Salomon sacrifiant aux idoles. Jacques Stella, 1647. Peinture, 98 x 142 cm. Musée des Beaux-Arts, Lyon (Wikipedia).

Savoir se battre contre les idoles

Mario BardMario Bard | 28 janvier 2019

« Assemblez-vous et venez, approchez ensemble, réchappés des nations! Ils n'ont point d'intelligence, ceux qui portent leur idole de bois, et qui invoquent un dieu incapable de sauver. » (Ésaïe 45,20)

Sur qui repose mon cœur? Qui est le Dieu de qui je porte les valeurs? À quel saint est-ce que je me voue comme le dit l’expression consacrée? Toutes ces questions sont essentielles pour toutes personnes se déclarant chrétiennes. Et, en ces temps de « Trumperies », elles sont essentielles pour ne pas tomber dans la tentation de l’idolâtrie, présente dans tous les cœurs humains.  

Je demandais à une collègue de travail ce que le mot idole signifie pour elle. Sans même regarder dans le dictionnaire, elle a réagi presque instinctivement en disant que « c’est quelque chose de surfait » et qui « n’est pas réelle ». Analyse extrêmement intéressante. Le dictionnaire informatique Antitode nous donne d’autres éléments, dont les mots : fétiche, bondieuserie, talisman, gris-gris, porte-bonheur. Selon ce dictionnaire, on peut aussi parler d’une personne admirable, de héros, de modèles, ou même, de demi-dieux.

Les médias accentuent ce phénomène en créant des « Étoiles », des « Star », qui flottent au firmament d’un monde qui, avouons-le, est le leur. Elles sont entourées d’une aura presque irréelle et le moindre geste, la moindre faute, la moindre cassure devient l’occasion de vendre « la descente aux enfers » d’une personne qui était, quelques heures auparavant, adulée sans question : on lui donnait le Bon Dieu sans confession. Tout dernièrement, la chute financière d’une idole de l’entrepreneuriat a fait couler beaucoup d’encres et cliqueter des millions de doigts. Si d’un côté, les uns appuyaient « l’idole » et son courage à vouloir lutter malgré les embûches, de l’autre, la chute a créé un plaisir malsain et vicieux. L’idole est redevenue humaine, et l’envie – pire – la jalousie créée par le phénomène idolâtrique n’a fait que renforcer le désir de la mettre au pilori, de s’essuyer les pieds sur son cœur. Au grand dam de l’humanisme et des valeurs fondamentales véhiculées par l’Évangile.

Phénomène observé même chez les chrétiens

« Le vrai pouvoir c’est – je ne suis même pas sûr d’avoir envie de prononcer le mot –
 la peur. » [1]

Cette histoire n’est pas réservée qu’au monde dit séculier. Les chrétiens doivent se méfier de leur propre tentation à entrer dans l’arène de l’idolâtrie. Que de désappointement quand je constate que des personnes se réclamant de notre Seigneur Christ, Jésus de Nazareth, se laisse prendre au piège des fausses lumières.

Ainsi en est-il – selon moi bien sûr – de ces milliers de chrétiens qui ont voté pour le président des États-Unis actuel. Loin de moi de les blâmer pour le choix consciencieux qu’ils ont voulu faire, dans un mode tout à fait démocratique. Librement, ils ont exercé leur droit de vote et de conscience en laissant la chance au coureur. Par contre, plus de deux ans après son assermentation, je me demande ce qu’ils pensent de celui qu’ils ont contribué à faire élire. Trump est très controversé. Mais quel président du sud de la frontière ne l’est pas?

Des éléments de réponse originaux résident plutôt dans la manière de gérer la vie courante de l’État. L’homme à la crinière dorée adore le chaos, un fait reconnu par tous ceux qui l’ont côtoyé dans son entreprise. Lequel chaos nourrit souvent les plus forts –, et surtout —, cette anarchie contrôlée du haut permet la division claire et nette. Des marionnettes sont manipulées par l’idole qui finit par gagner ce qu’elle avait en tête depuis le début. La confusion, le manque de précision et de vérité sont aussi présentés à la population. Le temps de la guerre et des conflits ne permet aucune nuance, pourtant essentielle à la vie d’une société humaine.

L’idole est la plus adulée quand la peur règne. Les dictateurs et les chefs d’État autoritaires ne s’y trompent pas. Ils sont, deviennent, des idoles pour une population désorientée, troublée, perdue en ces temps de terrorisme et d’incertitude économique. Et, malgré des statistiques qui indiquent que la violence est en baisse depuis 20 ans dans les sociétés occidentales, la peur et la confusion permettent de maintenir une peur qui crée les idoles. Et permets à l’idole de s’enrichir.

Prospérité et vie spirituelle : attention danger

Ce qui me trouble aussi, c’est la propension de toute une partie des personnes qui se réclament de Notre Seigneur Jésus Christ à croire que la richesse est directement liée à notre capacité à répondre à sa volonté. Ainsi en est-il des tenants de la théologie de la prospérité. À ce propos, les contributeurs à l’Encyclopédie populaire Wikipédia écrivent ceci – ce qui paraît être une description assez juste :

« La théologie de la prospérité (appelée également doctrine de prospérité, évangile de la prospérité, évangile de prospérité) est une croyance religieuse chrétienne évangélique qui prétend que la Bible enseigne que l’aisance financière des chrétiens est un signe de santé spirituelle et que la pauvreté est une malédiction ou une punition de Dieu. Cette doctrine enseigne que Dieu accroît les richesses matérielles de quelqu’un au regard de sa foi, d’une “confession positive” et de sa contribution aux ministères chrétiens. »

Êtes-vous aussi troublés que je le suis? Ainsi, plus je possède, et plus je suis dans les bonnes grâces de Dieu? Vis-à-vis de Dieu, n’est-ce pas faire preuve d’une forme d’idolâtrie? Jésus le répète sans arrêt : Dieu est d’abord Père. Le reste est bien souvent une question de travail, mais il peut s’allier à la chance et aux bonnes conditions qui se présentent à soi. Ne perdons jamais de vue l’histoire de Job. Même s’il perd sa fortune et sa famille, sa foi en Dieu est inébranlable. Les tenants de la théologie de la prospérité arriveraient-ils à croire en Dieu – celui annoncé par Jésus – s’ils faisaient faillite? Laissons la question ouverte. 

De l’idole au service de Dieu

Un homme de l’Utah interviewé par l’émission matinale étatsunienne CBS Sunday Moning, John, m’a beaucoup impressionné. L’histoire commence lorsqu’une dame de son quartier qui est en fauteuil roulant, Cathy, doit tous les soirs être – littéralement! – mise au lit par au moins deux personnes. Elle lance une demande aux gens de son quartier afin qu’ils puissent l’aider. La réponse est immédiate. Depuis, des équipes de deux hommes se relaient tous les soirs, 7 jours sur 7, 365 jours par année, afin d’aller border Cathy. Il y a même une liste d’attente! Le matin, ses deux fils s’en occupent. Une réponse remarquable à une demande toute simple. Un geste qui permet à Cathy de rester dans sa maison et qui lui sauve la vie.

Dans le reportage, John avoue candidement à la caméra qu’au départ, il ne voulait pas. Il a accepté strictement pour bien paraître auprès de ses voisins. Pourtant, il s’estimait un être un chrétien modèle, une bonne personne comme on dit. Mais, il le dit aujourd’hui, ce geste a changé sa vie. Le modèle du bon chrétien – celui qui aurait pu faire de lui une idole distante – s’en est allé pour laisser place au modèle du service concret, du petit geste, de la constance et de la persévérance au cœur de sa vie.  

Pour s’éloigner des idoles, rien de mieux que l’écoute vive de l’Évangile, liée à notre quotidien. Tant de fois, Jésus demande d’abord à ses disciples d’entrer en service! Comme lui, dresser la table aux plus petits, aux pécheurs, aux marginalisés, aux faibles que la société rejette. Comme lui, transformer et se laisser transformer. Certes, le service n’est pas la seule solution contre les idoles qui habitent le cœur de chacun. Mais, c’est une solution puissante qui permet de connaître. Et qui connaît ne se laisse pas « Trumper » aussi facilement.

Mario Bard est responsable de l’information au bureau canadien de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).

[1] Donald Trump, 31 mars 2016, cité dans le livre, traduit de l’anglais : Peur. Trump à la Maison-Blanche (Seuil, 2018), écrit par le journaliste Bob Woodward.

Hammourabi

Justice sociale

Les textes proposés provoquent et nous font réfléchir sur des enjeux sociaux à la lumière des Écritures. La chronique a été alimentée par Claude Lacaille pendant plusieurs années. Depuis 2017, les textes sont signés par une équipe de collaborateurs.

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