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La lampe de ma vie
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chronique du 18 avril 2014

 

Les évangiles et la question de la prédestination

La semaine dernière, nous avons tenté d’éclairer deux passages des lettres de Paul où il est questions de « prédestinés ». Nous prolongeons la réflexion sur la question de la prédestination en examinant les évangiles. À la question du destin de l’homme, Jésus répond de différentes manières.

L’appel de Matthieu

Hendrick ter Brugghen
L’appel de Matthieu, circa 1616
Huile sur toile, 106 x 128 cm
Musée des Beaux-Arts, Budapest

L’appel de Matthieu

     Commençons par relire l’appel de Matthieu et le repas qui s’en suit (Mc 2,13-17). Matthieu et cette femme représentent deux situations similaires. Ils sont mis par leurs concitoyens au rang des « pécheurs », ces hommes ou femmes qui ne peuvent vivre les préceptes de la Loi religieuse et qui seront, de ce fait, condamnés par Dieu. Quand on est une personne qui se veut juste et pieuse, on ne se commet pas avec de telles gens. On les ignore et parfois on les chasse à coup de pierres. C’est la conviction profonde de ce groupe d’hommes très religieux appelés « pharisiens ». Pour eux, il est clair qu’il y a les justes d’un côté et les réprouvés de l’autre. Ils sont certains que Dieu est bien de leur avis et qu’eux ont choisi le bon côté.

     Pas si simple! répond Jésus. Passant par Capharnaüm, il appelle Matthieu ou Lévi à le suivre et le publicain, considéré comme un pécheur invétéré, devient son disciple. Pour Matthieu, l’événement est si fort qu’il organise une petite fête avec ses amis travaillant comme lui à la collecte des impôts. Jésus et ses disciples sont, bien entendu, les invités d’honneur. C’en est trop pour les pharisiens, témoins de la scène. Ils reprochent à Jésus, via les disciples, de se compromettre avec les pécheurs. La réponse tombe alors : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs! »

Le repas chez Simon

     Cet épisode (Lc 7,36-50) est plus pittoresque. Un pharisien invite Jésus à un repas de fête. Il désire certainement mieux le connaître et pouvoir lui poser les questions qui l’intéressent. Mais rien ne se passe comme prévu. Voilà qu’une femme s’introduit subrepticement dans la cour où a lieu le repas. Ayant repéré la natte sur laquelle Jésus s’est installé à demi couché pour manger, elle se précipite à ses pieds et se met à pleurer toutes les larmes de son corps. Elle tente de les essuyer avec sa chevelure, embrasse les pieds du rabbi, y verse du parfum. On peut imaginer la scène. Tous retiennent leur souffle et regardent. Ils ont reconnu la femme. C’est une pécheresse! Et Jésus la laisse faire, indifférent au scandale qu’il est en train de provoquer dans les esprits. La cause est entendue! pense Simon. Si Jésus était un véritable homme de Dieu, il saurait que cette femme est une pécheresse et il l’aurait chassée depuis longtemps… C’est alors que ce dernier prend la parole et s’explique et ajoute, à propos de la femme : il lui sera beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé. Puis, se tournant vers elle, il lui dit : « Ta foi t’a sauvée, va en paix! »

     Pour Jésus, la situation est claire. Rien, dans le destin de l’homme, n’est fixé par avance ou figé pour l’éternité. Le destin de l’humain est entre ses mains. La joie de Dieu est de pouvoir retrouver sa brebis perdue ou de voir revenir à la maison le fils perdu qui a cru préférable de décider seul de sa propre vie et s’est lamentablement fourvoyé dans une impasse (Luc 15). Personne n’est prédestiné au malheur; personne n’est exclu à priori de l’amour de Dieu. Pour en bénéficier, il suffit d’une décision personnelle qu’exprime fort bien le fil cadet de la parabole : oui, je me lèverai et j’irai vers mon père!

L’aveugle né

     La rencontre de Jésus avec l’aveugle de naissance est encore plus intéressante. Elle propose la nouvelle compréhension du destin de chaque être humain. En Jean 9,1-3, on lit ceci : « En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : “Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle?” Jésus répondit : “Ni lui ni ses parents n’ont péché…” » La question des disciples a de quoi surprendre, mais elle permet de toucher du doigt la mentalité d’une époque pour laquelle tout ce qui arrive est voulu par Dieu, le bien, comme le mal. L’infirmité de cet homme est immédiatement attribuée à un péché, celui des parents ou celui de l’aveugle lui-même. Jésus refuse clairement cette vision simpliste de la maladie, comme il refuse d’attribuer la mort de 18 personnes, tuées accidentellement par la chute d’une tour, à leur péché (Lc 13,4). Pour lui, il n’existe pas de situation déterminée par avance, qu’on l’attribue à un destin inexorable ou à une punition divine.

Le jeune homme riche

     En complément à ce qui vient d’être dit, évoquons un autre épisode évangélique, la rencontre de l’homme « riche ». À la suite d’un appel qui n’aboutit pas, Jésus a des mots sévères sur la richesse et la possibilité pour le riche d’être sauvé (Mc 10,23-27). Alors que ses disciples, comme le monde juif de l’époque, voyait dans la richesse une bénédiction divine, Jésus prononce cette sentence (v. 25) : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » Imaginez la consternation des disciples qui ne disposent pas de beaucoup de choses, mais tiennent à ce qu’ils ont durement acquis! La question fuse (v. 26) : « Et qui peut être sauvé? » Jésus les regarde fixement comme s’il prenait mieux conscience de la difficulté du chemin qu’il propose. Sa réponse a certainement détendu l’atmosphère (v. 27) : « Pour les hommes impossibles, mais pas pour Dieu! »  C’est une manière de nous rappeler que seul l’amour miséricordieux de Dieu est capable de nous sauver des pièges dans lesquels on se met soi-même si souvent.

Matthieu 25

     Prenons un dernier texte, le chapitre 25 de Matthieu. Il s’agit de la grande parabole du jugement dernier. La mise en scène est impressionnante, avec le partage entre ceux qui peuvent entrer dans la gloire divine, à droite, et ceux qui en sont rejetés, à gauche. Sur quel critère se base le divin juge? Examine-t-il les cartes du parti ou ceux qui appartiennent à la bonne religion? Encore là, Jésus surprend ses auditeurs. Une seule chose intéresse le Seigneur : l’amour dont chacun s’est montré capable, dans la rencontre avec ses frères humains. Il n’y a là rien à voir avec une prédestination quelconque. L’avenir de l’être humain est entre ses propres mains. Seuls les choix de vie concrets sont déterminants. Seul l’amour offert à l’autre, « au plus petit d’entre mes frères », dit Jésus, peut répondre à l’amour de Dieu toujours offert. En Jésus, Dieu révèle à l’ensemble de l’humanité le chemin de la vie en plénitude. Cette vie est une offre gratuite que chacun peut accueillir, dans la liberté de son cœur.

     Dans cette perspective, la question n’est plus de savoir si je vais être sauvé(e), ni si Dieu a déjà choisi les élus, ni combien de personnes le seront, mais de répondre à cet amour toujours offert et d’entreprendre d’y conformer sa propre vie. C’est la Bonne Nouvelle qui retentit dans l’ensemble du Nouveau Testament. J’entends, en dernier écho, la promesse de Jésus en croix au malfaiteur qui s’en remet à lui : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Lc 23, 43) Comment mieux dire que le chemin de vie offert par Dieu en Jésus Christ est ouvert à toute personne qui le sollicite dans la confiance?

Roland Bugnon

Article précédent :
Les prédestinés des épîtres aux Romains et aux Éphésiens

 

 

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