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Persécution des chrétiens : une appartenance qui dérange

Mario BardMario Bard | 25 septembre 2017

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux! Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
Matthieu 5, 10-12

La persécution : un chemin que personne ne veut emprunter. Bien sûr! Qui veut subir ce qu’endurent les chrétiens de la Corée du Nord? Crucifiés sur des croix au-dessus d’un feu selon les dires de témoins, ils subissent le châtiment ultime pour être chrétien et ne pas avoir su ou pu le cacher…

D’après le rapport Persécutés et oubliés? 2015-2017 qui sera publié en version abrégée par l’Aide à l’Église en détresse Canada (AED – Canada) vers la fin du mois d’octobre, plus d’une dizaine de pays font la vie dure aux communautés chrétiennes et à leurs membres. Simplement parce qu’ils sont chrétiens. La seule idée de leur présence alerte les autorités. Souvent, les chrétiens y sont vus comme des éléments étrangers, comme s’ils étaient des espions de l’Occident, entre autres en Corée du Nord et en Chine. Ailleurs, ce sont des groupes terroristes comme Boko Haram en Afrique, au nord du Nigeria, qui chassent littéralement du chrétien.

Pourquoi persécutent-ils? Que se passe-t-il derrière les accusations d’ingérence étrangère – qui s’avèrent la plupart du temps non fondée – ou bien la chasse aux chrétiens de ces groupes se réclamant – sans aucun fondement sérieux – de l’Islam?

Une action et une présence controversée

Extrapolons à partir de ce que nous enseigne Ieshoua (Jésus en araméen, la langue qu’il parlait). Selon son enseignement, Dieu ne se révèle pas dans le fait de le connaître directement, ou bien d’être ou non chrétien. Choquant n’est-ce pas! Surtout pour tous ceux et celles qui, comme moi, s’en réclament impunément. Il semble plutôt se cacher dans la recherche de la justice et plus particulièrement celle de Dieu. Ce Royaume de Dieu, qui, si l’on se fie à l’épisode dit du jugement dernier, est construit à partir de ce que nous faisons pour soutenir ceux et celles qui sont nus, seuls, en prison ou affamés (lire Matthieu 25,31-46). Notre appartenance au Règne dépend de ce soutien fondamental.

Le Dieu que présente Ieshoua est celui qui invite à simplement être, pour tous, celui qui accueille sans fin dans les situations très concrètes, quand manquer de quelque chose mènera nécessairement à la mort. Ne pas prendre soin de celui ou celle qui est dans le besoin revient à prier dans un chantier de construction aux bruits insupportables. On ne peut rien entendre et notre action de méditation finit neutralisée par des bruits hors de nous ; elle devient sans impact majeure sur notre vie chrétienne. Même chose pour cette charité si nécessaire envers tout être humain, quelle que soit sa langue, sa religion, sa race, etc. Le Dieu de Jésus, devenu Christ par la force de l’amour, ne se contente pas de nos appartenances. Il réclame des gestes bien concrets.

L’action des chrétiens est dérangeante dans bien des pays. En Inde, il réclame l’égalité des chances pour les intouchables. Au Brésil, sœur Dorothy Stang a été assassinée parce qu’elle défendait les sans-terres. Au nom de l’Évangile, sa source principale de bonheur et d’action. Dans d’autres pays, ils ne peuvent dénoncer le manque de liberté dont ils sont victimes, sans risquer la prison.

Il y a également le phénomène plus dur à expliquer : la haine. Un sentiment viscéral à l’encontre de celui qui est différent et ne peut être présent dans une société pure, sans tache, soit purement iraquienne, égyptienne, ou québécoise… La haine d’un fusil dressé contre les membres du Centre islamique de Québec en janvier dernier représente bien la peur de l’autre, mais aussi, la recherche d’une pureté de la race. Six victimes qui ont payé les frais de cette recherche illusoire de la race parfaite et de la peur de l’autre. Cette attaque a été considérée comme une atteinte directe et sans équivoque à la liberté religieuse (je paraphrase), ont conclu les rédacteurs du Rapport sur la liberté religieuse publié tous les deux ans par l’AED. 

La haine. Qui défigure, et face à laquelle l’amour lui-même est incapable de gagner. Ieshoua peut lui-même en témoigner. Être « heureux d’être persécuté » veut peut-être dire que nous sommes tout simplement dans un état de devoir accompli lorsque, malgré tous nos efforts pour le Royaume, notre nom est sali, notre vie en danger ou carrément éliminée. En cherchant le Royaume de Dieu à la manière de Ieshoua, il y a aura certainement des moments de grandes épreuves et de persécution. Mais, comme Thérèse de l’Enfant Jésus a fini par le saisir en elle, il ne s’agit pas ici de chercher la persécution pour la persécution. Il faut avant tout entrer dans le mouvement incessant de l’amour de Dieu, qui lui, permet d’affronter des montagnes, de les soulever, ou malheureusement, de les frapper lorsque notre vie est éliminée.

Savoir aimer à la manière du jugement dernier demande du courage. Et si la persécution survient, nous saurons peut-être que nous avons fait le bon choix : celui de mettre debout l’être humain afin qu’il vive dans la dignité. Heureux de souffrir? Non. Heureux d’avoir fait les choix qui reflètent la pensée de Dieu? Oui. Reste le mystère de la haine qui persécute et contre lequel nous pouvons opposer l’amour. Heureux que la haine ne soit pas entrée dans notre cœur.

Mario Bard est responsable de l’information au bureau canadien de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).

Hammourabi

Justice sociale

Les textes proposés provoquent et nous font réfléchir sur des enjeux sociaux à la lumière des Écritures. La chronique a été alimentée par Claude Lacaille pendant plusieurs années. Depuis 2017, les textes sont signés par une équipe de collaborateurs.