Pas fanatique, mais très radical!

chronique du 28 avril 2000

Pas fanatique, mais très radical!

| Des textes qui dérangent | Un prochain qui dérange |

Certaines paroles de Jésus m'apparaissent très dures ou exagérées. Si je ne craignais de manquer de respect, je dirais qu'il est parfois fanatique. Est-ce bien le cas? Comment comprendre certaines des paroles très dures de l'Évangile? (N. Painchaud)

La vie chrétienne ressemble parfois à un match de boxe. Autour de nous, deux attitudes religieuses semblent s'affronter: dans le coin droit, celle des « fanatiques » qui se présentent comme les « purs », les fidèles. Et dans le coin gauche, l'attitude d'un grand nombre « d'indifférents » qui se contentent -- au plus -- d'un strict minimum. Et, tel un arbitre entre deux adversaires, le « bon chrétien » serait la personne qui prend le temps et qui évalue la situation avec sagesse. Il se situe alors quelque part dans un juste milieu où la « modération a bien meilleur goût ». Est-ce bien le cas?

La lecture des évangiles, surtout les synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), nous réserve de nombreuses surprises. La position du chrétien est loin d'être confortable. Au contraire! Elle semble même marquée par le radicalisme. Mais radi calisme, fanatisme, n'est-ce pas la même chose? Non.

Des textes qui dérangent

Qui n'a pas sursauté en entendant: « Si ta main entraîne ta chute, coupe-la;… et si ton oeil entraîne ta chute, arrache-le » (Lc 8,43-47)? Comment ne pas réagir quand on lit: « Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre » (Mt 5,39-40). Ou encore: « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » (Lc 14,25-26).

Ces mots ne peuvent manquer de nous déranger. Et malgré les explications qu'on s'acharne parfois à nous donner, ces paroles nous frappent en plein visage. Elles nous présentent un visage de Jésus qu'il semble difficile de rapprocher du maître « doux et humble de coeur » (Mt 11,29).

Suivre Jésus

De nombreux textes particulièrement abrupts nous décrivent la suite de Jésus. Ainsi nous trouvons un disciple bien intentionné: « Seigneur, permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père. » Et il se fait répondre « Suis-moi et laisse les morts enterrer leurs morts » (Mt 8,21-22). À un autre qui lui dit: « Je vais te suivre, Seigneur, mais d'abord permets-moi de faire mes adieux à ceux de ma maison ». Et Jésus répond: « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n'est pas fait pour le Royaume de Dieu » (Lc 9,62).

Grande est la tentation de réduire la suite de Jésus à de pieuses paroles et intentions. Car s'il est vrai que le Christ attend de nous une adhésion intérieure, celle-ci ne peut être considérée profonde si les attitudes et les gestes quotidiens ne s'en trouvent pas transformés. Ainsi dans la parabole des deux maisons: l'une est bâtie sur le sable et s'écroule. L'autre, sur le roc, est comparable à la personne sage qui met les paroles de Jésus en pratique (Mt 7,24).

Le coeur de certaines paroles dures de Jésus s'explique par le premier des commandements: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée. » (Lc 10,27; voir Dt 6,5). Cette adhésion est entière; elle inspire tout l'être du disciple et chaque instant y puise sa signification. Jésus devient véritablement la référence centrale de sa vie.

C'est alors que prennent sens des versets particulièrement révélateurs: « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera » (Mc 8,34-35). Ces passages mettent en lumière jusqu'où peut nous mener -- dans des situations extrêmes -- l'adhésion au Dieu de Jésus. Nous sommes bien loin des pieuses intentions.

Chronique précédente :
Les arts divinatoires