Ta'Kaiya Blaney à la marche pour le climat de septembre 2019 à Montréal (Lëa-Kim Châteauneuf / Wikimedia).

Vos filles prophétiseront

Renaude GrégoireRenaude Grégoire | 9 mai 2022

Comment ce passage du prophète Joël (3,1) se réalise-t-il dans notre siècle? Aujourd’hui, le monde compte environ 1,3 milliards de filles. Des engagements internationaux de divers acteurs concernant l’éducation des filles et l’égalité des sexes ont été compromis à cause de la pandémie. Dans son rapport 2020, Save the Children fait plusieurs recommandations dont celles-ci : aider les filles à se faire entendre, investir dès maintenant dans les filles avec des fonds nouveaux et améliorer les données pour mettre la priorité sur les filles qui sont été le plus oubliées [1].

Des voix qui s’élèvent…

À toutes les petites filles, ne doutez jamais que vous êtes précieuses et puissantes. Vous êtes dignes de toutes les opportunités dans ce monde, alors poursuivez vos rêves. (Hilary Clinton)

En 2012, une jeune autochtone de Colombie-Britannique, d’environ une douzaine d’années, prend la parole dans un atelier lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement à Rio de Janeiro au Brésil. Elle présente son vidéo clip sur la protection de l’eau. Elle s’appelle Ta’Kaiya Blaney et interpelle l’auditoire avec un autre membre de sa nation, Tla A’min : « J’aimerais que vous ayiez le même rapport à l’eau que j’ai! » Une phrase que je n’oublierai jamais. Quelques mois auparavant, alors qu’elle n’avait que 10 ans, elle a été empêchée de se rendre, par des gardes de sécurité, au bureau d’une compagnie pétrolière à Vancouver [2]. Elle allait, avec sa mère, porter une copie de son vidéo clip ainsi qu’une lettre sur l’importance des risques associés à la construction et à la mise en marche d’un pipeline, à la fois pour l’environnement et pour sa culture. Encore aujourd’hui Ta’Kaiya continue de faire entendre ses préoccupations et participent à plusieurs dialogues et actions.

À l’âge de 15 ans, durant l’été de 2018, une jeune suédoise campe devant le Parlement de son pays avec une simple affiche afin d’interpeller les politiciens à agir contre les changements climatiques. En novembre 2018, la grève scolaire pour le climat est lancée par Greta Thunberg. Puis, en un court laps de temps, naissent de grandes mobilisations sur le climat réunissant des milliers de jeunes dans le monde, se reconnaissant dans les préoccupations et les appels à l’action de Greta.

Des jeunes autrices font entendre leurs aspirations en contribuant à la collection Voix des futures générations [3]. Magnifiquement illustrées, leurs histoires racontent la langue autochtone en danger, la protection de nous-mêmes et de l’environnement, les défis d’une génération, l’importance de l’amitié pour le futur. Ces récits de Tyronah Sion de Papouasie-Nouvelle-Guinée (Les filles visibles), de Christina-Angelina Kassongo de la République démocratique du Congo (Le défi d’une génération), d’Adelyn Newman-Ting de Colombie-Britannique (Trouver la langue), d’Anna Kuo de la Chine (Les lucioles après le typhon), de Kenkashen Basu des Émirats arabes unies (L’arbre de l’espoir), soutiennent les droits des enfants et des jeunes tout en faisant la promotion des objectifs universels de développement durable. Et d’autres histoires ont été publiées dans plusieurs langues.

Les filles dans la Bible

Dans la Bible, le prophète Joël annonce : Vos filles prophétiseront! (3,1). Force est de constater que les commentaires bibliques sont très timides à montrer que cette prophétie se réalise aujourd’hui. Quand nous abordons ces récits bibliques, sommes-nous sensibles à lire entre les lignes pour prendre conscience de leur situation sociale et personnelle? Sommes-nous prêts à les rendre plus visibles en les mettant en évidence dans nos prédications, nos formations bibliques, nos catéchèses, nos écrits, et cela sans compter la liturgie?

Considérée comme un butin de guerre, une adolescente se retrouve au service (entendons esclave) de la femme de Naaman ; celui-ci est général du roi d’Aram. Or ce général est lépreux. La suggestion d’aller trouver un prophète de Samarie pour être délivré de la lèpre vient de cette adolescente esclave. Si l’histoire de la libération de Naaman est souvent mise en lumière dans les commentaires, les conséquences de l’esclavage de l’adolescente sont rarement étalées. L’oppresseur est libéré mais la victime de cette guerre ne l’est pas.

Un des sept hommes désignés pour le service des tables, Philippe l’Évangéliste, reçoit Paul et ses compagnons chez lui. Or l’auteur du livre des Actes, qui s’exprime en nous, souligne : il y avait quatre jeunes filles qui prophétisaient (Ac 21,9). Pourquoi ce silence sur la contribution de ces quatre filles à la communauté des premiers chrétiens? Au temps de Paul, les premières communautés ne sont pas structurées comme aujourd’hui. Une variété de dons et diverses modes d’action sont reconnus. Comme l’écrit Paul aux Corinthiens : « Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous! » À n’en pas douter, les quatre filles de Philippe sont inspirées par un seul et même Esprit!

Les sortir de l’invisibilité

L’action de Jésus rejoindra les jeunes, dont les filles. Jésus prend le temps de visiter ou de répondre à l’appel de venir en aide à une fille mise à l’écart par la maladie, par un démon, ou parce qu’elle est morte. Dans le dernier cas, le geste de Jésus dit tout : Il lui prit la main! Il lui dit : Talitha kum, ce qui signifie : lève-toi. Et la jeune fille se leva et se mit à marcher (Mc 5,41). Les jeunes sont une priorité pour le Dieu de Jésus, incluant les filles!

Les organismes de solidarité internationale et les communautés religieuses féminines, mine de rien, contribuent à rendre visibles les filles. Plusieurs communautés religieuses présentent dans les pays du Sud forment des petites équipes s’insérant dans des milieux très défavorisés en divers pays et poursuivant cet objectif de soutenir les filles en les aidant à prendre leur place et à relever les obstacles qui se dressent devant elles. De plus, elles interpellent les gouvernements et la population en général à investir dans les filles pour leur éducation, leur santé et la lutte contre la violence.  Plusieurs organisations d’ici font le choix de soutenir l’autonomisation des filles, ces femmes de demain. Pourquoi ne pas les soutenir nous aussi?

Renaude Grégoire est engagée dans des réseaux de justice sociale depuis une vingtaine d’années. Elle collabore à divers projets de justice sociale, de paix et de protection de l’environnement.

[1] Rapport 2020 de l’organisme Save the Childrren (résumé en français).
[2] Voir son histoire ici (en anglais).
[3] Voices of Future Generations : traduits en plusieurs langues dont le français, les livres sont disponibles gratuitement en format PDF.

Hammourabi

Justice sociale

Les textes proposés provoquent et nous font réfléchir sur des enjeux sociaux à la lumière des Écritures. La chronique a été alimentée par Claude Lacaille pendant plusieurs années. Depuis 2017, les textes sont signés par une équipe de collaborateurs.

Nations Unies

Journée internationale des filles

Si, depuis quelques années, la Journée internationale des filles est soulignée le 11 octobre de chaque année par les Nations Unies, on le doit à la persévérance et à l’engagement de plusieurs organisations ayant à cœur les intérêts des filles dans le monde afin de rendre plus visibles leurs aspirations et leurs droits.