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La lampe de ma vie
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chronique du 12 juin 2009
 

Entrevue avec Paul de Tarse

Si Paul de Tarse vivait aujourd’hui et nous accordait une entrevue, à quoi pourrait ressembler l’échange? Propos recueillis (ou imaginés) par Alain Gignac, professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Montréal.

Remarque : Cette activité de créativité peut être reprise en situation catéchétique : demander aux participants d’imaginer, écrire et mettre en scène un dialogue entre eux et un personnage biblique.

Journaliste : Paul de Tarse, merci de votre disponibilité. Vous n’avez pas besoin de présentation. Je saute donc directement à ma première question. Quel effet cela vous fait-il que le pape Benoît XVI ait placé la présente année sous votre patronage, en l’honneur du bimillénaire de votre naissance ?

Paul : Je me suis toujours considéré comme un serviteur, voire un esclave de Jésus Christ, et je n’ai jamais cherché ma gloire, mais le succès de l’évangélisation. Ça me fait donc un peu drôle d’être célèbre à ce point. À ma mort, je comptais peut-être plus de querelles et d’échecs à mon actif que de consensus et de réussites. Il faut dire que j’ai une personnalité passionnée et un comportement combatif et militant. J’étais à la marge de l’Église, pour ainsi dire.

(J) Vos propos m’étonnent, car on vous considère parfois comme le fondateur de l’Église.

(P) Ce n’est qu’après ma mort qu’on a pris conscience que mes positions théologiques s’étaient avérées des conditions gagnantes pour la définition et l’expansion de la foi chrétienne. Après coup, je suis donc devenu, ou plutôt mes lettres sont devenues, une référence pour l’identité chrétienne.

(J) Mais à lire les Actes des Apôtres, on a l’impression que, voyageur infatigable, vous avez évangélisé à vous seul tout l’Empire romain !

(P) Je crois qu’il s’agit d’une illusion d’optique voulue par mon ancien collaborateur Luc, qui voulait, pour ainsi dire, réhabiliter ma réputation. J’y suis présenté sous un angle très favorable. Certes, je me suis dépensé sans compter pour l’Évangile (n’acceptant presque aucune aide monétaire des communautés). Toutefois, le christianisme s’est répandu de bouche à oreille, par les voyageurs, en commençant par ceux qui font du commerce. Encore aujourd’hui, on ne sait pas qui a apporté l’Évangile à Rome, à Alexandrie et à Antioche, les trois plus grosses villes de l’Empire. L’évangile n’a pas besoin de héros pour se propager.

(J) Les gens d’aujourd’hui vous font plusieurs reproches…

(P) Cela n’a pas beaucoup changé. De mon vivant, j’étais plutôt contesté.

(J) C’est peut-être pour cela que Benoît XVI invite cette année les catholiques à vous redécouvrir avec des yeux neufs (et peut-être, dans certains cas, à vous découvrir, tout simplement). Mais dites-moi, comment expliquez-vous que les gens vous perçoivent comme extrêmement vantard, voire vaniteux ?

(P) Cela vient de mon style littéraire, qui respecte les procédés d’écriture de mon époque, où le téléphone, internet et la télévision n’existaient pas. Lorsqu’on communique à distance par écrit, et même en présence, il faut aller chercher l’attention et l’émotion des gens. Les intéresser. Alors, on met des effets et on caricature. Et comme je l’ai dit auparavant, il m’a fallu souvent me défendre, car je n’avais pas connu Jésus de Nazareth — je veux dire, de son vivant. Je n’ai jamais eu l’autorité de mon collègue Céphas, que vous connaissez mieux sous son nom grec : Pierre, car il avait été le premier témoin de la résurrection. Moi, je viens après tous les autres…

(J) On dit aussi que vous êtes moralisateur…

(P) J’ai toujours répété avant tout aux chrétiens qu’il fallait se laisser transformer, pour que Christ prenne forme en nous ; que c’est le Souffle de Dieu qui nous rend libres et porte fruit en nous. Mais je me devais aussi de les exhorter à persévérer et à grandir dans la foi. Car la foi doit aussi agir, changer peu à peu le monde, bien que tout soit grâce, ultimement. Je ne suis pas pour la Loi, car Christ suffit. J’ai été clair là-dessus. Donc pas de règles, mais je suis incapable d’accepter deux comportements : ce qui nuit aux personnes, ce qui nuit à la communauté. D’où mon principe : une bonne décision, c’est une décision qui édifie, qui construit l’individu et la communauté.

(J) On dit encore que vous êtes un sexiste invétéré. Des féministes iraient jusqu’à vous bannir du Nouveau Testament.

(P) Ô, vous savez, ce n’est pas moi qui ai placé mes lettres, des écrits de circonstances, dans le Nouveau Testament ! Mes disciples ont gardé mes lettres les plus significatives, parce qu’elles disaient certaines choses de la foi. Si j’ai une certaine fierté, c’est d’avoir été un des premiers chrétiens à écrire : je n’avais que l’Écriture (qui deviendra après ma mort votre Ancien Testament) pour m’inspirer. J’ai peut-être parfois tourné en rond, balbutié des réponses incomplètes ou imprécises. Mais il fallait faire vite. J’ai toujours été aspiré par l’urgence pastorale…

(J) Donc vous admettez que vos propos sur les femmes sont sexistes ?

(P) Oui et non. Moi-même, avec le recul, je prends conscience de deux choses. Premièrement, j’appartenais à un monde très patriarcal, comme disent les féministes. J’ai beau être chrétien, je ne suis pas un extraterrestre par rapport à mon époque! Ne me demandez pas d’être un homme rose. Deuxièmement, et on l’oublie souvent, j’étais révolutionnaire sur la réciprocité homme-femme, comme je l’ai martelé aux Corinthiens. Bref, il y a certains de mes propos qui sont sexistes (bien que certains soient le fait de mes disciples), mais il y a certaines formules qui sont des graines de féminisme! L’important, aujourd’hui, c’est de ne pas lire mes lettres avec des yeux sexistes pour s’appuyer sur l’un ou l’autre de mes versets afin de justifier l’inégalité. Je l’ai bien dit : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni mâle ni femelle, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga  3,28, Bible Nouvelle Traduction). L’Église a-t-elle compris cela? La société, qui peine encore à l’équité salariale, a-t-elle compris cela? Le Royaume de Dieu n’est pas encore arrivé!

(J) On vous reproche d’être très complexe, difficile à comprendre. Sérieusement, croyez-vous qu’on puisse se servir de vos lettres en catéchèse ?

(P) Mes lettres sont essentiellement des catéchèses! Non pas des récits, mais des mots que j’ai cherché à mettre sur mon expérience spirituelle et sur celle des communautés que j’avais fondées. Mes destinataires ne savaient pas lire, pour la plupart. Alors ils se réunissaient et demandaient à un des leurs qui le pouvait, de lire ma lettre. Ils en discutaient. Ils faisaient répéter le lecteur. Ils s’aidaient mutuellement à comprendre. Pourquoi ne pas faire de même aujourd’hui? Lire par petits morceaux, en discuter, voir comment cela résonne dans nos vies. Catéchiser, c’est faire écho. Mes images, mes phrases chocs, mes interpellations : tout cela cherche à transmettre ma foi.

(J) En terminant, lequel de vos textes nous recommanderiez-vous pour réfléchir sur la catéchèse ?

(P) Dans ma plus longue lettre, adressée aux chrétiens de Rome, et qu’on peut considérer à juste titre comme un bilan de vingt ans de prédications et de mission, j’ai cité une hymne que j’avais moi-même reçue (un procédé que j’ai utilisé souvent). L’hymne dit, en gros, qu’il faut intérioriser la foi qu’on nous propose, et que c’est en disant sa foi qu’on  la rend effective et agissante : « Si tu te sers de ta bouche pour confesser que Jésus est le Seigneur, et de ton cœur pour croire que Dieu l’a réveillé  d’entre les morts, tu seras sauvé. Dans ton cœur la foi devient justice, sur tes lèvres la confession mène au salut » (Rm 10,9-10, BNT) Il faut intérioriser le récit de la fidélité du Christ, au point de s’en sentir partie prenante et d’être capable de raconter, à notre tour, cette merveilleuse histoire de salut.

Alain Gignac

Source : bulletin Passages vol. 8 no 2 (2009) publié par l’Office de catéchèse du Québec.

Chronique précédente :
La Bible dit-elle la vérité?

 

 

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