Terre Mère, une œuvre présentée aux Mosaïcultures de Gatineau en 2017, illustrait une légende huronne-wendate (photo © MosaiCanada).

Patrimoine mondial de l’humanité

Marie-Claude LalondeMarie-Claude Lalonde | 22 avril 2019

Le jour où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n’y avait encore sur la terre aucun arbuste des champs et aucune herbe des champs n’avait encore germé, car le Seigneur Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre (…) Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie et l’homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et il y plaça l’homme qu’il avait formé. Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur. (…) Le Seigneur prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour cultiver le sol et le garder. » (Gn 2,4.9.15)

Notre terre, parfois présentée comme une mère, a vu notre enfantement et celui de toutes les créatures vivantes, tant animales que végétales. C’était l’Éden. L’homme [1] en a, en quelque sorte, pris possession avec toute la liberté que Dieu lui avait également donnée. Tout était en équilibre jusqu’à ce que l’homme croit qu’il en est le maître absolu et qu’il doit absolument mâter cette terre pour son profit. Un déséquilibre s’installe doucement jusqu’à ce qu’il se fasse criant à travers les changements climatiques. L’Éden est alors envahi par la pauvreté et les inégalités.

L’homme n’a pas pris soin de la terre, mais de son profit. Il en résulte aujourd’hui un triste constat : la terre devrait figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, sous la rubrique « patrimoine en péril ». Pourtant aux premiers jours de l’humanité, de l’animalité et de la végétalité, Dieu vit que cela était bon. Qu’avons-nous fait de ce cadeau qu’il nous a donné dans son immense élan d’amour ?

Par la recherche grandissante et à tout prix du profit, nous avons négligé, voir oublié, que ce profit provenait justement de la planète bleue sur laquelle nous vivons. Comme aime le dire le pape François, il s’agit de « notre maison commune » et elle a été oubliée au passage. Beaucoup de sensibilisation a été faite au sujet de la pauvreté et de l’environnement. On nous a bombardés d’images d’enfants émaciés, de piles de rebuts et d’eau imbuvable. Mais on nous a rarement dit que prendre soin de la terre, c’est aussi prendre soin de notre prochain. Nous avons toujours séparé le prochain de son habitat… étrange. Celui-ci, surtout s’il est pauvre ou marginalisé, est celui qui souffre le plus des changements climatiques que nous créons.

Une catastrophe naturelle – inondation, cyclone, tempête de grêle – est une épreuve pour toute personne. Toutefois, les conséquences varient dramatiquement que l’on soit un riche d’un pays dit développé ou un pauvre d’un pays moins nanti. Notre développement s’est fait au prix de la pollution dont les pires victimes sont justement celles qui n’ont pas eu droit à ce même développement. Injustice. Nous ne savons pas si ces victimes sont très conscientes des changements climatiques, mais nous, nous ne pouvons ni ne devons plus l’ignorer !

De tous les temps, nous avons opposé progrès économique et écologie. C’est comme si Wall Street souffrait d’allergies à la nature. Pourtant prendre soin de la terre et de tous les êtres qui y vivent peut être générateur d’une économie dynamique dans le respect des besoins de base de chacun. Sans cette conscience de la dégradation planétaire et, par conséquent, de la qualité de vie de ceux qui l’habitent, où allons-nous ? Ayant été créés à l’image de Dieu, ne devrions-nous pas prendre soin de la création à notre tour ? La réponse est claire, mais les gestes tardent à être posés. Chaque sommet sur le climat nous démontre que nos leaders mondiaux ont de bonnes idées… mais qu’ils peinent à appliquer. Mettre la terre sur la liste du patrimoine mondial en péril serait peut-être source d’une nouvelle prise de conscience, d’une inquiétude éclairée.

Il faudrait travailler à ce qu’un jour, le plus rapproché possible, l’équilibre se rétablisse et qu’encore une fois Dieu dise que cela est bon.

Marie-Claude Lalonde est directrice nationale de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).

[1] L’utilisation du mot homme désigne l’humanité et donc autant les hommes que les femmes. Ce choix a été fait pour éviter d’alourdir le texte.

Hammourabi

Justice sociale

Les textes proposés provoquent et nous font réfléchir sur des enjeux sociaux à la lumière des Écritures. La chronique a été alimentée par Claude Lacaille pendant plusieurs années. Depuis 2017, les textes sont signés par une équipe de collaborateurs.