens. Les chefs religieux fourbes et ambitieux, nommés par l’occupant, Caïphe et Hanne, ainsi que leur parti des Saducéens, élèvent le bétail destiné au temple et laissent les paysans sans terres et des conditions de grande précarité. On a fait du sanctuaire juif une caverne de bandits. Il faut que ca change!

     On ne peut relire ce récit sans nous situer aujourd’hui dans le contexte politique international. L’empire étasunien qui mène le monde avec ses alliés de l’OTAN font la guerre en Afghanistan, en Irak, en Lybie, en Syrie. La Chine devient la manufacture de toute la planète et conquiert de plus en plus de marchés dans les plates-bandes de ses rivaux européens et américains : l’Afrique voit ses richesses immenses convoitées et se trouve secouée par la violence. Les multinationales, comme des rapaces, sèment l’injustice, l’inégalité et la corruption pour accaparer les ressources partout. La mondialisation capitaliste triomphe et impose la religion du marché. La pauvreté est galopante et les réfugiés s’enfuient pas millions sur les routes et sur la mer. Le terrorisme menace la sécurité des nations. Il faut que ça change!

     Jean est fils de Zacharie, prêtre du temple à Jérusalem ; il est donc lui-même de la tribu sacerdotale et devrait exercer son office au sanctuaire. Mais Jean a fui Jérusalem et est retournée prêcher au Jourdain, là où jadis, le peuple avait pénétré dans la Terre Promise, cette terre où coulaient le lait et le miel. Pour Jean, il faut recommencer à neuf ; il invite tout le peuple à retraverser le Jourdain. Il faut rebâtir une société nouvelle sur la justice. « Changez de mentalité, virez-vous de bord, sinon vous allez tous périr. Il est temps d’un revirement de situation. Redressez les chemins, aplanissez les obstacles, détruisez vos frontières et vos murs de séparation, laissez passer mes peuples. La terre est pour tous et toutes. Bande de croches, de serpents, de sournois, vous dites : « Nous sommes des fils et filles d’Abraham, des juifs, des chrétiens, des musulmans… »… Ça ne veut absolument rien dire, ça ne change rien du tout. La hache est prête à abattre le grand arbre de votre civilisation. C’est le message de Jean et ce sera celui de Jésus. Un message subversif.

Un revirement?

     Que faut-il faire? Jean nous dirait : partagez vos biens, cessez d’accumuler, sortez de vos centres d’achat, arrêtez votre course à la consommation, cessez de détruire la terre, l’air et l’eau, changez vos comportements. Aux fonctionnaires, le prophète rappelle : exigez des impôts de façon juste et mettez fin à la collusion et la corruption. Cessez de voler le bien commun. À ceux qui font la guerre, il dit : Ne tuez pas, défendez la paix. Cessez le commerce des armes, cessez de vous enrichir en produisant des engins pour tuer.

     Le mot baptême nous rappelle inévitablement le rituel chrétien. Mais dans la bouche de Jean, il signifie simplement « plongeon ». Il veut relancer le peuple opprimé qui attend le messie de Dieu pour changer la situation. Mais Jean aura bientôt la tête coupée par Hérode, comme c’est encore la mode en Arabie saoudite et chez les fanatiques. Alors Jésus se plonge avec tout le peuple dans le Jourdain. C’est ça l’incarnation ; s’identifier avec les opprimés. Jésus – il porte le même nom que son ancêtre Josué – mènera le peuple vers les eaux du repos. Il faudra le suivre, mais il nous plongera dans le feu et le Souffle sacré. Demandez aux pompiers de Californie ce que font le feu et le vent. « Je suis venu apporter un feu sur la terre et combien je voudrais qu'il soit déjà allumé! Je dois recevoir un baptême et quelle angoisse pour moi jusqu'à ce qu'il soit accompli! Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre? Non, je vous le dis, mais la division. Dès maintenant, une famille de cinq personnes sera divisée, trois contre deux et deux contre trois. Le père sera contre son fils et le fils contre son père, la mère contre sa fille et la fille contre sa mère, la belle-mère contre sa belle-fille et la belle-fille contre sa belle-mère. » (Lc 12,49-53)

     Être disciple de Jésus, c’est être plongé dans le feu de l’action sociale, de l’engagement pour la justice, pour changer de bout en bout ce monde dominé par Mammon. C’est d’être plongé dans le Souffle créateur divin, Souffle qui plane sur le chaos de notre monde. Tant que nous prétendrons être des chrétiens et chrétiennes bien confortables avec leurs petites cérémonies pieuses, sans risquer notre vie et notre réputation pour défendre les plus petits, les plus pauvres, les exclues de nos sociétés, nous ne serons pas plongés dans le feu et le Souffle sacré. Cette religion est vaine. Changer le monde, le rendre habitable pour tous et toutes sans exception, faire de la terre un grand jardin où il fait bon vivre, c’est pour ça qu’on plonge, qu’on reçoit un Souffle divin ; pas pour faire sa première communion et aller à la messe le dimanche. Il faut plus de quatre petits versets pour s’en convaincre.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Noël sans check-points

 

 

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