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La lampe de ma vie
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chronique du 9 mai 2008
 

L’expérience de l’Esprit Saint, sur la frontière de la mémoire et de l’espoir

Le texte de l’évangile de Jean que la liturgie de la fête de la Pentecôte donne à méditer (Jean 20,19-23) parle d’une apparition de Jésus ressuscité le soir du premier jour de la semaine, c’est-à-dire un dimanche, et du don de l’Esprit Saint en rapport avec la rémission des péchés.

     Dans les récits évangéliques d’apparition de Jésus ressuscité, il est fait mention très souvent d’aspects structurants pour le groupe des disciples et pour la communauté chrétienne issue de ce groupe. On s’en rend compte non seulement ici en Jn 20,19-23, où il s’agit de rémission des péchés, mais aussi par exemple dans le récit concernant les pèlerins d’Emmaüs (Lc 24,13-35), ces deux disciples qui reconnaissent Jésus ressuscité “à la fraction du pain” (une expression qui fait référence à l’eucharistie célébrée dans la communauté chrétienne primitive); ou dans l’épisode de Thomas l’incrédule en Jn 20,24-29, qui se termine par la parole de Jésus ressuscité à Thomas (mais aussi à l’endroit de quiconque se réclamant de Jésus par la suite) : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux qui croira sans m’avoir vu »; ou encore dans le discours d’envoi des disciples en Mt 28,16-20, en Mc 16,14-18, et en Luc 24,47, avec pour mission de faire des disciples de toutes les nations, de proclamer la bonne nouvelle de Jésus ressuscité à toute la création, et du repentir en vue de la rémission des péchés.

     Le rapport étroit entre le don de l’Esprit Saint et la rémission des péché en Jn 20,19-23 a pu laisser croire pendant longtemps à une signification plutôt juridique de ce don, d’autant plus qu’il est dit aussi de l’Esprit Saint qu’il est une sorte d’intermédiaire et d’intercesseur devant Dieu et qu’il se fera l’avocat, le défenseur des disciples dans leurs démêlés avec les diverses autorités auxquelles ils auront affaire. Dans les écrits du Nouveau Testament toutefois, ce n’est pas là la fonction unique de l’Esprit Saint dont le rôle principal est d’être une aide, un secours constant et aussi une continuation, auprès des croyants, de la présence de Jésus après la mort de celui-ci.

     La première mention de l’Esprit Saint dans l’évangile de Jean se trouve dans le discours d’adieux de Jésus aux disciples au cours de la dernière Cène : en Jn 14,16-17 il est question de l’envoi de l’Esprit de vérité qui conduira les disciples vers la vérité tout entière. En Jn 16,13-15 Jésus dit de cet Esprit de vérité qu’il ne parlera pas de lui-même mais prendra de son bien à lui, Jésus, pour en faire part aux disciples. C’est pourquoi Jésus dit de l’Esprit Saint que le Père enverra en son nom, qu’il “rappellera” aux disciples tout ce qu’il leur a dit. (Jn 14,26)

     Ce “rappel” est une assurance et une promesse qui s’énoncent au futur. Ainsi mis en rapport au futur, ce rappel de l’envoi de l’Esprit Saint n’est pas une invitation à vivre désormais dans la nostalgie de ce qui ne sera jamais plus. Se rappeler, c’est au contraire recevoir une ouverture essentielle au présent. Se rappeler, c’est se rendre compte que la mémoire est bien la soeur aînée de l’imagination, que toutes deux, la mémoire et l’imagination, ont leur assise dans l’imaginaire, et que le passé est présent dans la mesure où passé et présent ont leur assise dans le futur, c’est-à-dire dans l’espoir.

     C’est pourquoi l’Esprit Saint est souvent appelé le Consolateur, c’est-à-dire le donneur d’espoir. Qui n’a pas d’espoir n’a pas de temps à perdre. L’art des heures perdues se perd là où l’espoir s’absente. Pourquoi donc s’acharner à donner de l’espoir quand on fait tout en son possible pour tuer la mémoire? Le meilleur moyen de détruire l’espoir, c’est de tuer la mémoire, de troquer en pratique la devise québécoise bien connue: « Je me souviens », par : « Un pays dont la devise est : je m’oublie », titre d’une pièce de théâtre présentée à Montréal il y a une dizaine d’années par le Théâtre d’Aujourd’hui, alors sous la direction de Jean-Claude Germain.

     De nos jours, les centres d’intérêt s’orientent vers des besoins nouveaux. Cette recherche est marquée par la multiplication des crises de vie : perte d’emploi, retraite précoce, divorce, accidents de la route, prise en charge de la très longue vieillesse et de l’impensé social sur lequel elle débouche. Nous entrons dans une société dont le rapport à la mémoire est orienté sur la création du sens, non sur la simple gestion d’un sens déjà donné ailleurs et par d’autres, et attendant seulement qu’on daigne bien vouloir s’y intéresser.

     Être chrétien aujourd’hui, c’est cesser de carburer à la nostalgie et cultiver la mémoire par exemple au moyen de ce que d’aucuns ont appelé une « pastorale de l’intelligence ». Pareille pastorale a fait l’objet, en septembre 1977, d’une proposition du Comité des priorités de l’Assemblé des évêques catholiques du Québec – une proposition à laquelle on a négligé de donner suite dans les 30 dernières années. Cette « pastorale de l’intelligence », si elle avait été mise en place, aurait eu tôt fait de constater  son insuffisance en tant que « fides quaerens intellectum » et la nécessité d’un complément fourni par une « fides quaerens imaginarium » (comme le suggère le Père Benoît Lacroix  dans son livre La religion de mon père paru en 1986 – voir page 98), c’est-à-dire une « pastorale de l’imaginaire », cette assise de la mémoire et de l’imagination.

     Dans l’évangile de Jean, l’Esprit Saint est une figure parallèle à Jésus. Tout comme Jésus, ce n’est pas quelque chose qu’on pourrait connaître et ensuite posséder; c’est la manière d’être croyant. Cette manière ne se réduit pas à une sorte « d’esprit chrétien » à l’oeuvre dans des institutions, perceptible dans le développement social et culturel, et qui dépendrait du sentiment, des humeurs, ou encore simplement de l’enthousiasme. Au quotidien, cette manière demeure le plus souvent non réfléchie; elle ne dépend pas de notre capacité de « nommer » et de considérer ensuite ce qui ne peut pas être « nommé » comme n’existant tout simplement pas. Quand on accepte de circuler parmi le monde, il faut faire son deuil des étiquettes.

     L’expérience de l’Esprit Saint est cette mystique du quotidien - et non : au quotidien! – qui conduit à trouver Dieu en toutes choses en vivant sur la frontière de la mémoire et de l’espoir, là où selon toute apparence il ne se passe rien d’autre que la monotonie des jours et des gestes. Cela s’explique aussi peu que de vouloir épingler des papillons tout en demeurant convaincu de pouvoir échapper au risque de les empêcher de voler.

Maurice Boutin

Chronique précédente :
La résurrection expliquée par un enfant, pour un enfant

 

 

 

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